Il est important de le préciser dès le départ : avec un titre comme The Vanishing of Ethan Carter, les codes habituels du jeu vidéo sont bousculés. Certains d'entre vous n'ayant probablement pas encore eu la chance de se retrouver face à des titres comme Dear Esther ou Gone Home, je vais donc m'empresser de clarifier les choses : s'il fallait absolument chercher à classer The Vanishing of Ethan Carter dans une catégorie, il faudrait le ranger dans le rayon "expériences narratives", quelque part entre le jeu d'aventure, le cinéma et le rayon frais. Ce qui veut dire, en clair, que les interactions sont réduites à peau de chagrin et que votre stock de grenades et de chargeurs 7,62 mm sera à peu près équivalent à zéro. Oubliez donc vos habitudes de hardcore gamer et laissez vos a priori dans leur carton d'origine : dans un jeu tel que celui-ci, ce qui compte, c'est l'immersion, l'histoire que les gars de The Astronauts ont à vous raconter et, surtout, la façon dont vous allez la vivre en fonction de votre sensibilité.

Pitch Black

Le petit Ethan Carter est porté disparu et il va falloir sacrifier un dimanche tout entier pour partir à sa recherche. Heureusement, on incarne un détective rompu aux enquêtes délicates et surtout qui possède une intuition hors norme. Chouette, me direz-vous, ça devrait permettre d'accélérer les choses et de rentrer avant le début des matchs de ligue 1. Mais évidemment, rien ne va se passer comme prévu.

Copain d'avant

Dès qu'on pose les pieds à Red Creek Valley, on est confronté à une ambiance atypique, loin des poncifs habituels des jeux horrifiques ou des ambiances policières New-yorkaises : ici, on se retrouve face à de grandes étendues de forêt, avec des sentiers, de vieilles bâtisses et des champs à perte de vue. Le temps semble s'être arrêté et une atmosphère à la fois bucolique et malsaine est installée sur cette étrange vallée. Les couleurs sont ternes, le silence est pesant mais le décor est somptueux. Cette ambiance particulière, qui n'est pas sans rappeler The Last of Us sous certains aspects, est clairement l'une des plus grandes réussites du jeu.

Heavy Rain ?

Ici, pas de dialogue à choix multiples en temps limité, pas de pièges mortels à esquiver, pas de zombies à nos trousses : on progresse sans pression et cela permet de prendre le temps de sortir des sentiers battus, pour chercher toute sorte de trace ou d'indice qui pourrait s'avérer utile dans notre enquête. Tout le principe du jeu est là : on observe attentivement l'environnement et on tombe parfois sur des scènes de crime, où l'on tente de trouver des indices pour essayer de comprendre ce qui s'est passé dans ce bled paumé. Lorsque le joueur parvient enfin à rassembler suffisamment d'éléments sur une scène précise, le jeu nous déroule alors une petite séquence qui nous retrace le déroulement des évènements, ce qui fait progresser l'histoire et l'enquête au passage.

Simple détente

Concrètement, les déplacements s'effectuent comme dans un FPS traditionnel et les (rares) interactions mécaniques et physiques se font soit à la souris, soit en pressant un simple bouton d'action à la manette. Et c'est presque tout. Le reste du temps, on se contente surtout de lire des notes laissées ici et là, mais rassurez-vous, rien de rébarbatif ni d'absolument indispensable pour comprendre l'histoire.

Avec un nuage de lait

Non seulement The Vanishing of Ethan Carter possède une ambiance hors du commun, mais en plus, permettez-moi de vous dire à quel point le jeu est splendide (sur PC en tout cas). Les textures sont d'une précision ahurissante, avec des revêtements d'un réalisme surprenant (graviers, mousse sur les roches, écorce des arbres et j'en passe), des jeux de lumière impressionnants, avec les rayons du soleil qui transpercent les buissons et les feuillages, eux-mêmes animés en fonction de la brise avec une qualité rarissime. Le rendu de l'eau est également très soigné et il n'est pas rare de rester immobile simplement pour admirer en détail la poussière soulevée par les bourrasques de vent. Si la config requise peut sembler un brin modeste (un vulgaire Core 2 Duo avec une carte graphique de 5 ans d'âge serait suffisante), ne vous y trompez pas : il va falloir du lourd pour afficher tout ça en 1920x1080 et en pleine qualité. Pour vous donner une idée, le jeu fait souffrir un Core i7 de première génération, épaulé par 16 Go de RAM et un CPU AMD 6950 crache régulièrement ses poumons sur certains décors. Évidemment, il reste possible de jouer sur les détails et la distance d'affichage pour compenser le problème et jouer sur une machine plus classique, mais si vous voulez en prendre plein les mirettes sans compromis, vous savez à quoi vous attendre.

Benny Hill

Le système de progression est également intéressant à plus d'un titre, puisque le jeu ne nous oblige jamais à franchir les étapes dans un ordre prédéfini. Il est tout à fait possible de parcourir le titre à sa guise et de se rendre directement dans certains endroits reculés et normalement prévus pour la fin. C'est une des grandes forces du jeu, mais également une faiblesse : si vous ratez, comme moi, un élément indispensable au début du jeu, vous risquez de vous retrouver à errer dans les champs ad vitam aeternam sans trop comprendre pourquoi l'histoire n'avance plus. On peut également avoir le sentiment de tourner en rond assez fréquemment au cours de l'aventure et le rythme général n'est pas vraiment soutenu... En d'autres termes, les joueurs d'un naturel impatient risquent de trouver le temps long, en dépit d'une durée de vie assez modeste (comptez à la louche entre 3 et 6 heures de jeu selon votre capacité à fouiner efficacement).

Mais tout cela pèse bien peu au regard de l'aventure proposée. Le jeu n'a pas besoin de se perdre en tergiversations inutiles, en textes redondants, en cinématiques à rallonge ou en clichés en tout genre : non, le scénario est cohérent, l'histoire admirablement bien écrite et tous les petits détails qui peuvent parfois chagriner les esprits cartésiens finissent par trouver un sens. Et ça c'est appréciable.