La cinématique d'introduction de Furi est parfaite. Simple. Nette. Il pleut. Le ciel est violacé, menaçant. Vous découvrez un Ninja à la chevelure pâle et épaisse, retenu prisonnier, telle une bête enchaînée sur ce qui semble être un ridicule bout de planète rocailleux... Vous ne savez pas qui il est mais une chose est sûre : il veut prendre la poudre d'escampette. Un homme masqué à la voix menaçante semble veiller à ce qu'il ne puisse pas mener ce but à bien... Après quelques insultes soufflées sur le fil de l'élégance, il s'éloigne... Un inconnu au visage dissimulé sous un masque de lapin aux yeux psychotiques vient alors vous chercher, vous délivrant discrètement et susurrant :

Le gardien est la clef. Pour être libre, il faut le tuer...

La clarté de ces mots et leur violence vous poignarde en plein coeur. Si, lorsque vous commencez Furi, le voile jeté sur le scénario est épais, en revanche vous savez que vous allez devoir en baver pour retrouver votre liberté. Et pour cause, il va falloir vous débarrasser des dix gardiens qui ont fait de vous ce prisonnier taciturne.

Un univers complètement dingue

En découvrant l'univers de Furi, on en prend plein la tête, on cligne des yeux. Graphiquement le jeu n'est pas "beau". Il est même un peu "plat", les textures sont sommaires, votre personnage est tendu comme un bout de bois bref, on ne prend pas une baffe graphique.

La claque, c'est la direction artistique racée qui nous l'envoie en pleine face : l'univers est d'une extravagance rare, arborant des couleurs flashy très cyberpunk rappelant clairement Afro Samurai. Ses personnages au design léché signé Takashi Okazaki envoient une image forte, un peu dérangée. On est tout de suite happé par l'ambiance d'autant plus que dès les premières notes de la bande-son on prend l'avion. Surfant sur un style electro fantasmagorique un peu à la Giorgio Moroder elle offre une expérience auditive puissante et indéfinissable tant elle est surprenante. On peut citer entre autres Lorn ou encore Waveshaper derrière ces notes endiablées. Pour peu, on lâcherait presque la manette pour danser... Quoi qu'il en soit elle colle si parfaitement à l'univers qu'elle semble être née des paysages que vous allez visiter.

Une plage abandonnée, une désert où les ruines d'une civilisation inconnue gisent ça et là baignant dans une lumière diffuse, une grotte souterraine où la solitude pèse sur chaque particule d'oxygène, une prison futuriste, un rocher semblant flotter dans un ciel torturé, un jardin d'éden... Tous ces endroits aux couleurs vives et à l'esthétique subtile seront autant de théâtres abritant votre aventure aux accents oniriques.

Furi est un Die and Retry dans la plus pure des traditions mélangeant très violemment le beat'em all et le shoot'm up mais il laisse aussi la place au rêve, la contemplation, le voyage... Marchant lentement d'arène en arène vous traverserez les environnements cités plus haut tout en écoutant votre curieux compagnon masqué vous raconter son passé torturé et vous parler du prochain antagoniste, vous ventant ses mérites, attisant ainsi votre crainte... Oui, sans vous en rendre compte, ce beau parleur arrivera à vous foutre le doute, vous faire craindre la suite. Il a le verbe fin, la tournure poétique, la voix grave, et vous vous demanderez à de nombreuses reprises si vous pouvez vraiment lui faire confiance...

Entre nervosité et introspection

Ces moments de flottement, que vous pouvez jouer en marche automatique si vous souhaitez faire souffler vos mains trop sollicitées, permettent de s'immerger totalement et surtout, ils installent une atmosphère douce et étrange grâce au monologue singulier de notre ami (notre personnage principal ne soufflera pas un mot quant à lui). Ce curieux compagnon et plus globalement ces phases de jeu vous feront sans doute penser à certains séquences de Metal Gear Solid de même que les ennemis que vous rencontrerez. Torturés, violents, incernables, le génie tourmenté de Kojima a l'air d'avoir légèrement influencé l'équipe de The Games Bakers. Le scénario tient sur un fil, certes, mais les dialogues et l'aura du titre ont le mérite d'être inspirés.

Alors si la progression très lente de notre protagoniste entre les combats dérangera peut-être les plus pressés, quant à moi, j'ai pris le temps de m'arrêter plusieurs fois avant de pénétrer dans les "miroirs magiques" faisant office de portes vers les différents univers.

J'ai écouté chaque note de musique, j'ai regardé chaque détail du paysage malgré les textures grossières qu'on ne voit même plus grâce à l'ambiance si fantastique, j'ai soufflé, j'ai pensé, j'ai voyagé. J'ai même cessé de penser au jeu tant l'atmosphère si particulière du titre m'a emportée loin. Etonnant.

Mourir... pour mieux se relever !

Nous avons posé les bases de notre univers. Parlons maintenant de gameplay. Vous allez avoir mal. Très mal. Dès le tuto, on a envie de pleurer. Deux modes sont disponibles, Promenade, clairement indiqué à coté de la barre de vie de vos ennemis histoire de vous foutre la honte et Furi, le mode normal sans compter le mode Furieux que vous débloquerez si vous arriver à boucler le jeu en mode Furi. Et maintenant, apprenez. Apprenez de vos erreurs. Recommencez. Soyez meilleurs.

Les rencontres sont toutes découpées en plusieurs phases dont l'intensité va aller crescendo, du combat à distance à un rapprochement significatif jusqu'à être prisonnier d'un cercle rendant le corps à corps inévitable... Il faudra à chaque fois apprendre de son ennemi pour arriver à le comprendre et à savoir comment le vaincre. Et encore, même là, impossible de tout prévoir, il faudra recommencer encore et encore pour maitriser parfaitement la situation et en venir à bout. Plusieurs attaques que vous pourrez combiner sont à votre disposition :

  • Tir laser simple
  • Tir laser chargé
  • Coup d'épée
  • Coup d'épée chargé
  • Dash (peut être chargé)
  • Contre

Evidemment, tout va très vite, il s'agit donc aussi de prendre en main le rythme effréné pour arriver à gérer les quelques QTE qui viennent s'ajouter à la limonade. Bref, une gymnastique des doigts exigeante et éreintante.

De plus, vous verrez que les gardiens prennent un malin plaisir à vous humilier, vous marchant dessus, vous infligant une punition psychologique à chaque coup, chaque défaite... Leur langue est acérée, leurs techniques lucifériennes. Vous les maudirez, vous pesterez mille fois ce qui attisera votre haine et décuplera votre ténacité. Au fur et à mesure vous ne chercherez même plus la facilité, vous prendrez limite gout à la souffrance. Moi qui ne suis pas spécialement fan de ce genre de jeu, j'en redemandais ! Plus dure encore s'il vous plait, que je me dépasse ! Combien de fois ai-je du recommencer alors que j'étais presque au bout ? Qu'à cela ne tienne. L'envie de continuer était bien la plus forte, ce jeu est une drogue dure... Gestion de la tension, maitrise des réflexes, concentration, sévérité, patience... et calme ! Voilà mes conseils en quelques mots si vous voulez briller.

Notez enfin que tout comme notre héros mystérieux, chacun des gardiens possède plusieurs vies liées à une jauge de santé qui remontera à son maximum si l'adversaire perd une vie. Autant dire que ça peut durer longtemps cette histoire... Mais à chaque fois, si vous persistez, vous irez un peu plus loin, un peu plus vite, un peu plus facilement et le goût de la victoire lorsque vous aurez réussi à vous débarrasser de tous vos adversaires est d'une saveur extrêmement rare croyez-moi...