Maquette, c'est l'histoire de Michael et Kenzie. Une histoire simple, comme on en entend, comme on en vit, de deux personnes qui se rencontrent et nouent une relation. La façon dont elle est racontée est singulière : après avoir traversé un petit jardin nocturne sur une douce chanson blues-rock de The Animals reprise par Gábor Szabó, en suivant les quelques mots suspendus à l'air libre, à la Edith Finch, le joueur se retrouve devant la maquette du monde qui l'entoure. Il prend alors conscience qu'il incarne Michael et que ce lieu étrange et coloré est le refuge des souvenirs qui le lient à Kenzie, qu'il va découvrir par bribes.

J'lui dis : "de qui tu t'moques, toi, tu veux ma maquette"

À la façon d'A Fisherman's Tale, Maquette vous place, en vue subjective, dans un environnement récursif. Devant vous se trouve donc une maquette, comprenant généralement quatre lieux, placées en croix et autour d'un dôme central où se trouve la dite reproduction des lieux. Sur trois échelles différentes. Sans beaucoup d'indices, à part toujours les pensées flottantes, quelques mélodies et des signaux lumineux, il va falloir trouver la marche à suivre pour connaître les moments essentiels de la relation entre Michael et Kenzie. À peine sait-on que l'on peut porter et placer des objets sur la maquette et qu'ils apparaissent plus gros là où on les a mis, et vice-versa. Une clé minuscule retrouve une taille normale, un escalier s'adapte à tous les formats... Cela marche dans tous les sens, et vous allez même vous retrouver tantôt Gulliver, tantôt lilliputien. Et il faut donc être attentif et observateur pour se faufiler partout.

Peut-être un peu trop, encore une fois, tant certaines mécaniques, bien que conçues avec intelligence et évoquant un peu Portal, nécessitent parfois qu'on balaye les zones en expérimentant un peu trop au doigt mouillé. Et comme le placement des objets aux sticks analogiques peut se révéler laborieux et vous induire en erreur, et qu'un sentiment de redondance dans les situations n'aide malheureusement pas à entretenir une progression coulée, on se retrouve avec une expérience un peu frustrante. On a l'impression qu'elle s'est étirée sur trois ou quatre heures là où elle ne devrait en durer qu'une au maximum. Et on ne vous parle pas de quelques bugs, comme une porte déclinant son invitation officielle à s'ouvrir, obligeant à relancer un chapitre. Agaçant.

Accroche-toi au pinceau, je retire l'échelle

Il y a pourtant tant à aimer dans Maquette ! Sa représentation visuelle charmante aux airs minimalistes mais efficaces de The Witness, entretenant notre solitude et notre rapport à la vie, son poids écrasant comme sa légèreté, ses non-dits, ses évidences, par des allégories bien trouvées. Comme des décors de cinéma vides qui, en un clin d'oeil et quelques sons jamais effacés de la mémoire de Michael, qui donnent toutes les clés. Et n'oublions pas les formidables performances de Bryce Dallas Howard et son mari à la ville Seth Gabel, qui expriment tous deux des personnalités évidentes, appréciables, en quelques répliques aux échos délicats nous dirigeant vers un dénouement inéluctable. Dommage que les sous-titres français (lorsqu'ils veulent bien faire acte de présence) ne soient pas à la hauteur de ces tranches de vie touchantes, mignonnes, tristes, qui feraient d'ailleurs un très bon audiobook. Le besoin de se tourner vers Google Traduction sans regarder derrière a été plus fort. Le genre de défaut qui ne ruine pas une histoire d'amour mais qu'on ressortira forcément à la moindre contrariété.