Autant le dire tout de suite, Grand Kingdom est un jeu exigeant. On parle beaucoup de titres user-friendly, de jeux pour « casus » ou encore de titres pour assistés, Grand Kingdom en est l'absolu contraire et on le comprend dès les premières minutes de jeu. Une courte introduction vous explique les éléments fondamentaux du titre, puis à vous de vous débrouiller seuls ! On se perd dans les menus et sous-menus de l'écran principal et on s'accroche aux quelques maigres explications en anglais disponibles à l'écran. On comprend très vite que Grand Kingdom n'est pas du genre à vous tenir la main mais plutôt du genre à vous regarder la coincer plusieurs fois dans la même porte jusqu'à ce que vous appreniez votre leçon.

Les temps de chargement entre chaque menu ne simplifient pas notre navigation dans ces derniers. Faites le bon choix car si vous aviez le malheur de vous tromper, il faudra attendre 3 à 5 secondes que le mauvais menu se charge et patienter une nouvelle fois pour revenir sur le menu principal. Vous serez très souvent amenés à naviguer de menus en sous-menus, à revenir d'un écran à un autre et ainsi de suite pour gérer au mieux votre escouade, on regrette donc que la navigation soit si éprouvante.

Joue à Destin pour changer de vie

Avant de se lancer dans le mode Quest, la campagne solo du titre, vous êtes invités à recruter quatre mercenaires pour former votre première escouade. En tout, 17 classes sont disponibles allant des classiques guerriers, mages ou archers en passant par quelques classes plus exotiques à (re)découvrir. On pensera notamment au Challenger, sorte d'enfant bâtard né de l'union entre Bomberman et d'un Electrode. Cette unité se bat en lançant des tonneaux explosifs sur ses adversaires. Si ces derniers ont le malheur de résister à ses assauts répétés, le Challenger n'hésite pas à se faire exploser pour terminer le travail. Chaque mercenaire a également une capacité spéciale qui lui est assignée de manière aléatoire et vous permettra d'influencer le déroulement de vos parties à votre avantage.

En revanche, les maux de têtes reviennent quand on doit attribuer des points de statistiques aux mercenaires fraîchement engagés. Encore une fois, on regrettera le manque d'explications proposées par le titre. Il est difficile de comprendre ce à quoi correspond chaque statistique dans un jeu aussi atypique que Grand Kingdom. Alors on se lance un peu à l'aveugle en affectant des points au hasard et en espérant avoir fait les bons choix. Ne vous inquiétez pas, vos ennemis sanctionneront bien assez tôt une mauvaise répartition des points de statistique de votre équipe par un Quest Failed bien senti.

Les derniers seront les premiers... ou le contraire.

Votre escouade formée, il sera temps de faire vos preuves au sein de la Guilde en accomplissant plusieurs missions dans le mode Quest, la campagne hors ligne du titre. J'aime à penser que, lors d'une soirée karaoké, les développeurs réalisèrent que leur titre était particulièrement complexe à appréhender et que, dans leur grande bonté, ils décidèrent de simplifier au maximum le scénario de ce mode campagne pour compenser. Ainsi c'est accompagné de Flint, votre bras-droit aux tendances alcooliques, et Lillia, le stéréotype de l'assistante d'animé de seconde zone, que vous enchaînerez les affrontements tout au long de la campagne principale. Pourquoi vous battez-vous, contre qui vous battez-vous ou encore à quoi ressemblez-vous ? Autant de questions dont les réponses vous marqueront autant que la sortie de Resident Evil : Umbrella Corps, c'est-à-dire pas du tout.

Il faut toutefois noter qu'à l'inverse de nos confrères japonais, l'unique version qui nous est proposée en Europe est la version complète du titre. En effet, au Japon seules 13 classes et la campagne de la Guilde étaient accessibles, les 4 classes restantes et les campagnes liées à chaque royaume s'acquéraient sous forme de DLC payant. Pour combler son retard en Europe, NIS America a mis à la disposition des joueurs européens la totalité des contenus sortis en DLC gratuitement. En plus de relevé la qualité de l'intrigue, les campagnes supplémentaires ont le mérite d'être particulièrement fournies en quêtes ce qui allongent grandement la durée de vie du titre en mode hors ligne. On passe allègrement d'une petite douzaine d'heures de jeu à une quarantaine en cumulant les chapitres additionnels. Être patient ça a du bon !

Tactical-Action-Monopoly-RPG

Une fois une quête acceptée, vous et votre escouade êtes transportés sur une carte quadrillée qui rappelle celle d'un jeu de plateau. Mercenaires, adversaires et autres instruments de sièges sont représentés par des pions sur le plateau. Votre but sera souvent de déplacer votre pion vers une case spécifique ou de nettoyer le plateau de tous les pions ennemis. Afin de vous laisser le temps de mettre au point vos stratégies, les pions adverses ne se déplacent que lorsque vous effectuez une action. Facile entends-je ? Nullement réponds-je.

Tout d'abord, chaque quête est limitée en nombre de tours et chaque déplacement de votre pion coûte un tour. Ennemis, pièges et autres éléments perturbateurs sont également disséminés de manière aléatoire sur le plateau et vous empêcheront d'atteindre votre objectif en toute tranquillité. Vous pourrez tenter de les contourner, de forcer le passage ou encore de dépenser quelques précieux tours pour désamorcer le piège face à vous, mais vous comprendrez rapidement que chacun de vos choix à un (douloureux) coût, qu'il soit en termes de tours, d'argent, de points de vie ou de TP. Oui, car il faut également prendre en compte les TP qui s'acquièrent après chaque combat gagné sur la carte. Les TP vous permettent d'utiliser la capacité spéciale de vos mercenaires, d'ouvrir un coffre fermé à clef ou encore de retirer un piège de la carte. Une ressource précieuse donc dont la bonne utilisation fera souvent la différence entre une mission qui se termine le sourire aux lèvres ou les larmes aux yeux.

La phase de plateau demande de préparer son avancée avec prudence et de planifier chacune de vos actions sous peine de gâcher un grand nombre de tours et de devoir recommencer la quête depuis le début. Pour corser le tout, il n'est pas possible de sauvegarder en pleine quête et de recommencer à un checkpoint en cas d'erreur, vous êtes prévenus !

Fight !

Dès que votre pion entre en contact avec un pion adverse, la phase de combat s'enclenche. Les combats de Grand Kingdom sont particulièrement réussis. Savant mélange entre actions aux tour-par-tour et jeu de rythme, ces joutes mettront encore une fois vos compétences de stratège à rude épreuve.

Vos mercenaires et les personnages adverses prennent places sur l'un des 3 axes visibles à l'écran et agissent chacun leur tour. On pourrait résumer les affrontements du jeu par les deux actions suivantes : utiliser une compétence et se déplacer (dans l'ordre souhaité). Cela a l'air simple, mais encore une fois avec Grand Kingdom, tout se complexifie très rapidement. Ainsi, une jauge de déplacement et une jauge d'action sanctionnent chacun de vos choix, vous obligeant à réfléchir au moindre pas que vous souhaiteriez effectuer. Placez vos guerriers à l'avant pour protéger vos mercenaires, mais gardez-les suffisamment à distance de l'ennemi pour éviter les dommages collatéraux car, en effet, le friendly-fire est constamment activé !

Préparez un sort de feu avec un mage et vous lancerez un mini-jeu où, à l'instar d'un jeu de rythme, vous devrez appuyer au bon moment pour arrêter le curseur sur l'ennemi visé et ainsi en faire des brochettes ! Manquez votre cible et vous risquez de toucher vos alliés, voire de les tuer par inadvertance. Même chose pour les archers qui peuvent toucher leurs alliés ou encore les lanciers dont l'allonge permet de toucher plusieurs ennemis sur plusieurs axes différents.

Votre escouade de mercenaire est limitée à 4 personnages au maximum. Cela signifie évidemment que vous pourrez être amenés à affronter des équipes composées jusqu'à 6 adversaires. N'ayez surtout pas hontes d'effectuer les quêtes principales en ayant un niveau plus élevé que celui recommandé, c'est même vivement conseillé ! Il y a beaucoup de variables et de paramètres à prendre en compte lors des phases de combat, mais elles n'en sont que d'autant plus appréciables et jouissives. On ressent presque le même sentiment que dans un Dark Souls à essayer et à échouer à plusieurs reprises sans jamais se lasser. Les affrontements sont notamment sublimés par les graphismes 2D irréprochables que nous proposent Monochrome et des compositions musicales qui mêlent fanfares grandiloquentes et rythmiques nerveuses pour une expérience immersive.

Je suis seul, et personne à qui le dire

Il y a une raison pour laquelle le paragraphe parlant du mode en ligne, le mode censé être la feature principale du titre et largement mise en avant par NIS America, n'arrive qu'à la fin de cette critique. Tout simplement parce que ce mode est décevant. Très tôt dans le jeu, vous avez la possibilité de prendre part à la grande guerre des 4 royaumes en prêtant allégeance à l'une d'entre elles pour une durée limitée. Le titre nous donne l'impression d'avoir un impact sur cette guerre qui fait rage en combattant sur le champ de bataille, en faisant passer des traiter, en invoquant des monstres puissants et en créant de l'équipement de haut niveau en investissant dans la Recherche & Développement. Cependant, à aucun moment on a la sensation que nos actions comptent. Ne serait-ce que sur les champs de bataille, on ne joue pas contre d'autres joueurs mais contre leurs fantômes basés sur les données qu'ils ont envoyées aux serveurs du jeu. Paradoxalement, on nous promettait un affrontement épique ne connaissant aucune frontière et ralliant des escouades de mercenaires à travers le monde, mais on ne peut s'empêcher de se sentir incroyablement seul dans ce mode en ligne.