Ça fait maintenant 18 ans qu’on l’attend. Annoncé timidement durant l’E3 2017, Metroid Prime 4 Beyond a la lourde tâche de relancer une série très appréciée par des fans désormais adultes et bien plus exigeants. Et s’il est également disponible sur Switch première du nom, il va aussi et surtout devoir faire briller une Nintendo Switch 2, en cruel manque de grosses exclusivités. Autant vous dire que ce n’est pas aisé.
Après une telle attente et trois épisodes qui ont cartonné, les espoirs sont énormes pour ce Metroid Prime 4. Mais Samus Aran a largement les épaules pour supporter la pression, la Nintendo Switch 2 ne manque clairement pas de ressources et les vétérans de la série, Retro Studios et le producteur Kensuke Tanabe, sont à la barre. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Une une histoire de coïncidences
À première vue, pas grand-chose. Metroid Prime 4 démarre très fort en nous catapultant directement sur le champ de bataille. Samus Aran débarque près d’une installation de la Fédération Galactique pendant un assaut des fameux Pirates Galactiques, cette fois commandés par Sylux, l’un des antagonistes majeurs de la franchise. Une chose en entraînant une autre, ce dernier déclenche une importante catastrophe et notre héroïne se retrouve échouée sur une planète inconnue. À peine remise de son crash, elle est interpellée par une entité, représentante d’une espèce disparue, qui la reconnaît immédiatement comme l’élue d’une prophétie qui nous est étrangère.
Ni une ni deux, Samus se retrouve dotée de nouveaux pouvoirs psychiques et a désormais pour mission de sauver une civilisation tout entière, seul moyen de pouvoir retourner sur sa propre planète. S’il n’y avait pas besoin d’en faire des caisses en termes de scénarisation, il n’était pas non plus nécessaire de s’embourber autant. On est à des kilomètres d’un Metroid Other M en termes de mise en scène et l’histoire ne tient finalement qu’à un tas de coïncidences. Tout s’emboîte toujours parfaitement comme par miracle au point que ça devient vraiment difficile à avaler.

Samus l'armure vivante
Et cette trame bancale ne peut même pas se développer correctement, malgré ses tentatives répétées, la faute à une héroïne qui a perdu la parole et n’a plus de visage. La rendre muette est évidemment un choix volontaire, certainement pour offrir un vrai retour aux sources, mais jamais pleinement assumé. Les personnages secondaires, sous-exploités, enchaînent alors les monologues pendant toutes les cinématiques, comme s’ils devaient porter à eux seuls la maigre dramaturgie que le jeu tente laborieusement de transmettre.
Ils tentent parfois de discuter avec elle en attendant des réponses de sa part ou en lui laissant la place pour parler, ce qui se traduit par des silences gênants où l’on a l’impression que Samus ignore totalement la présence de son interlocuteur. Elle traverse l’aventure en spectatrice, affichant une empathie quasi inexistante, sauf lors de quelques séquences héroïques où elle tend le bras, doigts écartés, pendant que la caméra se charge de dramatiser/ d'intensifier l’instant. J’imagine qu’elle fait une petite grimace ou verse une larme à ce moment-là ? On n’en saura rien. Et franchement, j’aurais préféré être totalement seul sur cette planète, tant les seconds rôles, clichés, peinent à exister et leur doublage à convaincre, à l'exception exception de la seule femme du groupe.

Un Metroid balisé
Les quelques rescapés que l’on croisera sur notre chemin ne servent finalement qu’à nous guider nous rappeler que nous ne sommes pas totalement seuls.. Dommage, car se perdre, explorer et se débrouiller, c’est l’essence même de Metroid, même si la série Prime a toujours été un peu plus linéaire. Metroid Prime 4 franchit ici un cap en se rendant plus accessible. Si vous commencez à trop traîner, l’un de vos camarades se fait un plaisir de vous rappeler par radio quel est votre objectif, ou vous pouvez carrément l’appeler vous-même si vous êtes perdu. On salue l’initiative pour les nouveaux joueurs qui découvrent la licence, mais une simple option pour couper ces appels incessants n’aurait pas été de refus.
Ce rappel à l’ordre va jusqu’à nous dire explicitement que nous ne sommes pas équipés pour explorer la zone où l'on se trouve, ce qui ruine un peu le sentiment de solitude, l'exploration et l'expérimentation. (qui faisait le charme de Metroid.) Heureusement, pas de quoi complètement ternir l’expérience puisque l’ADN de la licence est tout de même identifiable au premier regard et le cahier des charges est respecté à la lettre. Une multitude d'objets secrets à dénicher, des allers-retours incessants et obligatoires, une tonne de capacités à déverrouiller au fil de l'aventure... On est bien dans un Metroid pur et dur. Au fond, ce n'est que l'exécution qui est trop linéaire et assistée.
La fameuse « région ouverte » et la moto, de fausses bonnes idées
Durant notre périple, on sera amené à explorer des environnements variés sur le papier, mais finalement pas tant que ça. La jungle, première région du jeu, déboîtera quelques mâchoires dès le début, mais après ça, le reste se résume principalement à des huis clos.. Une usine battue par la tempête, un labo prisonnier des glaces, une mine géante… Le level design est peu surprenant, loin d’être aussi labyrinthique et organique qu’attendu. La faute à une structure globale très classique où chaque région gravite autour d’un immense désert, le fameux « monde ouvert ».
Pas de passages dérobés, pas de raccourcis, pas de zones interconnectées. Juste une succession de régions éparpillées aux quatre coins d’une vaste étendue de sable, coupées par des temps de chargement qui, à force, deviennent carrément épuisants.
Metroid Prime 4 fait donc partie de ces jeux qui ont cédé à l’appel des zones ouvertes, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Le désert n’apporte absolument rien, il n’y a strictement rien à y faire, si ce n’est récupérer des cristaux, tuer quelques ennemis locaux et fouiller une dizaine de ruines pour améliorer notre équipement. Du remplissage pur et dur destiné à gonfler artificiellement la durée de vie. C’est également le seul moyen de justifier la présence de la fameuse moto, complètement sous-exploitée. Sa conduite est très agréable, mais le bolide n'est un gadget parmi tant d'autres. Il ne sert qu'à avaler les dunes, briser des cristaux et ouvrir quelques portes, et c’est à peu de choses près tout.
Une tonne de choses à débloquer, du vrai Metroid
Samus n’avait pas forcément besoin de ça lorsque l’on voit la quantité astronomique d’améliorations et de compétences qu’elle pourra débloquer. On retrouve évidemment les grands classiques de la série comme les fameux tirs élémentaires, la boule morphing ou les missiles, mais aussi et surtout les nouveaux pouvoirs psychiques. Très tôt dans le jeu, Samus peut déplacer des objets ou en faire apparaître par la pensée, et diriger des projectiles à la manière du Batarang télécommandé de Batman Arkham. Tous les pouvoirs et améliorations sont utilisés tout au long du jeu lors de l’exploration, des énigmes ou même durant les affrontements de boss. La dimension puzzle et plateforme n'a pas été oubliée, et elle est même réussie avec brio. On aura même le droit à quelques passages en scrolling horizontal à l'ancienne.
Là en revanche, il faut se débrouiller par soi-même pour trouver les solutions ou les différentes utilisations de nos capacités. C’est là que le scanner entre en jeu. Comme dans les précédents Metroid Prime, Samus peut analyser son environnement, ce qui sert non seulement à viser le 100%, mais surtout à dénicher des informations. Dans Metroid Prime 4, c’est même important pour l’histoire tant la narration est fainéante. Elle planque des pans entiers de son univers et des révélations dans des statues disséminées un peu partout, ou des journaux audio que l’on peut facilement rater.

Hostile la nature
C’est aussi en analysant que l’on comprendra le fonctionnement de certains mécanismes, ou découvrira les points faibles des boss et, croyez-moi, ça ne sera pas de trop. En soi, ils ne sont pas extrêmement difficiles, mais chaque combat est une épreuve d’endurance. C’est long, parfois vraiment trop long, notamment le boss de fin qui semble inépuisable. Heureusement, les combats sont très bien fichus, proposent de vraies stratégies et nous obligent à utiliser toutes les compétences de Samus à bon escient. Il existe même parfois plusieurs approches et c’est franchement réussi.
Ils sont en prime souvent impressionnants et la bande-son qui les accompagne est juste incroyable , sans aucune fausse note. Pas de doute, c’est bien du Metroid pur jus. Mais voilà, le reste du bestiaire laisse un peu à désirer, toujours de créatures issues de la faune et autres menaces locales. S’il paraît varié au départ, il va rapidement se répéter, ne jouant que sur plusieurs variantes pas toujours surprenantes. Les combats peuvent vite devenir lassants, d’autant que le gameplay est très atypique. Pas sûr que ça parle à tout le monde.

Metroid Prime 4 baigne dans son jus
Les fans de Metroid Prime seront en terrain conquis, tout comme celles et ceux qui ont découvert la franchise avec le remaster du premier opus. Metroid Prime 4 n’est clairement pas un FPS nerveux, même lorsque les choses s’enveniment. Certaines séquences laissent même clairement transparaître les limites du système de visée. La recette est donc identique aux précédents opus : un verrouillage accompagné d’une visée libre pas toujours précise. Quant à l’utilisation des Joy-Con en mode souris, elle demande encore un certain temps d’adaptation, mais reste évidemment bien plus précise qu’au joystick. Reste que le mappage des touches et la configuration même du Joy-Con rendent l'enchaînement des actions plutôt fastidieux.
Les sensations de tir sont quant à elles fidèles aux précédents jeux : les coups de blaster manquent de recul, d’impact et de puissance. On ne ressent pas vraiment les chocs ou la force des explosions. Difficile de lui en tenir rigueur étant donné que c’est l’ADN même de la licence, mais un peu de modernité ne l’aurait pas tué. Metroid Dread a bien réussi à le faire avec la saga principale, alors pourquoi ne pas offrir une évolution similaire à la série Prime ?

Metroid Prime 4 est l'un des plus beaux jeux de la Nintendo Switch 2
Metroid Prime 4 reste une valeur sûre justement parce qu’il applique à la lettre la recette qui a fait le succès de ses prédécesseurs. On prend tout de même un malin plaisir à chercher le 100% et à explorer. C'est d’autant plus vrai que la direction artistique arrive à nous déboîter la mâchoire et ce dès le départ dans cette jungle luxuriante qui nous offre un premier panorama assez incroyable. Et que dire également des structures autochtones à l’architecture presque florale et organique absolument sublime ? On en prend souvent plein les yeux, en se laissant transporter par la bande-son magistrale.
À la composition, on retrouve le légendaire Kenji Yamamoto, accompagné de Minako Hamano, une pointure chez Nintendo également. Un duo qui signe l’une des meilleures bandes-sons qui m’ait été donné d’entendre sur un jeu Nintendo ces dernières années, notamment le thème principal qui m’obsède toujours autant avec sa dimension psychédélique difficile à expliquer. Du grand art. D’autres morceaux sont capables d’envolées rock, de mélodies épiques ou encore de thèmes bien plus classiques qui marquent l’identité de la franchise. L’OST et la direction artistique viennent sublimer l’ensemble, rendant l’aventure vraiment agréable, même lorsque l’on roule des yeux devant ses quelques défauts.

Metroid Prime 4 est techniquement très solide, sauf… dans ce fichu désert (encore lui !)
Globalement, Metroid Prime 4 est aussi très beau, mais il le doit avant tout à ses choix artistiques. echniquement, il oscille entre l’excellent et le moyen, bien que l’expérience reste globalement très bonne. Si le jeu s’en sort admirablement bien dans les différentes régions, en affichant des graphismes remarquables sur Nintendo Switch 2 et une fluidité de tous les instants en docké ou en nomade, que ce soit à 60 ou à 120 fps, le résultat est moins convaincant dans les étendues de sable. C’est une fois de plus ce fichu désert, la fameuse région ouverte, qui pose problème.. On se retrouve avec du clipping, de l’aliasing, des modélisations pas folles et des textures en dessous du reste. Clairement, cette zone n'était pas la meilleure idée

C'est ça la fin ?
Ce qui est le plus usant dans tout ça, c’est qu'on la traverse tout le temps, et que l’on nous force à l’explorer lors du dernier pan de l’aventure. C'est une vraie séance de remplissage. Le jeu n’est pas bien long, comptez tout une douzaine d’heures au maximum pour en voir le bout en explorant et certainement deux de plus pour le 100%. Ca aurait pu être thonnête s’il n’y avait pas au moins deux bonnes heures de remplissage pour étirer artificiellement la durée de vie avant l’affrontement final, sans parler des temps de chargement. Le dernier segment de Metroid Prime 4 n’est clairement pas réussi. Le combat final peut être interminable, et la fin est tellement expédiée que s’en est presque risible. Reste à voir ce que le 100% apportera aux complétistes. Pour l’heure, il n’y a qu’une multitude de cinématiques et de concept arts à déverrouiller dans une galerie des plus généreuses.




