Rico est de retour. Il est toujours aussi peu charismatique que subtil, et si on regrettera ce premier travers, on appréciera le second, car Just Cause 2 n'est pas là pour faire dans la dentelle - vue la taille et la richesse du bac à sable proposé, pas le temps pour la fignole de toute façon. Après un premier épisode intéressant mais un peu terne, vide et encombré de soucis plus ou moins importants, les développeurs se sont déchirés pour que cette suite passe le niveau supérieur. Et à bien des égards, il ont réussi haut la main.

Cause toujours

Mais avant de revenir plus en détails sur les nombreuses qualités du jeu, attardons-nous un peu sur ses aspects moins reluisants. À commencer par le pan narratif de Just Cause 2. Si des efforts certains ont été faits pour scénariser un peu tout ça et fournir ainsi au joueur un cadre valable pour aller tout péter sur cette nouvelle aire de jeu qu'est l'archipel fictif de Panau, cinématiques, doublage et scénario ne s'encombrent pas vraiment de sérieux. Autant en VO, le côté second degré façon série Z passe relativement bien pour quiconque apprécie les clichés et poncifs de l'action, autant en VF, on perd cet aspect rigolo pour ne plus garder que le ridicule. De même, s'il s'avère difficile de lâcher la manette malgré un game design relativement basique, il arrivera immanquablement qu'on la lance à travers la pièce face aux morts rageantes induites par quelques égarements de maniabilité et autres bugs de collision, ou ceux de l'IA. Déjà limitée, cette dernière part parfois complètement en vrille, avec des ennemis courant dans les murs ou préférant le suicide collectif à la fuite. Des flottements bien compréhensibles vu l'ampleur et l'ambition de Just Cause 2, certes, mais qui entâchent une expérience autrement jouissive. Les optimistes y verront une justification supplémentaire pour un Just Cause 3 qui pourrait, en corrigeant ces écueils, atteindre facilement le statut de chef d'œuvre. Car mine de rien, il en a sous le capot, le Rico.

Simulateur de grand n'importe quoi

Sur l'autre plateau de la balance, Just Cause 2 entasse un paquet non négligeable d'arguments positifs. D'abord, impossible de ne pas féliciter Avalanche pour le soin apporté aux décors et au moteur graphique qui les affiche. L'archipel est non seulement gigantissime (il faut de vraies longues minutes en Jet privé pour le parcourir d'un bout à l'autre), mais aussi très varié. Chaînes montagneuses et enneigées, désert ocre balayé par les vents, ville capitale aux building de verre tutoyant les nuages ou village de paille sur pilotis, jungle luxuriante et plages insulaires cachant des "easter eggs" LOSTiens ; l'appel de l'exploration est aussi fort que celui de l'explosion. Car, rappelons-le, le principe de base de JC2 tient en un mot : le Chaos. Le semer en détruisant toutes les installations de la dictature en place permet de débloquer missions de factions (criminelles, politiques ou religieuses), missions principales (qui font avancer l'histoire), mais aussi matériel dispo au marché noir (à se faire livrer partout sur l'archipel moyennant finances). La structure de l'ensemble s'articule donc autour de missions faisant progresser l'influence des factions dissidentes avec lesquelles on s'allie, et qui offrent du même coup des installations de repli en cas de mort (toujours violente), ou simplement pour le plaisir d'emmener les autorités locales se faire tailler en pièce par les soldats des factions et observer sournoisement en tenant les paris. Car, et c'est au final sa plus grande qualité, Just Cause 2 reste avant tout un énorme bac à sable dans lequel on s'éclate, tout simplement, grâce à un moteur physique réussi, des effets pyrotechniques dévastateurs, des véhicules ultra variés, et bien sûr le duo star du héros : la combo grappin / parachute.

Spectaculaire

Si la panoplie d'armes fait dans le classique (mais le snipe et les lances-roquettes, ça fait toujours rire), la véritable joie et les émotions fortes proviennent de l'ensemble du gameplay lié aux accessoires fétiches du héros. Le fameux grappin peut s'accrocher à tout ou presque, et il jouit d'une portée bien pratique de plusieurs dizaines de mètres. On peut ainsi se déplacer très vite, bien sûr, mais aussi attraper des véhicules, ou l'utiliser comme tremplin ascensionnel en déployant le parachute pendant la traction du filin. On peut aussi ouvrir et fermer le parachute sans limitation, alternant chute libre (vive le base jump) et parapente. Avec un peu de dextérité et d'imagination, des myriades de choses deviennent possibles, puisque ce grappin peut aussi servir à relier deux choses entre elles. Par exemple, un ennemi à une bonbonne de gaz volatile, qui ne manquera pas de s'envoler si une balle de pistolet venait à la chatouiller. Hilarité assurée ! Cette créativité personnelle à incorporer au jeu compense d'ailleurs grandement un léger manque de variété des missions, très nombreuses mais souvent basées sur les mêmes ressorts de gameplay. Dommage aussi que le sublime cycle jour/nuit (doublé de conditions météo variées superbement rendues) n'impacte pas quelque peu les possibilités d'approche, puisque côté furtivité, c'est le néant. En même temps, c'est vrai, le postulat du jeu n'est pas dans la subtilité, on l'a déjà vu...

Au final, Just Cause 2 souffre de plusieurs petits défauts, certes, mais offre une expérience bac à sable tout simplement scotchante. Les approximations et flottements de gameplay s'effacent vite devant la myriade de choses à découvrir et à collectionner, la maestria visuelle des effets pyrotechniques et l'étendue époustouflante de l'aire de jeu. C'est un titre généreux, qui ne se prend pas la tête, et gagne à être expérimenté (ça tombe bien une démo est dispo) par tous les amateurs de jeux vidéo un peu bas-du-front qui aiment expérimenter avec des gameplays légèrement émergents dans de vastes bac à sable.