Après deux jours entiers passés à jouer au millésime 2012 du phénomène Call of Duty, je ne pensais pas me retrouver à débattre à ce point avec mes confrères journalistes des méandres du scénario. Et pour cause : pour la première fois, Call of Duty ne propose plus qu'un seul et même rollercoaster pour tous. Son histoire change vraiment en fonction de ce qu'on y fait, et si manette en mains, la différence avec les précédents reste ténue en termes de feeling et d'expérience continue, les efforts consentis par Treyarch pour nous fournir un volet qui fait sécession avec les précédents semblent presque surréalistes...

Collection 2012 : une large gamme de choix

A cheval sur les années 80, avec les graines plantées par Alex Mason et Franck Woods, les personnages phares de Black Ops, et les années 2020, où elles fleurissent devant les yeux ébahis de David Mason (le fils d'Alex) et ses comparses, la campagne de Black Ops II s'avère intelligemment menée. Un peu plus longue et un peu plus difficile que les précédentes, elle se pare donc, surtout, d'aménagements scénaristiques plus ou moins marqués en fonction des actions des joueurs. Untel parviendra à récupérer la dénommée Chloé avant qu'elle ne soit kidnappée par DeFalco, le bras-droit de l'antagoniste de cet épisode, Menendez, un autre joueur n'y parviendra pas. Dès lors, ce dernier aura en l'occurrence une seconde chance de la récupérer au travers d'une mission Strike Force (je reviendrai sur celles-ci) que le premier n'aura pas. Untel pourra choisir de tuer tel autre personnage (un simple prompt avec une pression d'un bouton pour décider ce qu'on fait), tel autre choisira l'autre option : la suite, et les fins, varieront donc en fonction d'embranchements plus ou moins clairement offerts au joueur, et il y en a plusieurs. Au total, ce sont six fins différentes qui attendent les joueurs, plus deux autres qui sont des variations de deux de ces six. Incroyable ? Ca ne s'arrête pas là, car les embranchements ne sont pas tous aussi clairs que deux options s'affichant à l'écran, ce qui rend également les surprises possibles, des surprises qui s'approchent de ce que peuvent offrir des jeux particulièrement axés sur ces mécaniques d'embranchements et de variations tels que le fantastique Dishonored. On est encore loin de ce dernier, bien entendu, mais avec Black Ops II, la série prend incontestablement un virage de design surprenant, décisif, et bien réel. Et ce n'est pas le seul élément laissant plus de marge de manoeuvre et de choix à ses pratiquants : en effet, les missions dites Strike Force que je mentionnais plus haut, pourront être approchées différemment par les joueurs.

Call of Duty : le RTS

En tout et pour tout, il y a cinq missions Strike Force dans la campagne solo (sachant, donc, que tous les joueurs n'auront pas forcément accès aux cinq). Ces missions diffèrent en deux poins essentiels des missions "classiques" : elles peuvent échouer (et ainsi changer des éléments de l'histoire), et on peut les jouer en alternant, en temps réel, entre une vue du dessus et contrôles de jeu Stratégie Temps Réel (sélectionner des unités, les déplacer sur la carte, les lancer contre l'ennemi, etc.), et une vue subjective en "prenant possession" instantanément de n'importe quelle unité déployée sur la carte, qu'il s'agisse de fantassins, de drones volants, de tourelles ou de blindés automatiques. On coordonne ainsi les unités dans l'espoir de réussir les objectifs de la mission, qu'il s'agisse d'attaque ou de défense, en fonction du déploiement ennemi visible en rouge sur la carte. Dans les faits, si on pourra se satisfaire de la vue et des contrôles RTS en niveau Recruit (facile), dès les niveaux de difficulté plus avancés, il faudra souvent palier à l'IA et aux talents des unités en les incarnant pour plus d'efficacité. En effet, en termes d'IA, on est assez loin, naturellement, des véritables jeux de Stratégie Temps Réel... Mais quoiqu'il en soit, la proposition apporte une véritable nouveauté au solo de Black Ops II, qui conserve par ailleurs l'essentiel des autres ingrédients habituels de la série, avec des séquences variées menées tambour battant, parfois même trop vite expédiées pour avoir le temps d'y prendre un plaisir maximum. Vous l'aurez compris : jamais Call of Duty n'avait innové autant depuis Modern Warfare... et encore. Mais au moment d'en tirer un verdict, le travail et les idées de Treyarch se confrontent à d'autres réalités qui peuvent soulever moins d'enthousiasme...

Mais euh... pourquoi il l'a pas buté dès le départ alors ?

Le premier sujet à griefs de cette campagne solo, ce sont les trous du scénario. Si certains sont probablement dus aux aménagements nécessaires aux variations de l'histoire, d'autres semblent parfois difficiles à justifier. En gros, l'histoire commence sur une cinématique présentant le nouvel antagoniste : Raoul Menendez. Cinématique brillamment réussie d'ailleurs, en termes de narration, de ton, et d'exposition de l'événement déterminant de la vie de Menendez qui justifie en partie ses actions : le sauvetage in extremis de sa soeur d'un incendie qui la laissera complètement défigurée et handicapée. Je vous laisserai découvrir les autres détails, mais toujours est-il que ce terroriste devra bien entendu être arrêté par les "gentils". Seulement voilà : à vouloir créer des rebondissements et autres trahisons, tout en faisant de Menendez un génie du mal capable de prévoir plusieurs coups à l'avance, et ce genre de choses, si on y réfléchit un peu on trouve vite des incohérences parfois gênantes... C'est d'autant plus dommage que dans l'ensemble, les différents arcs narratifs de l'histoire, alternant flashbacks dans les années 80 et dénouements dans les années 2020, et les cinématiques impeccablement jouées (la capture de performance, et le doublage en VO sont vraiment excellents malgré le moteur graphique daté), servent bien l'histoire globale. Mais après tout, on est aussi dans un Call of Duty, et ceux-ci n'ont jamais vraiment eu la prétention de séduire pour la cohérence de leurs histoires ou de leurs contextes géopolitiques fictifs. Un peu plus gênant en revanche pour les habitués de la série : en termes de spectaculaire, Black Ops II frappe moins fort que précédemment. Oh, il y a toujours des explosions partout, des idées vraiment chouettes (la wingsuit, le dogfight à bord d'un chasseur futuriste), mais une fois la campagne bouclée en à peu près 8 heures, on a un peu moins l'impression d'en avoir pris plein la gueule que dans les précédents. Indubitablement, les efforts et les changements engagés par Treyarch (pour le meilleur) ont prélevé leur tribu sur cet aspect de la licence, y compris dans les détails de scripts qui se montrent parfois capricieux. Soient ils se déclenchent derrière nous quand on va trop vite, soit il nous cantonnent plus encore qu'auparavant à un tracé très précis, quite à nous tuer inévitablement si on s'en écarte, sans parfois qu'on comprenne pourquoi.

Un "reboot" perfectible

Bref, la campagne de Black Ops II manque un peu de punch, semble avoir eu moins de temps pour fignoler ses scripts, mais on y gagne en retour une rejouabilité considérable, un nouvel atout qui personnellement me ravit. Comme souvent avec les nouvelles approches, ce n'est donc pas parfait, mais je ne saurais trop conseiller à Treyarch de poursuivre ses efforts en la matière pour parvenir à un meilleur cocktail. Quitte à ce que l'expérience "McDo" ultra-linéaire des Call of Duty précédents soit perdue à ce profit, d'ailleurs. Certes, on a tellement été habitués à celle-ci qu'on se demande presque si procéder autrement et ouvrir l'histoire à de multiples variations ne constituera pas en soi une source de déception pour les fans... Mais qu'ils aillent au Diable ! En revanche, s'il y a un point sur lequel on s'accordera probablement tous, c'est que visuellement, le moteur n'a pas progressé. Non pas que les précédents épisodes étaient parvenus à s'améliorer dramatiquement sur ce point, mais il y avait toujours de petits progrès ça et là pour ne pas se laisser complètement dépasser par une concurrence féroce en la matière. Cette fois, s'ils existent, je ne les ai pas vus. Pire même : la version PS3 semble curieusement baveuse, par rapport à la version 360, au point d'être même clairement moche par endroits. A l'évidence, beaucoup repose sur la qualité de l'écran sur lequel j'ai pu la voir, mais je refuse d'imaginer qu'on puisse lui imputer tout la responsabilité de cette situation. Globalement, ce Call of semble donc moins soigné que les précédents, comme s'il avait moins cherché à ou eu le temps de cacher le retard technique de son moteur qu'auparavant. Quand le multijoueurs semble dès lors plus beau que le solo, on se pose tout de même des questions... Mais une partie de la réponse se trouve incontestablement dans un fait bien connu : l'essentiel des joueurs de Call of y jouent pour le multi. Et celui-ci n'est pas en reste en termes de changements, comme de qualités.

Do-it-yourself

Premier gros changement : le système Pick-10 qui permet de personnaliser des classes dans les moindres détails. Vous voulez tout miser sur une stratégie à base de perks en prenant pour seule arme un bouclier blindé et courir comme un dératé sur vos ennemis qui paniquent et les cogner au corps à corps parce qu'ils n'arrivent pas à viser vos pieds ? Pas de problème, je l'ai fait et c'est à se pisser de rire dessus, croyez-moi. Le principe de base est simple : chaque élément choisi coûte un point sur 10. Arme principale : 1 point. Amélioration d'arme : 1 point. Perks primaire, secondaire, tertiaire : 1 point chacun. Grenades offensives et tactiques : 1 point chacune. Atout : 1 point chacun. Et ces fameux atouts, qu'est-ce donc ? Un moyen de contourner des règles habituelles. Par exemple, vous pourrez choisir un perk de plus, choisir deux armes primaires, etc. Ca coûte donc plus cher en points puisque les atouts eux-mêmes en ponctionnent, mais ça permet de garder un équilibre global entre toutes les combinaisons possibles, et ça a l'air de plutôt bien fonctionner (j'ai essayé des combinaisons assez dingues sans trouver de faille au système qui me donne un avantage trop décisif). Pour le reste, on conserve le système de déblocage pour les matchs non personnalisés. Chaque niveau passé donne un jeton de déblocage qui peut ensuite être utilisé sur une arme, une modification d'arme, un perk, etc. Les armes elles-mêmes ont des niveaux qui conditionnent l'accessibilité des modifications qu'on peut leur acheter. Enfin, les streaks sont gérés à part du système Pick-10 : on en prend trois parmi une liste, et ceux-ci sont à présent régis non pas par le nombre de frags qu'on fait, mais par les points ramassés par un ensemble d'actions, frags compris. Ainsi, une capture de drapeau, une zone capturée en domination, un assist, ou même protéger des coéquipiers avec un bouclier ou leur faciliter un frag avec un UAV de reconnaissance ramasse des points. Chaque streak nécessite un certain nombre de points pour être débloqué en jeu, et rien n'empêche d'en choisir trois très chers ou trois très bons marchés dans sa classe. Enfin, une fois un streak conquis, il reste accessible même après une mort - jusqu'à utilisation. En revanche, les points accumulés sont perdus entre chaque mort. Dès lors, ces révisions des systèmes centraux de la série font de Black Ops II le volet le plus flexible et le plus ouvert à différents talents de joueurs de tous les Call of. Un joueur qui ne sait pas aussi bien viser qu'un autre mais qui contribue stratégiquement à la réussite de son équipe aura ainsi lui aussi la possibilité de débloquer et d'utiliser des streaks en partie, tandis que les classes les plus fantaisistes sont possibles pour s'adapter à tous les types de joueurs. Par exemple, moi, je ne prends quasiment jamais d'arme secondaire sur mes classes ; je préfère prendre un chargeur étendu ou quick change, quite à investir un point dans un Atout me permettant de munir mon arme principale d'une modification supplémentaire en plus des deux de base. Ca ne m'empêche pas de me faire humilier, mais bon...

Des à-côtés déterminants

Toujours au chapitre du multijoueur compétitif, on appréciera aussi le retour des excellents modes "Party Games" (auparavant classés dans les "Wager Match") de Black Ops : "Sticks and Stones", "One in the Chamber", "Gun Game" et "Sharpshooter". Des options plus poussées de customisation des parties sont d'ailleurs disponibles (ce qui vaut pour tous les matchs personnalisés, quels que soient les modes), ce qui est d'autant plus agréable qu'on peut sauvegarder des configurations de parties favorites - en revanche on regrettera l'impossibilité de créer des playlists personnalisées (quand on veut se faire plein de matchs sur un mode party game sur plein de maps différentes, c'est un peu con de devoir changer la map à la main entre chaque match). en termes de nouveautés, les nouveaux modes sont rares : il n'y a que Hardpoint, un mode similaire à un King of the Hill dans lequel les équipes doivent tenir des zones changeant au sein d'une partie pour marquer des points. En revanche, l'introduction du multi-team, disponible pour de nombreux modes de jeu traditionnels, représente encore une variation de plus et une innovation de taille. Ainsi, il sera possible de disputer des parties avec jusqu'à 4 équipes de 4 joueurs, ce qui change d'autant la dynamique des matchs. Enfin, le CoDCasting, qui permet de commenter des matchs en live, avec affichage des cartes, passage d'un joueur à l'autre, picture-in-picutre et même écoute des voix des équipes est une franche réussite, simple d'utilisation et très puissante pour les amateurs d'e-sport. De même, la possibilité d'ouvrir sa partie au stream vidéo live sur YouTube, de sauvegarder les parties en vidéo comme dans Halo, et l'intégration de tout cela avec Elite force le respect. Ca marche bien, et c'est très bien foutu. Reste les cartes, nombreuses et plutôt réussies (même si certaines semblent moins bien pensées que d'autres), de nouvelles armes et streaks intéressants (en particulier la tour à Micro-ondes qui servira considérablement ceux qui l'utiliseront bien), le tout propulsé par un visuel mieux fini qu'en solo, et qui s'il n'égale pas d'autres FPS plus récents technologiquement, conserve le plus important avec une vitesse d'animation sans faille. Mais pour tous ceux qui ne sont pas trop dans le compétitif, il reste aussi le mode Zombies, qui fait son retour avec son propre lot de nouveautés.

Call of Duty en monde ouvert ?

Zombies, c'est la marque de fabrique de Treyarch, leur contribution la plus significative à la série, qui a su conquérir de nombreux fans. En réalité apparenté à un mode horde un peu structuré, il s'agit d'y combattre des vagues successives de zombies de plus en plus résistantes et nombreuses, en reconstruisant les barricades par lesquelles ils s'infiltrent, les points gagnés par les joueurs de l'équipe étant investis dans de meilleures armes et équipements pour tenir aussi longtemps que possible. Le principe n'a pas changé d'un iota, quel que soit le mode de jeu choisi, et il y en a désormais plusieurs. Le classique, sur cartes, le mode Grief, et le mode "Tranzit". Commençons par le mode Grief : deux équipes en concurrence pour leur survie, la CIA et le CDC, qui ne peuvent guère se faire de mal les unes les autres (quand elles se tirent dessus, ça ralentit un micro poil tout en créant surtout des volées de papillons multi-colores). L'équipe gagnante est celle qui aura le dernier membre en vie à l'issue d'une vague de zombies. Tant qu'il reste un survivant à chaque vague dans chaque équipe, on passe à la vague suivante. Problème cependant : si personne ne survit, on recommence la vague... inéluctablement, jusqu'à ce qu'il y en ait au moins un, dans une équipe, qui survive et tue *tous* les zombies restants de la vague. Du coup, le jeu n'a pas de fin : on recommence ad nauseam la dernière vague sur laquelle les joueurs butent, même si aucun d'entre eux n'a le niveau pour finir tous les zombies de la vague et offrir la victoire à son équipe de trépassés. Curieux, mais surtout vite lassant. Le mode Tranzit se révèle plus intéressant, puisqu'il s'agit d'un monde ouvert dans lequel un bus circule de zone en zone. Chaque zone a ses petits secrets à découvrir, on peut y rétablir l'électricité, construire des trucs pour aider l'équipe, etc. S'il s'agit vraiment d'un monde ouvert, ce n'est pas non plus Skyrim ou Red Dead, vous vous en doutez. L'équipe peut être séparée entre ceux qui auront pris le bus et ceux qui seront restés à un arrêt, et on peut bel et bien descendre en cours de route, mais d'une part c'est une très mauvaise idée pour la survie de ceux qui descendent ou se séparent des autres, et d'autre part, entre les zones, les tunnels et routes limitent sérieusement le champ d'action et il y a peu à découvrir en dehors d'une mort certaine. Le mode reste néanmoins fun, et propice à se faire de petites histoires à plusieurs. Il emprunte ainsi à des titres comme DayZ, tout en restant profondément arcade, encadré par un humour potache, et bien moins "survival" dans l'esprit. L'intérêt reste la présence d'éléments persistants (on peut par exemple stocker des crédits ou des armes dans des emplacements prévus à cet effet et les retrouver dans une partie suivante), et le côté exploration, même s'il est limité (de gros brouillards bien denses entourent les zones clef, et de curieux mutants ultra rapides et mortels y résident histoire que vous n'ayez pas trop le temps de vous attarder). Les fans apprécieront également l'ajout de mystérieux bonus à débloquer pour ceux qui auront le loisir d'accumuler suffisamment de points.

Au final, ce Black Ops II marque indubitablement un virage sérieux et appréciable dans la série. Considérablement enrichi une fois encore, quasi-complet dans son offre avec une campagne certes moins percutante mais véritablement rejouable, un multi toujours léché, un mode coopératif avec le Zombies, et des à-cotés soignés (CoD Elite, le mode théâtre, le Codcasting...), il ne pêche que par un solo moins bien fini que d'ordinaire (la faute sans doute à son ouverture), et un moteur graphique qui n'a pas su progresser assez en termes de raffinement visuel. Il accuse peut-être aussi le contre-coup d'un rythme de parution effréné de la série qui malgré ces très sérieuses évolutions et innovations, appelle une certaine forme de lassitude que ne saurait véritablement gommer, sans doute, qu'un passage à la next-gen tonitruant et/ou une avancée plus importante et mieux maîtrisée de cette nouvelle optique.