Tout amateur de JRPG le sait bien : rien de mieux qu'une bonne petite amnésie pour s'embarquer dans une aventure. Snack World, comme tant d'autres titres avant lui, ne déroge pas à la règle puisque notre petit bonhomme atterrit dans le royaume animé de Tutti Frutti, la mémoire tout embrouillée. Il se voit alors vite confier la lourde tâche de partir en mission pour assouvir les desiderata de la princesse locale.

Tutti Frichti

Ce postulat de départ est à l'image du reste de l'intrigue du jeu : terriblement convenue. Là n'est pas l'intérêt du titre, qui est plutôt à chercher du côté de son univers, assez original et déjanté. L'humour y est omniprésent, à commencer par toutes les allusions aux mécaniques du RPG qui viennent briser le quatrième mur : on y parle ouvertement dans les dialogues de donjons, de boss et de points d'expérience.

Par ailleurs, il faut souligner que Snack World bénéficie d'une excellente localisation française, dont on peut profiter avant même d'accéder au menu du jeu puisque, fait rarissime, le générique de celui-ci est chanté dans la langue de Molière ! La qualité de la traduction rappelle celle des séries Pokémon et Yo-Kai Watch avec un goût prononcé pour les jeux de mots en tous genres (souvent en lien avec la nourriture, comme tout l'univers du jeu) quand il s'agit de nommer les créatures du jeu : Batrassassin pour une grenouille meurtrière, Félincendie pour un chat de feu... Pour un jeu japonais à l'origine, les trouvailles de l'équipe de localisation française sont brillantes.

Visuellement, le jeu ne paye vraiment pas de mine (il s'agit d'un portage d'un jeu 3DS, pour rappel), mais c'est tout de même plutôt varié et coloré. La bande-son en revanche s'avère très réussie, avec des thèmes propices à l'exploration et à l'aventure. Malheureusement, l'extrême répétitivité du titre implique un manque de renouvellement des pistes sonores et celle liée à la ville de Tutti Frutti, bien qu'excellente, aura vite fait de vous taper sur les nerfs.

Donjons générés et génériques

Avant d'entamer l'aventure, on nous demande de consacrer quelques minutes à la création de notre personnage. L'outil de personnalisation est assez complet, avec la possibilité notamment de choisir parmi plusieurs voix (françaises). A noter à ce sujet qu'il n'y a pas de dialogues doublés dans leur intégralité ; il s'agit davantage d'interventions vocales venant appuyer, parfois à contre-emploi, les propos des personnages.

Après quelques scènes préliminaires, le joueur peut librement se balader dans la ville de Tutti Frutti, capitale du Royaume faisant office de hub principal du jeu avant que notre protagoniste ne s'aventure dans deux autres villes vers le milieu de la campagne. Il peut y discuter avec des PNJ pour se lancer dans des quêtes, visiter les magasins ou bien consulter son Pix-e Pod, sorte de smartphone permettant d'accéder à tout un tas de fonctionnalités : encyclopédie, caractéristiques du personnage, musiques du jeu à débloquer... C'est également grâce à lui qu'il peut échanger avec d'autres joueurs en multi local ou en ligne et se créer une petite expédition à plusieurs. Par ailleurs, à la manière d'un MMO, Snack World propose un inventaire de répliques toutes faites pour pouvoir plus facilement interagir avec ses amis.

Le joueur aura le choix de se lancer dans l'une des quêtes principales ou d'opter pour une secondaire ou annexe, la première étant davantage motivée scénaristiquement que la deuxième. La plupart nous invite à visiter des donjons aléatoires, à savoir générés de façon procédurale à la manière d'un rogue-like. Ils sont toujours constitués de deux étages à parcourir puis d'un boss, ces trois sections étant parfois entrecoupées de salles mystère menant à des coffres bonus ou à des affrontements plus ardus. Le joueur dispose d'une carte bien utile qui se dévoile au fur et à mesure de la progression dans les étages mais on constate très vite que l'exploration des donjons se fera toujours de la même manière : enchaîner les mobs en évitant les pièges (qui peuvent infliger des altérations d'état : poison, pétrification, oubli du chemin parcouru...) puis accéder à la zone suivante tout en ramassant le loot.

Snack'n slash

Notre amnésique dispose de toute une palette d'outils pour se défaire de ses adversaires appelés Jaras. Il s'agit d'armes et de potions que le joueur équipe en amont de chaque mission, en tenant compte des créatures qui se nichent dans le donjon - la possibilité de s'équiper de manière automatique avant une quête est possible et franchement bienvenue. Ainsi, telle monstruosité sera plus sensible à telle arme plutôt qu'une autre. Le personnage s'équipe donc de six armes au maximum, sachant qu'il peut intervertir entre elles à loisir. Le jeu nous facilite la tâche en nous suggérant de changer pour l'arme adaptée à la créature la plus proche par une simple pression de la touche ZR. En cas d'utilisation excessive d'une arme, celle-ci se casse et l'on doit de toute façon en changer le temps qu'elle se répare.

Le joueur martèle la touche Y pour frapper (ou tirer dans le cas de l'arc ou du bâton de magie) et la touche X pour utiliser une compétence Jara, grâce à une jauge qui se remplit plus ou moins vite selon l'arme (et encore davantage en restant appuyé sur la touche). On alterne donc principalement entre frappe, compétence spéciale, bloquer et esquive : la recette est assez classique. S'agissant des potions pour se soigner ou booster ses stats, elles sont à usage restreint mais il est possible d'en récupérer au cours de l'exploration. Lorsqu'il porte un coup ou qu'il en reçoit un, une jauge spécifique permet d'enclencher la charge Jara, commune à toutes les armes mais dont l'effet dépendra de l'arme équipée au moment de l'attaque.

Comme tout bon RPG qui se respecte, toute créature éliminée permet au personnage d'engranger de l'expérience et à terme de passer des niveaux. Chaque niveau acquis accorde un certain nombre de points de croissance au joueur qu'il devra répartir parmi des attributs pour augmenter ses stats : augmenter son mental permet ainsi d'avoir un boost de défense et de résister à certains éléments tandis que répartir ses points dans l'attribut chance octroie davantage de butins rares.

Buffet à volonté

Notre baroudeur ne se lance pas seul dans les donjons puisqu'outre les compagnons qui l'assistent ponctuellement lors de certaines quêtes, il sera accompagné de plusieurs créatures contrôlées par l'IA. Appelés snacks, il s'agit en réalité des monstres et des personnages du jeu que l'on aura obtenus soit en achevant des quêtes annexes, soit en vainquant un certain nombre d'exemplaires de la bébête avant de pouvoir la capturer. Une aura bleue s'active dans ce cas et le joueur ne dispose que d'une trentaine de secondes pour prendre une photo de la créature avec son Pix-e Pod. Il en existe plus de deux cents à capturer et leur design est très coloré et varié, à l'image de la direction atristique du jeu.

Une fois le snack sous son emprise, le personnage pourra lui demander de l'escorter lors de ses prochaines escapades, sachant que chacun d'eux dispose de caractéristiques (attaquant, soigneur, défenseur...) et de statistiques (PV, attaque, défense...) propres et que tous sont alignés sur le niveau du personnage. Il peut aussi faire office de snack de poche et cette fois-ci, il ne suit pas directement notre aventurier mais ce dernier peut l'invoquer à sa place : le joueur prend alors son contrôle. Cela permet de varier un peu l'expérience de jeu.

Lorsqu'il s'équipe d'un couvre-chef, d'une tenue et d'un accessoire, le joueur peut décider de l'attribuer soit à l'équipement actif, c'est-à-dire faire en sorte que les caractéristiques propres à ces équipements soient activées, soit simplement à l'équipement cosmétique. Ainsi, fini de se taper des accoutrements ridicules sous prétexte qu'ils protègent un max ! A chaque équipement sont attribués une marque, un style et une couleur, et en fonction de la "tendance", les porter confère au personnage davantage de chance d'obtenir des butins rares. Enfin, avec la myriade de matériaux qu'il glane dans ses explorations, le joueur peut confectionner ses propres vêtements, les renforcer et même en changer la palette de couleurs.

Indigestion

Dès l'achèvement des premières missions, on constate que l'on devra les enchaîner de façon assez simpliste, toujours en retournant au hub entre chaque. C'est d'autant plus artificiel que certaines quêtes, une fois accomplies, nous invitent à nous téléporter de nouveau à Tutti Frutti alors même qu'une nouvelle zone vient d'être découverte ! Les missions en elles-mêmes ne sont pas très variées : battre tel boss, ramasser tel butin, vaincre tel nombre d'ennemis... et c'est tout.

Si on conjugue à cela la pauvreté du level design évoqué plus haut, on a la désagréable impression de se retrouver face un gacha dissimulé derrière un bel enrobage. Tout s'y prête : la brièveté des quêtes, le loot permanent et même l'abondance de coffres et de bonus en tout genre remportés à la fin de chaque mission. La notion de hasard chère aux gacha est omniprésente également avec l'organisation de loteries sans cesse rappelées par des notifications sur le Pix-e Pod. De façon générale, l'expérience se veut très casual et répétitive.

Au final, en se contentant des quêtes principales et d'un peu de farm, il vous suffira d'une vingtaine d'heures pour clore l'aventure. On pourra toujours s'amuser à capturer tous les snacks ou à débloquer toutes les musiques et les médailles (sortes de trophées/succès) du jeu, mais passées les premières heures, l'intérêt pour le titre s'essouffle et ce n'est pas après le sixième chapitre permettant à l'intrigue de décoller un peu qu'il sera ravivé.