Voici plus de deux ans que Season A Letter to the Future capte inexorablement les regards. Noté sur beaucoup de calepins depuis son annonce aux Game Awards 2020 et son coup de projecteur au PlayStation Showcase de 2021, le titre a su tirer son épingle du jeu avec sa direction artistique particulièrement aguicheuse qui se grave facilement dans les mémoires. La production indépendante porte en elle certains espoirs dans le registre des récits atmosphériques et poétiques, avec sa protagoniste qui part explorer le monde extérieur à vélo. Avec cette nouvelle proposition plus onirique, le studio canadien souhaite inviter les joueurs au voyage et à l’évasion le temps d’une escale, dans une version surréaliste du monde inspirée du milieu du XXe siècle, prompte à la découverte et au mystère. La bonne nouvelle, c'est qu'il y arrive de façon assez admirable en dépit de problèmes techniques parfois gênants.

On se sentait pousser des ailes, à bicyclette

Un grand changement arrive. Perché sur les montagnes, le village de Caro est un endroit où il fait bon vivre. Ce petit lieu paisible aux panoramas et aux couchers de soleil à tomber est à l’abri de la mystérieuse maladie onirique et du changement de saison, qui symbolise la fin d’une ère, d’un moment important dans l’histoire. Une vision, des rêves cryptiques, plus de doutes, celle en cours va bientôt s’achever. Un cataclysme menace de tout effacer sur son passage et les souvenirs d’un monde bientôt révolu sont en train de s’éteindre doucement. Personne n’a quitté le village depuis des années, personne jusqu’à Estelle. L’habitante va s’aventurer vers l’extérieur pour saisir ce moment et le transmettre aux générations futures. Quelle est cette saison qui s’achève ? Pourquoi prend-elle fin ? Et que se passera-t-il lors de la prochaine ? Armée de son magnétophone, son journal, son polaroid et d’un talisman magique la protégeant des dangers, elle enfourche son vélo en quête de réponses. A l'instar de nombreux jeux misant beaucoup sur la qualité de leur univers, de leurs mystères et sur l’aspect découverte, Season peut-être assez vulnérable aux spoilers. On fera des efforts pour ne pas trop en dire et ne rien gâcher d'essentiel à l'intrigue ni aux quelques surprises qui viennent ponctuer ce beau périple. 

test Season a Letter to the Future

C'est une fois arrivé à la vallée de Tieng, où quelques autochtones se préparent à évacuer les lieux, que l'on est plongé pour de bon dans le jeu et ses mécaniques qui se comptent sur les doigts d’une main : photographier, enregistrer des sons, discuter avec les locaux, pédaler jusqu’à découvrir un prochain point d’intérêt et tout consigner dans son journal. Si ça n'a pas l'air bien compliqué, c'est normal : ça ne l'est jamais et c'est volontaire. Season A Letter to the Future est avant tout un voyage au carrefour de l’étrange et du connu qui invite à découvrir une vision poétique du monde où le temps semble s’être arrêté. Ce qui compte, c’est l’immersion, l’histoire que Scavengers Studio a à vous raconter et surtout la façon dont vous allez la vivre en fonction de votre sensibilité. C’est un jeu qui pousse à se perdre, à se balader, à explorer et à apprécier ce qui est autour de nous. A comprendre qu’une saison n’est pas seulement une histoire racontée, mais aussi quelque chose qui se découvre au travers des sons, de la musique, de l’art, de l’architecture, d’objets insignifiants témoins de moments de vie doux ou au contraire plus durs, d’une culture vouée à disparaître.

Devoir de mémoire

Dans les faits, Season nous laisse explorer cette grande zone ouverte comme bon nous semble à vélo. Une ferme qui attire notre regard au loin, une sculpture étrange qui trône à l’horizon, un joli paysage que l’on souhaite capturer, le jeu nous invite à divaguer au gré de nos envies. Chaque endroit, chaque environnement, peu importe l’ordre dans lequel ils sont explorés racontent une histoire, livrent des indices sur le passé comme le futur et permettent de se saisir de cet univers captivant qui nous absorbe d’heure en heure. Le jeu appelle à l'exploration, demande à ce qu'on prenne notre temps, à capturer la beauté ou la noirceur de cette saison, des moments du quotidien pour les générations futures afin qu’ils comprennent une ère qu’ils ne connaîtront jamais. A n’importe quel moment, le joueur peut se saisir de son appareil photo ou son magnétophone pour immortaliser tout et n’importe quoi. Un paysage à couper le souffle, la faune, un habitant, un vestige du passé, et qui sait ? Peut-être que la flore a aussi des choses à raconter. C’est à nous de décider ce qu’il restera de cette saison. Si cela peut paraître assez abscons de prime abord, tout trouve son sens en y jouant.

test Season PS5

Quelques éléments sont cependant plus ou moins nécessaires pour progresser et comprendre ce qui nous entoure. Certaines images et sons spécifiques invitent la protagoniste à la réflexion, d’autres n’auront d’utilité qu’à décorer le journal si vous le souhaitez. Season A Letter to the Future peut d’ailleurs vite se transformer en atelier scrapbooking où l’on agence comme bon nous semble le fruit de notre voyage. En y collant des images, des prospectus, des citations, des dessins ou même des sons au gré des envies. Pour peu que que l’on aie une petite fibre artistique, il est très facile d’y consacrer plus de temps que de raison tant les possibilités sont généreuses. La volonté des développeurs a clairement été de ne jamais entraver notre progression, de façon à ce que l'on puisse profiter de l'histoire, de l'atmosphère ô combien envoûtante et se délecter à chaque instant de nos investigations au rythme que l’on souhaite. Et il faut avouer que ça marche, même si la narration peut sembler parfois trop en retrait ou peut-être faiblarde au moment où les crédits défilent. Comme dirait l’autre, c’est le voyage qui compte et non la destination, et quel voyage agréable.

La grande force du jeu, c'est d'arriver à nous impliquer, tout au long de notre progression, de donner envie d’en découvrir davantage sur cette vision surréaliste des années 20, de se saisir de la poésie de ce monde. Sans jamais ajouter de nouvelles mécaniques de jeu, Season A Letter to the Future parvient à rester engageant tout au long de l’aventure et on n’ennuie jamais tant il est long pile comme il faut. Le jeu peut se terminer en 5 petites heures seulement en traçant sa route, mais en se délectant aux maximum de son univers onirique la durée de vie peut facilement grimper à une dizaine d’heures. Difficile de ne pas entrer dans la seconde catégorie tant le jeu et ses environnements sont beaux comme pas deux et poussent à s’arrêter, à contempler et à immortaliser ces somptueux paysages.

Mode photo

Un jeu beau comme tout, mais une technique qui pédale

Après tout, c'est sa direction artistique singulière qui frappe le joueur fraîchement débarqué et qui le détournera régulièrement de son objectif à coups de panoramas sublimes. Sans être une grosse baffe technique Season est tout simplement magnifique, n’ayons pas peur de dire les mots. Des brumes de chaleur aux couchers de soleil rougeoyants, en passant par les rayons divins à travers les arbres et des forêts féériques, le jeu brille par sa beauté artistique. Il faut malheureusement composer avec un grand nombre de saccades et de ralentissements sur PS5, sans oublier des portions de décors qui s'affichent à la bourre quand on regarde vers l'horizon. L’aspect BD des cinématiques permet certes de s’affranchir des contraintes de la synchro labiale mais cela se fait au détriment des performances inégales de certains acteurs. Les dialogues sont découpés ligne par ligne dans des bulles, donnant l’impression que certaines phrases sont jouées étrangement et en décalage avec le ton de la phrase précédente. D’ailleurs, si l’on ne peut que recommander de jouer à Season A Letter to the Past en anglais, le jeu a le mérite de proposer une VF de bonne facture et avec la même actrice principale qu’en VO. Au rayon des doléances, le titre souffre de transitions abruptes entre plusieurs plans qui ont le don de ternir certaines séquences, et de temps de chargements un peu trop longs compte-tenu de la puissance de la PS5. Heureusement, il n’y en a que lorsque l’on passe d’une cinématique au retour en jeu.

C’est finalement sur l’aspect technique de cette véritable pépite qui pêche le plus. Avec une toute petite équipe aux commandes, Season force le respect sur de nombreux points, notamment la prise en charge de la DualSense. La manette PS5 est constamment mise à contribution et à bon escient pour pousser l’immersion encore plus loin. Ça passe par le retour de force sur les deux gâchettes lors d’une pente pour pousser à pédaler plus, aux vibrations sonores qui permettent de ressentir l’impact d’une ou plusieurs voix puissantes entre ses mains, et évidemment la possibilité de ressentir le sol sous ses roues en fonction de la surface. Ça fait très souvent des merveilles et il est assez rare de voir la DualSense aussi bien utilisée. L'ambiance sonore, bien que beaucoup trop discrète à notre goût, est tout à fait appréciable et elle saura apporter cette petite touche de justesse qui renforce grandement l'immersion. 

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Le problème, c’est que cette virée au cœur de paysages naturels très stylisés est parfois ternie par des bugs assez vilains. Cela passe par des petits soucis de collisions rien de bien méchants qui prêtent à sourire, mais surtout des problèmes plus gênants qui font léviter la voyageuse hors du sol avec l’impossibilité de reprendre sa route. Ce ne serait pas si grave si Season ne reposait pas uniquement sur un seul et unique slot de sauvegarde et si la partie ne s’enregistrait pas automatiquement exactement là où on l’a laissée quand on quitte le jeu. On s’est retrouvé dans un cas où l’on a dû essayer de glitcher pendant de très très longues minutes dans l’espoir de pouvoir poser un pied au sol et sauver notre partie. On a évité le cataclysme de très près, mais gare aux mauvaises surprises.