Un manque de moyens pour trop d'ambitions, voilà grosso merdo ce qui était reproché aux deux premiers titres du studio français. Technomancer sera-t-il l'épisode de la consécration pour nos petits parisiens ? Sont-ils retombés dans leurs travers de vouloir proposer un jeu trop gros pour leurs petites minimes ? Ou sont-ils finalement parvenus à créer un titre qui saura séduire le plus grand nombre ? C'est ce que nous allons voir dans ce test, mais ne tournons pas plus longtemps autour du pot : si j'ai été globalement séduit par ce RPG futuriste, il n'en reste pas moins pavé de quelques défauts qui démangent comme un petit caillou coincé dans la chaussure.

Ghost of Mars War Logs

The Technomancer est un spin off du premier véritable jeu (hors commandes éditeur donc) de Spiders : Mars War Logs. On se situe donc dans le même univers, soit plus d'une centaine d'années après l'arrivée des premiers colons sur Mars, de sa terra formation (qui ne s'est pas tout à fait déroulée comme prévue...) et de la perte du contact avec la planète Terre. Tout ne va donc pas pour le mieux dans cette sévère dystopie, où les différentes villes se mènent une guerre sur fond de lutte des classes, de combats pour la liberté transformés en terrorisme et d'esclavagisme de mutants. Youpi. Et notre héros dans tout ça ? C'est un "Technomancien", un humain capable de maîtriser le pouvoir de l'électricité pour la transformer en arme.

Ceux d'Ophir, sa ville natale, sont malheureusement recrutés par l'armée pour servir de milice locale, mais aussi pour combattre au front. Zackaria Mancer, c'est son nom, devient donc un petit toutou à la solde de militaires véreux, corrompus et mégalomanes. Mais il va devoir apprendre à jongler entre sa hiérarchie et la mission assortie d'un terrible secret transmise de technomancien en technomancien : leurs pouvoirs viennent de mutations datant de l'époque des premiers colons, et si jamais cela venait à être découvert, leur caste courrait un grave danger, celui d'être traités comme des esclaves, sort réservé à tous les mutants de la planète rouge...

Mancer devra donc apprendre à mentir à ses supérieurs sur ses mystérieuses sorties destinées à récupérer des artefacts, dépositaires du savoir des premiers colons, dans des sites laissés à l'abandon depuis bien longtemps. Un travail de vieille technologique, en somme, dont le but ultime sera de reprendre contact avec la planète bleue, mais aussi de découvrir les origines des premiers technomanciens. Ce pitch de départ donne lieu à une grande épopée, ou Zackaria deviendra un leader pour son peuple afin de le sortir de la tourmente dans laquelle il se trouve. L'univers se montre d'une extrême richesse, avec moult castes, villes, clans, milices, politiciens et mafias, ce qui pourra paraître touffu pour le nouveau venu qui n'aura pas posé ses pattes sur Mars War Logs, mais au fil du temps, des dialogues et de son avancée dans le jeu, tout joueur sera en mesure de reconstituer le puzzle politico-social que constitue cet univers futuriste déglingué. Le vieux briscard sera ravi d'arpenter à nouveau les plaines arides de la planète rouge, et un bestiaire qui lui sera plus ou moins familier...

MARS EFFECT

C'est donc dans ce monde très complet que Spiders à choisi de faire évoluer ses personnages. Et si l'on pourrait citer moult autres RPG à tendance action comme possible influence pour The Technomancer, un autre parmi tous prend le dessus : Mass Effect ! Impossible de ne pas penser à lui lorsque l'on débarque pour la première fois sur la place de l'échange, qui ressemble furieusement à la citadelle, et comment ne pas frissonner lorsque l'on va entendre les premières notes de cette musique de space opéra si grandiloquente dont les airs vous rappelleront la chasse aux moissonneurs (ou plutôt, la chasse DES moissonneurs). Pas forcément ultra originale, la direction artistique globale du titre est donc assez réussie, puisqu'en plus de renvoyer à l'un de mes jeux favoris, elle saura se démarquer en proposant de visiter d'autres emplacements de planète rouge plus atypiques les uns que les autres, Noctis en tête, offrant de beaux visuels au rythme d'une musique elle aussi plus originale.

Toujours en citant Mass Effect plutôt qu'un autre, notons que le jeu possède aussi un système de dialogues à choix multiples, diplomatiques ou expéditifs, qui pourra influer sur vos relations avec les PNJ et vos camarades, dont vous pourrez romancer deux membres du cast de sexe opposé, et même "bromancer" un de ses membre masculin. À ce propos, je déplore véritablement l'impossibilité de se créer un avatar féminin, surtout que les femmes technomanciennes existent dans le background, et que Bound By Flame, le précédent jeu du studio, proposait cette option. Ce système va tout de même offrir de nombreux choix moraux décisifs dans la suite de l'aventure : serez-vous une ordure au Karma plus que pourri, ou un bienfaiteur aimé de tous ?

Mars By Flame

Revenons un peu sur Bound By Flame je vous prie, car il faut bien le dire, The Technomancer en reprend les principaux écueils. En effet, le gameplay du RPG médiéval n'était pas une franche réussite, et nous sommes malheureusement en présence d'un système qui va s'en inspirer fortement. Outre le retour du craft assez sympathique bien que limité, pour affronter vos ennemis, vous aurez le choix entre trois styles de combat. Tout d'abord, le bâton et son attaque de zone. Ensuite, le roublard et ses attaques rapides associés à un pistolet pour continuer le combat à distance après une esquive. Et enfin, le tank et son bouclier pour parer toutes les attaques ennemies. Le tout associé à vos dévastatrices techniques de Technomancien. Enfin dévastatrices, c'est vite dit...

Sous couvert d'exigence, vos ennemis sont de véritables sac à PV, et ce dès le début du jeu ! Si les trois styles sont mieux animés, plus dynamiques et agréables à jouer que dans Bound By Flame, n'est pas Dark Souls qui veut, et les combats se révèlent vite très difficiles, longs pour rien, et au final, plutôt ennuyeux, surtout que de nombreuses quêtes secondaires de type FedEx vous font repasser au même endroit, avec des ennemis qui repopent à chaque passage... Esquive, attaque, esquive, ou bouclier, attaque, bouclier. Pas très passionnant. J'ai d'ailleurs, sans honte aucune, passé la difficulté en facile au bout d'une heure de jeu à peine, pour progresser plus facilement, et même comme ça, certains combats se sont révélés plus difficiles (exigeants) que prévus, et j'ai eu droit au game over quelques fois. Le tout accompagné de temps de chargement assez longs... Si les gars de Spiders se sont améliorés sur ce point, mon conseil pour leur prochain jeu sera de revoir leur copie sur cet aspect de leurs productions, pour nous proposer une tout autre jouabilité.

D'autres points faibles sont aussi à noter, comme ces erreurs de construction de quêtes qu'il m'est arrivé de rencontrer. Je suis un de ces joueurs, du genre à monter au maximum une statistique avant de commencer à toucher à la suivante. Ici, en premier, le charisme, pour les options de dialogue. Mais une fois commencée une des quêtes principales ou l'on me demande d'enquêter dans un lieu clos, qui ne rouvrira ses portes qu'une fois la tache terminée, on m'ordonne de crocheter un coffre ! Bien sûr, n'ayant pas encore dépensé le moindre point en crochetage, je me suis vu contrait de recharger ma sauvegarde précédente (pas si vieille, fort heureusement...) ! Il m'est arrivé une seconde fois le même souci, avec la compétence de réparation : On me laisse choisir une option qui lui est relative, et qui va me bloquer dans l'avancement de cette tache. Vous êtes prévenus : attention à vos choix de talents.

Too Human

Malgré ces défauts (et je pourrais en citer d'autres comme une mise en scène pas toujours pertinente, des doublages et un mixage qui ne font pas partie des meilleurs, ou la visite de lieux secondaires clonés à la façon d'un Mass Effect premier du nom), ce Technomancer a véritablement su me séduire grâce à ses qualités artistiques, son background et ses choix moraux, mais aussi un aspect technique plus abouti que ses prédécesseurs. Gardant en tête les visuels des anciennes productions Spiders, j'ai été très agréablement surpris par certains décors et leurs effets de lumière assez bluffants, et des graphismes bien supérieurs à ce que la société nous avait proposé par le passé. Sans être un monstre visuel à la manière d'un The Order 1886 ou Uncharted 4, le résultat est très satisfaisant. Véritable coup de coeur de cet été 2016, pour un prix plus que correct, je le conseille à tous les amateurs de RPG SF capables de passer outre ses défauts, et je lui souhaite un bien meilleur destin que Bound By Flame (trouvable dans n'importe quel bac de soldes pour moins de 5€), car il le mérite vraiment. Souhaitons aussi à Spiders de continuer à prendre du galon pour nous proposer des jeux qui continuent de s'améliorer, et ainsi à atteindre les sommets !