Lei et Jupiter, tels sont les noms des deux protagonistes de cette aventure introspective, sachant que seule la première est accessible en début de partie. Avant de pouvoir débloquer Jupiter, il faudra donc explorer les différentes émotions de Lei, qui correspondent chacune à différentes approches du gameplay (comme nous le verrons plus bas). La première session voit donc le joueur débuter avec l'émotion Joie de Lei. Chaque session se déroule en une petite trentaine d'étapes, en autant de minutes, pendant lesquelles notre personnage sera confronté à ses phobies ou tentera de se booster mentalement avant de débuter l'affrontement proprement dit.

Le sale air de la peur

Avant une étape d'affrontement, le joueur doit décider de se frotter à l'une des deux phobies proposées aléatoirement. Une fois le choix fait, le combat débute et l'écran nous met directement dans la peau du personnage face aux formes monstrueuses que peut prendre l'objet de sa peur dans son esprit. On constate vite que le jeu tient vraiment la route visuellement, avec une approche à la fois sobre et esthétique, qu'il s'agisse des phobies ou des cartes des différents decks. On pense également aux animations de l'Agoraphobie (son attaque "Pointer du doigt") et de la Tokophobie ("Dépression post-partum") par exemple, très impactantes. Sur le plan artistique, le jeu a un vrai cachet.

La confrontation se déroule en tour par tour et le joueur dispose de trois actions avant de terminer le sien, le but étant d'abaisser la vie de la phobie à zéro. L'originalité tient au fait que l'on a toujours connaissance du prochain coup de l'ennemi et de ses différents effets avant d'agir. Ainsi, Neurodeck joue la carte de l'anticipation permanente. Au début du tour, le joueur pioche donc un certain nombre de cartes, que l'on peut regrouper en deux types : les actions, qui se défaussent dès usage, et les équipements, qui peuvent être utilisées une ou plusieurs fois et dont deux seulement peuvent être exploités à la fois.

La grande majorité de ces cartes requiert un coût d'Endurance, dont le total restant est figuré en bas à gauche de l'écran. On peut également y voir les points de Santé mentale, correspondant à la vie du personnage. Le joueur dispose de deux autres actions spécifiques lui permettant de tirer une nouvelle carte moyennant 8 Endurance (la Focalisation) ou de terminer son tour plus tôt que prévu pour à l'inverse en récupérer une quantité non négligeable.

Cartes sur table

Les intitulés des cartes ont pour thématique toutes sortes de situations, d'actions ou d'objets susceptibles d'avoir une influence sur l'humeur de chacun. Ainsi, on retrouve les cartes Câlin, Journée de merde, Règles, Pensées attentives ou encore Shooter dans une canette. Elles sont toutes liées à une émotion particulière (Câlin et Pensées attentives à la Joie par exemple), laquelle fait office de deck. Ainsi, même si certaines cartes d'autres émotions pourront ponctuellement se retrouver dans le deck choisi, l'approche variera en fonction de l'émotion choisie au départ : le deck Colère de Lei par exemple nous permettra de jouer aggro (comprendre : tout pour l'attaque) tandis que le deck Surprise dispose de cartes nous invitant à en piocher davantage.

En plus des dégâts ou des soins directs, certaines cartes appliquent des buffs au personnage ou, à l'inverse, des debuffs à l'ennemi. Valables seulement un ou deux tours, ces derniers sont plutôt variés : Courroux pour infliger des dégâts supplémentaires, Chagrin pour verrouiller l'utilisation de quelques cartes de la main, Reposé pour regagner de la santé en fin de tour, Nostalgie pour faire commencer celui-ci avec une action en moins etc.

Tous ces éléments, qui rendent le gameplay accessible et intéressant sur le papier, sont contrebalancés par la prévisibilité des attaques ennemies évoquée plus haut. Non contentes d'annoncer toujours la couleur, les phobies procèdent TOUJOURS à la même suite de coups, de sorte que même en changeant de deck, les affrontements finissent vite par tous se ressembler. C'est d'autant plus dommage que d'ennemis/phobies, il n'y en a pas des masses dans le jeu. Seuls d'autres niveaux de difficulté (les Niveaux de résilience), ajoutant quelques malus, permettent de pimenter la chose mais sans changer le fond de l'expérience, qui reste assez similaire d'un bout à l'autre de cette aventure introspective. Passé le moment de la découverte, on se rend compte que Neurodeck manque de profondeur pour accrocher sur la durée.

Émotions contraires

Hormis les affrontements, chaque session nous propose de booster les statistiques de notre personnage par le biais d'étapes diverses et variées : Dormir pour ajouter une nouvelle carte à son deck, Gymnase pour améliorer son Endurance ou sa Santé mentale, Cuisine pour préparer un plat nous aidant pour le prochain combat (augmentation de l'Endurance max, de la Santé max ou plus de cartes piochées) etc. L'une de ces étapes, le Test d'introspection, nous invite à répondre à un questionnaire comportant cinq questions visant à identifier un trait de caractère du joueur, qu'il pourra ensuite associé au personnage pour lui octroyer un bonus en combat : la Fierté pour récupérer 2 Santé mentale à chaque carte tirée, Miséricorde pour 5 Endurance à chaque dégât reçu, Indépendance pour tirer deux cartes en plus à chaque tour etc.

Plutôt sympathiques les premières fois, ces questionnaires manquent vraiment de subtilité de sorte qu'il devient très facile de savoir quoi répondre pour récupérer un trait ou l'autre. C'est d'autant plus décevant qu'encore une fois, on retombe très souvent sur les mêmes questionnaires et donc les mêmes questions. De façon générale, Neurodeck nous donne l'impression de tourner en rond, sans nous fournir d'objectifs clairs.

On enchaîne donc les sessions sans vraiment savoir ce que les développeurs cherchent à nous communiquer. Certaines thématiques fortes (la masculinité toxique, la menstruation, la dépression post-partum) sont abordées mais de manière trop diffuse, uniquement par le biais des attaques ennemies ou de courts textes liés aux souvenirs ou aux rêves du personnage. À cela s'ajoute un manque général de finition : impossibilité de faire défiler le nombre d'étapes à partir du dernier tiers, défilement du texte d'une longueur dingue, erreurs typographiques, quelques oublis dans la traduction... soit, pour ce dernier, un comble pour un jeu français.