J'en suis le premier surpris : habitué à un rythme et un narratif aussi maîtrisé qu'inventif avec leur série Sly Raccoon, je faisais pleinement confiance en la matière à l'équipe de Sucker Punch. À l'arrivée, je ne peux malheureusement qu'avouer, légèrement déçu, qu'inFAMOUS n'est pas parvenu à ce même équilibre. Mais s'il est critiquable, inFAMOUS n'en reste pas moins un titre bourré de qualités, auquel on revient avec plaisir tant sa prise en main est, elle, efficace.

Un héros sans charisme, mais aux capacités séduisantes

C'est vrai, le scénario d'inFAMOUS conte les aventures d'un simple coursier, Cole, chargé de livrer un colis énigmatique qui se révèle vite être au cœur d'une conspiration dont il sera le principal véhicule. Et, surtout, d'une catastrophe qui a fait d'Empire City une zone entièrement sous quarantaine, délaissée par les autorités, plongée dans le chaos et le non-droit. Rien d'étonnant donc à ce que Sucker Punch ait choisi de faire de son héros un tiers quelconque, un mec de tous les jours, auquel s'identifier sans grande difficulté... dommage qu'ils aient trop bien réussi. On aurait préféré un type comme Drake d'Uncharted ; sans look extravagant et cliché, mais pas sans épaisseur pour autant. Mais au moins, Cole s'avère de plus en plus jouissif à manier au fur et à mesure que le joueur progresse dans l'aventure, et qu'il développe des pouvoirs avec lesquels il fait bon jouer au beau milieu de cette vaste ville bac-à-sable.

Le bien, le mal, quelle différence ?

C'est une part importante d'inFAMOUS : la possibilité pour le joueur d'influer (au moins légèrement) sur le déroulement du jeu, les pouvoirs acquis par Cole, et l'allure générale de la ville tout comme le comportement de sa population, par l'intermédiaire des "instants karma". Ces moments, clairement balisés, engagent le joueur à prendre une décision, très manichéenne, qui influera sur son alignement. Certains pouvoirs, et certaines missions, ne peuvent être vus qu'avec un certain alignement acquis, en bien ou en mal. Chaque mission, facultative ou non, chaque ennemi éliminé, les belles combos et cascades, tout cela rapporte des points d'expérience qui peuvent être dépensés pour faire progresser des pouvoirs qui sont, eux, débloqués au fur et à mesure du scénario - malheureusement, il ne s'agit pour ainsi dire que de les rendre plus puissants et non de se façonner à proprement parler le super héros que l'on souhaite. En effet, à quelques-uns près, ce sont les mêmes pour le côté "mauvais" et pour le côté "bon". Et si effectivement, il est impossible de compléter certaines missions si l'alignement du personnage ne correspond pas, et que les réactions de la populace varient suivant l'alignement de Cole, il ne faut pas s'attendre à des subtilités telles que celles qu'un Fable II peut en proposer. C'est, par ailleurs, un syndrome assez récurrent dans cet inFAMOUS ; beaucoup de mécaniques et d'éléments empruntés de divers titres... en moins élaboré.

Varappe et tir au pigeons

D'Assassin's Creed, inFAMOUS récupère le côté escalade de toutes les structures. Cette mécanique s'avère malheureusement moins réussie que dans le titre d'Ubi, la grimpette hoquetante de Cole se basant sur des sauts à répétition qui en font une activité syncopée et un tantinet répétitive. C'est aussi le cas du déroulement général de l'aventure, d'ailleurs, qui pourrait se résumer à une alternance de passages dans les égouts pour rétablir le courant dans un quartier, puis de missions très courtes, posant peu de difficultés, et très centrées sur l'action et le tir, pour "nettoyer" les dit quartiers. Quelques fulgurances créatives apportent néanmoins un bouffée d'oxygène, avec une mission à dos de métro aérien, quelques missions de filature discrète par les toits, de course relais entre des points particuliers... mais on passe tout de même beaucoup de temps à massacrer des ennemis à grand renfort d'éclairs, qu'il s'agisse de libérer des otages ou de défendre un ingénieur réparant un pont. Heureusement, le système de combat, une fois encore, s'avère redoutable d'efficacité, et particulièrement agréable à utiliser. Tirs d'éclairs, enchaînement au corps à corps, et même grenades, ou snipe une fois ces pouvoirs acquis, l'ensemble s'enchaîne à merveille et quelle que soit la position de Cole, on peut toujours agir, même suspendu à un filin ou accroché à une façade d'immeuble. Enfin, la galerie des adversaires, régis par une I.A. assez performante, se renouvelle à chaque île, avec quelques boss entre chacune... mais il n'y en a que trois. Il faudra ainsi faire preuve de patience, le meilleur du jeu ne se montrant finalement que dans le dernier tiers, autant en termes de variété de gameplay que d'intérêt du scénario.

Vers une suite rattrapage ?

Très honnêtement, j'aime beaucoup inFAMOUS, même si j'ai l'air d'en faire une vive critique. Personnellement, parmi les trois catégories sus-citées, je préfère de loin la troisième à la seconde, lorsqu'il s'agit de revenir sur un jeu qui échappe à la première. Et c'est là le secret de ce titre : manette en mains, on s'éclate. C'est une question de Fun. Et du Fun, il y en a à revendre dans inFAMOUS. Alors, si visuellement, il s'avère un peu pauvre, on y gagne des décors en partie destructibles, des effets de particules à gogo et une ville assez variée et détaillée malgré tout, accentuant d'autant l'intérêt qu'on trouver à l'explorer, vu qu'elle regorge de recoins avec des choses à récupérer, qu'il s'agisse des bandes enregistrées sur des antennes satellite ou des éclats à collectionner pour augmenter sa jauge d'énergie.

En bref, inFAMOUS accroche avec un gameplay très bien réglé, fluide, agréable à prendre en main et à développer au fil de l'aventure, plus que par ce qui en devient ses à-côtés ; scénario, personnages, réalisation visuelle, variété - plutôt décevants. Mais ce fun manette en mains n'est-il pas la principale qualité qu'on puisse demander à un jeu d'action de ce genre ? Si d'aucuns pourraient l'étiqueter de fumeux, inFAMOUS reste pour ma part fameux.