On ne peut jamais être tranquille dans son petit monde sympa et coloré sans qu'un être malfaisant d'un plan alternatif tout mauve et tristounet ne vienne nous envahir pour profiter du soleil et des nanas. Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, il s'agit du seigneur Daedrique Molag Bal, qui tente de fusionner son monde et le nôtre, Tamriel, sans préliminaires et avec un maximum de graviers. En tant que sacrifié ayant réussi à revenir à la vie avec l'aide de plusieurs personnages clés, dont l'importance remonte loin dans l'histoire des parchemins anciens, vous allez être l'élément central de la défaite de Molag Bal. Mais ça, vous le découvrirez tout au long de la quête personnelle qui progresse par étapes. Le monde est découpé en zones que vous traverserez en suivant les différentes facettes des invasions, attaques et autres conséquences de l'influence daedrique de Molag Bal sur le monde, alors que les peuples de Tamriel se sont divisés en trois factions pour le contrôle de la région de Cyrodill et du palais impérial.

Le monde vous appartient

Il y a donc largement de quoi faire en JcE (joueur contre l'environnement) dans TESO (ou ESO de son petit nom). Chaque zone est truffée de lieux spéciaux : cavernes, fermes, villages, forteresses, sous-sols, etc. Et chacun propose un mini arc scénaristique à boucler, avec souvent un petit choix à faire pour influencer le dénouement. Ce n'est rien de vraiment avancé comme dans The Old Republic, le MMO Star Wars de Bioware, mais cela reste assez agréable et bienvenu de poser sa patte sur le monde. On trouve aussi des donjons, des "ancres" d'invasion qui crachent des hordes de daedra, et des petits campements de monstres élites. Ces activités pittoresques demandent une force correcte pour être nettoyées : elles sont taillées pour quatre joueurs. Le reste est facilement fait en solo. D'ailleurs, si vous voulez lire les dialogues, les textes de quêtes et autres éléments de background, mieux vaut traîner seul, car peu de joueurs vous attendront.

Plus on est de fous...

Ça serait vraiment dommage de rusher The Elder Scrolls Online, comme tout le monde le fait en ce moment, depuis le lancement anticipé dimanche dernier. La situation est assez étrange, car à part un ou deux donjons requérant réellement un groupe, tout le reste n'est pas instancié, mais public. Ou que vous alliez, vous êtes toujours entouré d'une pléthore de joueurs en chemin vers la gloire, tout comme vous. Les mini-boss de chaque scénario (certains se terminant en cinq minutes) sont "campés" par une dizaine d'aventuriers pressés d'en finir. Heureusement, il suffit de porter un seul coup pour être crédité du décès de l'adversaire, ce qui valide la quête. Vite, vite à la suivante ! Les ancres sont prises d'assaut et torchées en deux secondes. Les monstres élites réapparaissent plus lentement que le reste, mais meurent aussi vite. Seuls les donjons présentent un réel challenge pour l'instant. Ce lancement, c'est comme une grosse vague d'excités déferlant sur un monde qui n'en demandait pas tant. Vous voyez les vidéos des soldes où les clients qui écrasent les employés des magasins ? C'est pareil dans TESO. Et la grosse vague du lancement officiel normal arrive aujourd'hui, encore plus énorme...

Après vous, je vous en prie

Alors que faire ? Si vous êtes là pour le Joueur Vs Joueur (JcJ), profitez-en. Après tout, c'est pratique d'être toujours bien entouré pour rusher le JcE et faire progresser votre personnage suffisamment pour être utile dans les guerres interfactions de Cyrodill. Certes, le jeu vous met à niveau si vous débarquez là-bas vers le niveau 10, mais vous ne ferez pas le poids contre des adversaires ayant dépensé pas mal de points de compétences dans leur différentes listes (armes, armures, classe de perso, etc.). Si vous préférez le JcE... Attendez peut être que le gros des troupes parte devant ? Être tout seul dans une zone désertée risque de poser problème aussi, donc ne traînez pas trop non plus, mais si vous aimez l'ambiance du jeu et que vous êtes fan de son background, vous serez probablement mieux au calme. J'ai bien ri quand un PNJ fantomatique m'a expliqué au fond d'une tombe que j'étais le premier être vivant à venir là depuis des siècles, alors qu'autour de moi retentissait le bruit des armes qui s'entrechoquent et le brouhaha d'une armée de joueurs courant dans tous les sens en criant LOL. Ce n'était pas très immersif.

Héros à son goût

Cela dit, même en rushant, progresser dans The Elder Scrolls Online reste plus qu'agréable. Les combats se ressemblent un peu tous, mais le développement du personnage est marrant, avec des choix difficiles entre les divers arbres de compétences. Surtout si vous vous lancez dans l'artisanat ! La plupart des MMO séparent l'expérience JcE de celle de la fabrication d'armes, d'armures, de potions, etc., mais pas TESO. Si vous voulez briller dans le domaine du crafting, il faudra dépenser quelques points durement gagnés (un par niveau, ou à la fin de certaines quêtes, ou encore en dénichant des pierres magiques) dans la branche qui vous intéresse le plus. C'est toujours ça qui n'ira pas dans le maniement de votre arme de choix ou dans vos bonus passifs, ce qui peut carrément faire la différence sur le terrain. D'une manière générale, TESO vous laisse un bon choix de customisation de votre personnage, malgré les quatre classes de départ sur des variantes de guerrier/mage, et une des bonnes questions que vous vous poserez sera de savoir si vous vous spécialisez dans un style ou si vous tentez d'être polyvalent. Cette dernière option permettra de répondre à quelques rares opportunités de groupe, mais aussi à simplement diversifier votre expérience de jeu pour éviter la lassitude (c'est surtout vrai pour les lignes de compétence de classe et d'armes.)

Elle est belle ma hache, elle est belle !

Si vous investissez dans l'artisanat, sachez que TESO est plutôt généreux à ce niveau là. Tous les métiers ne se montent pas aussi facilement : l'enchantement est assez difficile à cause de la pénurie d'un des trois types de runes par exemple. Mais globalement, on peut facilement se confectionner de l'équipement utile et le renouveler souvent pour être bien habillé et armé en toute saison. Et si vous y consacrez un peu plus d'efforts, vous serez encore plus récompensé par la possibilité d'objets vraiment uniques à l'artisanat, et utiles à l'aventure quotidienne. Sur ce plan, même si les métiers restent classiques, Bethesda a fait du bon boulot. La récolte des ressources dépend une fois de plus de la population de votre zone, puisque tous les mondes se piquent les nodes (minerai, bois, runes, herbes...) au nez et à la barbe des uns les autres... mais dans l'ensemble on ne perd pas trop de temps à ramasser ce qu'il faut. Vous pouvez aussi commercer, mais attention : l'hôtel des ventes est à usage interne aux guildes uniquement, ce qui fait que de nombreuses guildes de marchands sont déjà créées pour palier ce service général. Pensez à en rejoindre une : les taxes sont élevées, mais sinon c'est la vente à la crié qui vous attend.

Du RPG au MMO

C'est un étrange choix que cette absence d'hôtel des ventes global, mais c'est une goutte d'eau dans l'étrangeté globale de The Elder Scrolls Online. Bethesda a clairement voulu s'éloigner du feeling MMO, que ce soit dans les mécanismes et les services habituels ou dans l'interface minimaliste. Le résultat est étonnant : on rage effectivement contre le manque de confort flagrant à divers points de vue (raccourcis d'objet, traqueur de quête, absence de mini carte...), mais c'est aussi assez agréable de ne pas se sentir dans un MMO classique, avec l'attirail à la WoW de rigueur. Remarquez bien qu'on est très loin de l'ambiance d'un jeu solo "Elder Scrolls", tant au niveau de la réalisation que du feeling général. Tout est trop bien organisé, balisé, découpé en zones, etc. La sensation d'exploration d'un Skyrim est bien supérieure à celle du continent de Tamriel en entier, pourtant plus vaste. De la à dire que TESO a le postérieur entre deux chaises, entre le MMO et le RPG solo, il n'y a qu'un pas, surtout que tout son gameplay JcE orienté "petits groupes" abonde en ce sens.

La guerre du milieu

Bien entendu, dès que vous mettez les pieds dans la région centrale pour du JcJ, vous avez affaire à un vrai MMO. Découpé en campagnes, le JcJ se pratique entre factions pour la conquête de la capitale impériale. Avant cela, il faudra capturer, contrôler et protéger de nombreuses forteresses. Il faut aussi s'accaparer un maximum des fameux Parchemins des Anciens. Si vous jouez bien votre coup, c'est à dire si vous êtes le meilleur de votre faction lorsqu'elle gagne, vous obtiendrez le titre d'empereur... pour un temps. Tout cela rappelle Dark Age of Camelot, bien entendu, mais il n'y a plus rien de vraiment original. En revanche, il est très difficile de jauger l'intérêt à présent, car tout dépend de l'équilibre des forces et de ce que les joueurs feront des possibilités stratégiques prévues par Bethesda. S'il s'agit de foncer dans le tas pour prendre une série de lieux importants avant de se les faire reprendre juste après, et ainsi de suite, ça va vite être gonflant. En revanche, s'il existe une bonne tactique de défense et d'avancée solide, avec de l'intelligence militaire dans chaque camps pour éviter des victoires trop rapides, ça pourra être marrant. Ce qu'on a pu en voir dans la bêta ne suffit pas pour se faire un avis correct pour l'instant. On reviendra donc dessus à terme.

Et si vous aimez les deux...

Au moins, le JcJ promet une expérience aboutie pour le endgame, quand vous aurez retourné le contenu de la partie JcE. C'est tout de même étonnant de combiner quelque chose d'aussi massif à un autre aspect du jeu beaucoup plus timoré. Il est donc impératif de savoir exactement ce que vous allez faire dans The Elder Scrolls Online avant de l'acheter. Si vous aimez l'aventure, les quêtes et le JcJ violent, c'est vraiment un jeu pour vous. Si vous préférez la course au loot et le JcE de haut niveau, avec des raids énormes à boucler toutes les semaines.... Mehhhh. Il y a peut-être mieux pour vous ailleurs.

Vous reprendrez bien un peu de bêta ?

Un fois cela décidé, préparez-vous à affronter pas mal de soucis techniques et autres bugs en pagaille. Le lag est déjà présent depuis le lancement, il devrait être bien fort ce premier week end. Les quêtes buggées se ramassent à la pelle. Et les exploits font leur apparition ici et là. C'est un peu le bazar à vrai dire, mais cela reste jouable si vous n'êtes pas trop "anal rétentif" (comme moi, qui écume quand je ne peux pas terminer une quête). Techniquement, on revient de très loin. Même si les animations sont toujours du niveau tout naze de ce que sait faire Bethesda, le reste du jeu s'est largement amélioré au fil du temps, au niveau des sons comme des effets de sorts ou de l'ambiance générale des zones. C'est joli et agréable à parcourir, bien que les textures des personnages aurait pu être plus fines (et moins "peintes sur la peau.")

Coup d'épée batarde

Quant aux combats enfin, ils sont "dynamiques-mais-pas-trop" : certes on peut esquiver des attaques, tenter de désorienter les ennemis qui préparent des coups spéciaux, ou bien les bloquer pour contre-attaquer, mais il reste dommage de voir certains coups porter automatiquement par ciblage une fois l'action lancée, alors même que la cible s'est éloignée ou n'est plus dans le champ d'action. On a affaire à un mélange barbare d'action et de RPG qui laisse une place à l'adresse des joueurs, mais qui garde quelques mécanismes oldschool qui, du coup, paraissent un peu injustes (même quand c'est en votre faveur, si si, il faut être fairplay). On ne pourra donc pas tout esquiver, mais soyez prudent tout de même et pensez à vous protéger entre deux bourrinages. Alors vous allez me dire que les parades ne sont pas très intuitives ni réactives. Oui, c'est vrai. C'est un coup à prendre (sans jeu de mot volontaire), même si visuellement ça ne donne pas l'impression d'un affrontement dynamique.

Comme beaucoup de MMO sortis ces dernières années, The Elder Scrolls Online offre autant de points forts que de points faibles. Globalement sympathique à jouer (j'y retournerais bien là, au lieu d'écrire ce test), il reste compliqué à cibler, surtout à cause de ce gouffre entre le JcE et le JcJ, entre le MMO un peu tranquille, conçu pour des petits groupes de potes, et le gros MMO massif et compétitif entre armées de joueurs. Après tout, vous allez payer un abonnement, il est donc préférable d'être sûr ! Je serais vous, je ne me lancerais que si j'étais certain de participer aux guerres JcJ à terme. Ou alors vous êtes un gros-gros fan de l'univers de The Elder Scrolls Online... ça doit bien concerner quelques personnes ici et là, non ?