Un tempête. Un naufrage. Plus rien. L'enfant s'éveille sur une plage. Des falaises rougeâtres. Des mouettes, des crabes, des lézards, de l'eau à perte de vue. Il est sur une île. Impossible à quitter, à première vue. Pourquoi ? Comment ? Ses souvenirs sont flous. Cela n'a pas l'air de l'inquiéter. Enu, c'est son nom, s'empresse de se mettre en marche pour découvrir les environs. Des ruines. La sérénité règne. Le temps est radieux. Escalader, nager, jouer à chasser les sangliers ou à les attirer avec un fruit dont ils raffolent l'amuse. La nuit tombe. Quelle est cette immense tour au loin ? Et ces colonnes de lumière éparpillées ? Instinctivement, il décide de s'approcher de leurs sources. Il y trouve des renards statufiés qui réagissent au son de sa voix. S'en échappe des rais de lumières qui l'amènent à une place où un goupil l'attend. Ce dernier lui montre un chemin. Vers la sortie ?

La remonte-Ueda ?

On a beaucoup glosé sur la filiation avec ICO, supposé que Tequila Works avait quasi-totalement sucé la moelle du jeu culte de Fumito Ueda. S'il est vrai qu'un garçonnet agile se baladant seul dans des ruines antiques pleines de mécanismes intrigants et de ponts suuuuuper longs a quelque chose de familier - ce qui n'est pas étranger à l'intérêt porté dès l'annonce -, tout comme les saccades récurrentes (du moins sur PS4 standard), il ne faut surtout pas se fier aux apparences. RiME la joue quand même différemment. Point de combat, point de jeune-fille à défendre et attendre pour débloquer la situation. Juste ce môme ingénu et abandonné à son sort, qui ne peut compter que sur lui et va évoluer dans des zones plutôt ouvertes, aux couleurs vibrantes, et appeler à la contemplation.

Si la marche et la grimpette sont de mise, ce que le protagoniste va devoir accomplir en votre compagnie relève essentiellement de la réflexion, pas de l'habileté ou de l'urgence. Il faudra savoir comment se débarrasser de vilaines ronces, jouer avec la lumière et les perspectives de bien des façons, déplacer des blocs, porter des sphères, les activer (en hurlant) au bon endroit et au bon moment. Et c'est malin. Tout coule naturellement, sans jamais se révéler compliqué ou frustrant. Ce que les plus acharnés déploreront, d'autant que l'expérience est courte en ligne droite (entre 4 et 5 heures). Mais cette quête intimiste n'a pas pour vocation de se couper du monde. Au contraire. Elle veut émerveiller à grande échelle.

Méta-fort

L'important c'est le voyage, paraît-il. Celui de RiME est, avant même toute notion ludique, un récit surprenant, dans lequel on apprécie le côté épuré et la discrétion de l'interface. Une peinture floue dont on croit imaginer les formes les plus évidentes à mesure que l'on progresse. Une histoire sans paroles, parce qu'elle n'a pas besoin du protocole pour nous happer. Les images, les symboles, les rares sons et l'extraordinaire travail du compositeur David Garcia, qui fait tantôt sourire, tantôt larmoyer les pianos et les violons, suffisent pour qu'on se sente aux côtés d'Enu.

L'immersion et le besoin d'aller de l'avant tiennent aux mécaniques, aux charmes visuels et sonores de l'ensemble, à son esthétique. Mais surtout à des mystères. Sur l'endroit où l'on se trouve, sa raison d'être. Sur l'identité du garçon en pagne. Mais aussi sur celles d'une étrange figure drapée de rouge, de l'adorable renard, de gardiens amicaux et d'ombres plus ou moins menaçantes que l'on va être amené à croiser. Des fresques, des effigies, qui donnent également des indices sur la marche à suivre, ont l'air de vous mener vers une direction. Les cinématiques aussi. Sans parler d'éléments à dénicher et collectionner qui peuvent avoir leur importance. Chaque pièce du puzzle donne une nouvelle couleur. La légèreté et l'innocence des premiers pas se transforment petit à petit pour déboucher sur une vérité inattendue - dont il est strictement impossible de parler ici. Une destination qui nous fait prendre conscience du sens des événements traversés, nous laisse les analyser différemment. Et réaliser que Tequila Works n'a pas conçu un jeu comme les autres.