Avec un contenu pléthorique, SCB est sans le moindre doute le titre le plus étoffé de la série. Un multijoueur compétitif intéressant, du jeu en coop développé, en ligne ou en écran partagé, et une aventure solo de plus d'une douzaine d'heures (tout dépend du niveau de difficulté) composent une offre que nous avons rarement vue dans un jeu d'infiltration. Mais commençons par l'aventure principale qui constitue le plat de résistance pour les amateurs de jeu d'infiltration en solitaire.

Hypertension

Sam a le profil du gars qu'on appelle en cas d'urgence et c'est une fois encore le cas dans Blacklist puisqu'il incarne le seul moyen de contrer une attaque terroriste d'envergure contre les Etat-Unis. En possession de la Blacklist (liste des activités secrètes et des agents US infiltrés à l'étranger) des fous furieux, se faisant appeler Les Ingénieurs, réclament le retrait des troupes de l'Oncle Sam postées dans le monde, "sans quoi il va y avoir des morts". Alors même si je suis fan de ce genre d'atmosphères tendues, inutile de vous dire que c'est du déjà vu et que malgré les efforts palpables de Ubisoft Toronto pour proposer une narration convaincante, notamment au sein de l'équipe qui entoure Sam, aucun rebondissement ne vous fera chuter de votre canapé. La tension façon 24h Chrono est bien là, mais les personnages, souvent peu crédibles (surtout en français), ainsi que les situations, semblent généralement forcés, même si les plus tolérants rentreront sans doute dans cette histoire peu surprenante. C'est d'autant plus dommage que le "hub", incarné par l'avion qui fait office de base d'opérations pour Sam et ses camarades d'Echelon 4 (le "Paladin"), était un bon moyen de rentrer dans l'ambiance.

Paladin croisé

C'est donc à bord d'un avion cargo ultra moderne, et hyper connecté, que Fisher et son équipe vont résoudre cette crise en voyageant autour du globe. C'est d'ailleurs un des éléments particulièrement agréables de SCB : tous les modes de jeu (solo, coop et multi) et les options de personnalisation sont accessibles directement via le Paladin grâce un ordinateur, ou en discutant avec ses collègues. Dommage cependant que les cinématiques manquent de punch et que le tearing (déchirement de l'image en deux parties d'une frame à l'autre) y soit trop présents. Cela nous ramène à un autre problème : la réalisation globale du jeu, pas très homogène, mais néanmoins dotée de beaux effets spéciaux (pluie, eau, lumières, fumées, etc.). Avec un léger aliasing, des textures peu impressionnantes et quelques ralentissements ici et là, c'est un point faible du titre d'Ubi Toronto. C'est étonnant pour un jeu de fin de génération, mais on doit sans doute ça à la quantité astronomique de détails dans les décors, ou encore aux nombreuses possibilités offertes par Blacklist en termes de gameplay. Preuve que même avec toute la bonne volonté du monde, on ne peut pas assurer sur tous les fronts.

La Blacklist concerne tout le monde

A défaut de proposer une réalisation qui fasse date, la grande force de cet opus réside dans son offre gargantuesque puisque outre une aventure purement solo de taille, Sam peut participer à des missions annexes qui étoffent l'univers, en discutant avec Grim, la femme forte en tailleur, Charlie, le geek spécialisé en informatique ou Briggs, son partenaire en coop. Echanger avec eux dans le Paladin appuie le scénario mais propose surtout des défis particuliers tels que des niveaux purement infiltration, dans lesquels se faire repérer est synonyme de Game Over, des arènes, dans lesquelles il faut survivre à des vagues d'ennemies successives, ou encore des niveaux spéciaux, jouables en solo ou en coop, avec Briggs comme partenaire. Du contenu annexe qui permet de varier les plaisirs ainsi que les activités, le tout au travers de défis scénarisés qui garnissent la trame principale. Un bon point !

Bien entendu, s'ajoutent à cela le contenu multijoueur compétitif avec les fameux modes Spies Vs. Mercs permettant de s'affronter jusqu'à 4 contre 4. L'idée ici est de revivre le trip instauré par Pandora Tomorrow, le second épisode de la série, il y a dix ans. Les Spies se jouent comme Fisher, à la troisième personne, sont discrets et exploitent la verticalité des décors ; alors que les Mercs sont des agents de sécurité surarmés, joués à la première personne façon FPS, qui ont tendance à rester au sol. Deux vues différentes pour deux manières de jouer opposées que l'on alternera d'un round à l'autre. Le but des Spies est de pirater des terminaux informatiques que les Mercs doivent protéger à tout prix. Le mode "Classique" se joue à 2 contre 2 seulement et reprend les bases de Pandora Tomorrow, avec des gadgets imposés pour les deux camps. Même si quelques détails ont changé par rapport à l'original, le système fonctionne toujours parfaitement et l'architecture variée des cartes donne lieu à de beaux affrontements qui rappellent sans mal ceux de 2004. Mission réussie donc, tout comme pour l'autre mode principal, le Spies Vs. Mercs moderne, dit "Blacklist". Celui-ci se joue à 4 contre 4 et le rythme se révèle plus dynamique avec des confrontations plus brutales que l'on doit à une panoplies d'armes plus large qu'en mode classique. Autant dire que les stratégies, la coordination de groupe, la variété des cartes et les multiples configurations d'armemements et d'équipements possibles assurent une grande variété de stratégies et promettent des dizaines d'heures de jeu. Et puis il faut bien reconnaitre que ce genre de multijoueur, axés sur l'infiltration, est assez rare pour mériter que l'on s'y attarde, d'autant qu'il y a réellement du contenu, là encore, avec quelques customisations bienvenues au travers de modes plus classiques dans lesquels on peut, pour exemple, passer du Merc au Spy, et inversement, à chaque fois que l'on se fait refroidir. Vous avez saisi : un multi profond, varié et intéressant qui vient compléter un solo déjà très conséquent.

Sam, homme d'action ou de discrétion ?

Revenons maintenant sur l'aventure principale dans laquelle tout dépend de votre manière de jouer à vous et rien qu'à vous. En effet, après s'être porté avec insistance sur l'action dans Conviction, Ubisoft à cette fois élargis les possibilités en instaurant trois manières d'exploiter le solo, "trois manières de jouer différentes". Soit en étant du genre Fantôme, en arpentant les niveaux comme un spectre invisible qui ne tue jamais personne, soit en devenant une Panthère, un prédateur indétectable qui massacre tout le monde, ou alors en mode soldat d'Assaut en sortant des armes bruyantes à la moindre occasion. Trois styles de jeu auxquels vous greffez des équipements correspondants, afin d'améliorer vos statistiques de précision, de discrétion et de maîtrise de l'armement, ou encore ajoutez des armes au travers d'un arsenal gigantesque à débloquer. Pour résumer, il y a énormément de choix pour customiser Sam et c'est à vous de déterminer votre style en fonction des missions et des situations. Notons d'ailleurs que votre façon de jouer, et le talent avec lequel vous exploitez chaque style, sont sanctionnés en fin de mission par une rétribution en argent à utiliser pour récupérer de nouveaux équipements et même développer des gadgets propres à l'avion. Autant dire que vous avez du pain sur la planche pour tout débloquer !

Fisher Price(less)

Vous l'aurez compris, SCB en a vraiment dans le pantalon en termes de contenu et au coeur de l'action vous ne manquez pas de possibilités pour arpenter des niveaux souvent bien construits et profitant évidemment de routes alternatives. Les systèmes de Mark & Execute (marquer des cibles pour les abattre simultanément), de couverture (on passe presque automatiquement d'une planque à l'autre si on vise juste) ou de jeu de cache-cache dans l'ombre fonctionnent toujours aussi bien et accordent souvent des moments de plaisir intense, lorsqu'on est sur le point d'assommer ou de tuer une cible. Un régal ! De même avec les qualités d'acrobates de Sam, toujours prêt à exploiter la verticalité des lieux, tel un chat contorsionniste que rien n'arrête en mode infiltration. Et on apprécie aussi le raffinement de l'intelligence artificielle en fonction des niveaux de difficulté pour le solo, même si certains gardes semblent parfois manquer de jugeote et compensent leur bêtise par le nombre dans les niveaux de difficulté peu élevés. Si en facile, ou en moyen, on peut jouer les bourrins, il faut sortir les neurones en modes réaliste ou perfectionniste. Sans rentrer dans les détails chaque garde, patrouille ou système de sécurité devient alors un véritable défi et seuls les joueurs aguerris auront une chance de faire des runs parfaits dans le mode le plus ardu. Une fois encore SCB réussit son pari en proposant des défis en fonction du type de joueur, débutants, aguerris ou distraits. Oui parce qu'il faut le reconnaitre : dans les modes facile et moyen, c'est la ballade et le jeu n'a plus la même saveur...

J'adore lorsqu'un plan se déroule sans accroc

Comme je vous le disais, l'offre de SCB est pléthorique, ça déborde de partout, mais malheureusement, le titre paie parfois au prix fort son ambition un rien démesurée. En effet, il est difficile de ne pas s'étonner devant plusieurs imperfections du solo qui viennent un peu gâcher l'ensemble. Pêle-mêle, on trouve des personnages qui glissent au sol sans bouger les jambes, des dizaines de gardes alertés qui vous oublient dans la seconde lorsque vous changez de zone (les lieux sont cloisonnés et on passe parfois par des chemins obligatoires pour progresser, d'où la réaction des sentinelles), certaines vigies (les snipers particulièrement) qui vous voient parfois à travers les murs, des vigiles dont le cône lumineux des lampes-torches traversent des portes fermées, etc. Des petits bugs, certes, mais qui agacent à la longue... même si on imagine qu'une bonne partie sera corrigée au travers de mises à jour. Et puis le pire demeure le manque de précision de certains enchaînements d'actions toujours aussi difficiles à réaliser lorsque le temps presse. Pour être clair, la jouabilité pure de SCB est un peu archaïque, trop décomposée, et il faut constamment appuyer sur un bouton pour interagir avec l'environnement de différentes manières. Si ça passe lorsque l'action est calme, ça devient vite complexe lorsque des ennemis vous collent au train. Et ne parlons pas des actions combinées (tirs, acrobaties, utilisation de gadgets, etc.) lorsque vous êtes en danger. Disons que tout cela manque de fluidité par rapport à un Assassin's Creed par exemple et que, une fois encore, les plus aguerris, et surtout les plus patients, prendront le temps de maîtriser ce système un peu vieillot pour réellement l'exploiter. Quant aux autres, ils risquent de souffrir un peu d'une jouabilité qui aurait pu évoluer avec son temps et qui manque parfois de précision pour un jeu de 2013.

Au final cet épisode est à n'en pas douter le plus complet de la saga. Les défis (solo coop et multi) sont nombreux et le challenge au rendez-vous pour les acharnés, comme pour les débutants, qui profitent d'outils de customisation intéressants pour apprécier l'aventure Blacklist. Dommage néanmoins que certains détails viennent gâcher la fête avec, notamment, une réalisation en retrait, un scénario et une narration trop conventionnels, quelques bugs et ralentissemments ou encore une jouabilité un peu vieux jeu(x), même si elle peut être maîtrisée avec de l'acharnement. Au final Splinter Cell Blacklist parvient à convaincre et se révèle plutôt bon, même s'il apparait clairement que la série doit désormais évoluer et que l'ambition de ce titre était telle que plusieurs finitions sont apparemment passées à l'as... Vivement la next-gen !