Mercredi 17 juin, c'était jour de philo. C'était aussi jour du Seigneur pour les convertis à la série des Pro Cycling Manager, qui attendent chaque été leur galette comme le Messie. D'ailleurs, à la question "Suis-je ce que mon passé à fait de moi ?", sur laquelle ont planché les lycéens en terminale littéraire, le fou de cyclisme que je suis aurait répondu que son histoire personnelle a forcément exercé une influence sur son identité. Pour appuyer son modeste point de vue, il aurait pioché dans ses souvenirs pour retrouver ce petit bonhomme qui sillonnait les routes de France pour assister à cette immense kermesse itinérante. Qui récupérait les musettes des coureurs pour collectionner les objets appartenant aux plus grands. Qui apprenait par coeur les numéros des dossards de ses champions pour pouvoir les reconnaître et hurler leurs noms. Une passion chevillée au corps qui ne l'a jamais quittée et qui a même pesé lourd au moment de choisir sa voie professionnelle.

Aujourd'hui, ce même blondinet a trouvé à qui parler niveau ferveur dévorante pour la petite reine. Il a rencontré une grande famille, une communauté aussi fidèle qu'exigeante, avec qui il partage son admiration sans borne pour ces stakhanovistes de l'effort. Il la retrouve régulièrement sur les forums dédiés à PCM où les dingues de vélo trempent leur plume dans l'encre à émotions pour narrer leurs exploits, leurs déconvenues, clavier et souris en mains. Depuis 2001, date du premier Cycling Manager, cette confrérie s'est enrichie de milliers d'éléments, donnant des ressources supplémentaires à Cyanide pour devenir plus qu'une boîte remplie de talent, de bonne volonté et de bugs. Les développeurs français ont su écouter les desiderata de leurs fans pour apporter les changements escomptés et imposer leur titre comme un monument incontournable dans le paysage des licences sportives. Une histoire d'amour est née. Puis des hauts et des bas mais jamais de gros faux-pas. Et une remise en question à chaque saison des mariages.

La socquette légère, le bon coup de pédale

Car, le drame, quand on lance un nouveau Pro Cycling Manager, c'est que l'on doit déjà faire le deuil de l'épisode précédent. Celui-là même qui était enfin stable, patché, expurgé de tous ses bugs agaçants. On le jette comme un bidon vide, en même temps que cette partie mémorable où l'on avait mené le prometteur Gougeard sur le podium du Tour de France. Mais une fois surmontée sa peine, on repart sur une nouvelle carrière, on s'amuse à décortiquer chaque nouvelle fonctionnalité, on s'exclame devant le moindre changement cosmétique, on peste sur les statistiques, abusées ou sous-évaluées, de certains coureurs. Et, assez vite, les inénarrables bugs de début de vie d'un PCM nous rendent fous de rage. Cette monture 2015 nous offre toujours la possibilité de diriger l'une des 90 formations disponibles pour atteindre les objectifs fixés par les sponsors. Vous serez alors le seul responsable de vos prouesses/échecs tant chaque volet est paramétrable - de la gestion des entraînements à la détection des jeunes pousses - donnant une épaisseur jamais vue auparavant à votre statut de directeur sportif.

L'art d'être concis demeure toujours difficile au sujet de cette simulation d'une richesse infinie. Essayons néanmoins de défricher le terrain et de dégager trois facettes qui ont été retouchées. Un gros travail a été effectué sur l'intelligence artificielle des coureurs dans les étapes vallonnées ou pavées grâce à une meilleure prise en compte des tracés. Par exemple, en montagne, les équipes des favoris prennent désormais leur destin en main, assurant un train d'enfer pour lancer leur leader dans les meilleures conditions. A chaque fait de course, le peloton réagit de façon réaliste et spontané, ce qui renforce l'immersion et offre une grande variété de situations. Les sprints n'ont pas été lésés puisque l'on peut désormais choisir la trajectoire de son funambule en le contrôlant manuellement dans la dernière ligne droite. De quoi donner un côté plus stratégique et une autre intensité à des séquences devenues routinières avec le temps.

Nouveau cycle pour une nouvelle vie ?

Mais Cyanide et Focus ont axé leur communication sur l'intégration d'un tout nouveau mode de jeu. Intitulé "Pro Cyclist", il pompe l'idée du mode "My Player" de NBA 2K en nous permettant d'incarner un jeune coureur à l'aube de sa carrière et de l'emmener au sommet de la hiérarchie. Il faudra gérer, seul comme un grand, ses entraînements, son programme de courses et son développement pour grimper les paliers et noircir son palmarès. L'expérience reste fun sur le papier, quoique assez antinomique avec l'idée collective que je me fais du cyclisme. Or, l'interaction inexistante avec l'équipe et l'encadrement nous pousse à pratiquer des tactiques plus bourrines, façon Tony Martin pour les connaisseurs. Les détracteurs des fameuses oreillettes seront aux anges. Ceux qui accordent une importance au briefing d'équipe avant le départ, beaucoup moins. Le fait d'avoir dissocié son protégé de ses équipiers nous prive en effet du côté stratégique de cette discipline (pas de protection, pas de relais, pas de train). Et la progression de notre avatar, nettement trop rapide, réduit considérablement l'intérêt de ce mode encore mal dégrossi. L'intention louable, d'autant plus qu'elle concrétise une demande avouée de certains joueurs, reste donc trop brouillonne pour procurer l'effet attendu.

Voilà un aspect sur lequel les développeurs vont devoir se plonger tout au long de l'année (à travers des patchs ?) pour en sortir quelque chose de plus convaincant. Comme d'habitude, ils seront à l'écoute de leur fanbase qui continue de l'inspirer. Parmi les souhaits à exaucer: un panel d'interactions encore plus étendu, des rapports avec les autres protagonistes plus poussés en course et une adaptation aux nouvelles règles de l'UCI. En attendant, Pro Cycling Manager est loin de se reposer sur ses lauriers et continue de surprendre. Question d'éthique. Un mot qui reste malheureusement tabou dans ce sport.