Ce douzième épisode est un véritable rescapé, le dernier témoin de l'ancien monde, en quelque sorte : celui où Square Enix réussissait à pondre une trilogie par génération de machines, et où chaque aventure réussissait à revendiquer l'héritage d'une saga légendaire. Relativement classique au regard des errements de la série en 2017, Final Fantasy XII faisait en 2006 le choix de transposer les mécaniques de combats d'un MMORPG dans une aventure offline, à la surprise générale.

Ouvrez grand les Vaan

Bien évidemment, la recette originale demeure intacte, bien que quelques sympathiques ajouts viennent la pimenter comme il faut, histoire de justifier un nouveau passage en caisse. Mais pour les petits nouveaux, plantons rapidement le décor, je ne voudrais pas vous perdre en chemin ! Final Fantasy XII : The Zodiac Age vous plonge dans le monde littéralement fantastique d'Ivalice, un univers plus arabisant qu'à l'accoutumée, où un petit groupe de rebelles va tenter tant bien que mal de jouer un rôle majeur dans le conflit latent qui oppose deux empires voisins. Si le scénario emprunte autant à Star Wars pour ses premières heures qu'aux autres Final Fantasy pour son développement, il aura permis aux petits gars de Square Enix de bâtir les fondations d'un univers original et à la direction artistique novatrice. Pour le reste, adieu les affrontements séparés de l'exploration : Final Fantasy XI est passé par là, et c'est dorénavant en temps réel et sans transition (comme dirait la vieille marionnette de PPD) que vous affronterez Mimic et Flans d'usage.

Une posture jupitérienne

Ceci étant dit, attelons-nous à examiner de plus près ce ravalement de façade à la sauce 2017. Déjà pensé pour être affiché en 16/9 à l'époque dans sa version japonaise (on ne se moque pas, s'il vous plaît), Final Fantasy XII : The Zodiac Age nous rappelle qu'il débarqua en fin de vie de la PlayStation 2 : vastes, hauts et colorés, les environnements de ce monde flattent toujours la rétine, preuve s'il en est qu'une direction artistique de haut vol encaisse bien les affres du temps qui passe. Ère 128 bits oblige, les zones à explorer restent relativement limitées en taille, un problème que les temps de chargement accélérés rééquilibrent sans mal : on passe en un clin d'oeil de l'une à l'autre. En plus, la carte en surimpression via un clic sur le stick gauche évitera aux handicapés de la carte routière de prendre à droite à Albuquerque.

Ceci dit, ce n'est pas une feature pareille qui justifierait à elle seule un ravalement de façade digne de ce nom. Heureusement, Final Fantasy XII bénéficie d'un lifting haute définition du plus bel effet : si le jeu gagne en finesse et en couleurs, il rehausse considérablement le niveau de détails visibles à l'oeil nu. Ça n'a peut-être l'air de rien dit comme ça, mais ça change dans les faits le ressenti global que l'on conservera d'Ivalice : les vêtements apparaissent plus riches et permettent ainsi d'épaissir les personnages. Le constat s'applique également aux différents environnements : détaillés et lumineux, ils regorgent plus que jamais de vie et vous happent d'autant plus aisément ! Sans aller jusqu'à dire qu'il transforme le ton du titre, ce relooking extrême s'avère plus justifié et abouti que celui de Final Fantasy X.

Dans un souci de rendre l'aventure plus pratique que jamais aux vieux pirates du J-RPG comme aux éventuels nouveaux curieux, Square Enix vous propose également d'accélérer la progression en multipliant le rythme par deux ou par quatre : les fans de Benny Hill ne seront certainement pas dépaysés. Sans jamais accélérer le chrono in-game, cette multiplication du rythme est un outil merveilleux qui devrait être rendu obligatoire dans tous les jeux du genre, quitte à réformer la Constitution s'il le faut ! Accessible à tout moment via le menu d'options, la gestion du rythme permet d'accélérer l'exploration à pied aussi bien que les nombreuses joutes inhérentes au genre, une bénédiction au vu du nombre d'étendues à parcourir dans ce douzième épisode. Pour les trois terriens qui auraient soutenu leur thèse sur le douzième épisode canonique de Final Fantasy, vous pourrez également constater que les statistiques de certains ennemis ont été légèrement modifiées, tout comme le drop potentiel de nouveaux coffres. Pour les autres, vous pouvez à présent reprendre le fil de votre lecture.

Job d'été

Mais ne vous y trompez pas : ce Zodiac Age ne se contente pas de proposer un confort de jeu optimal en ne s'occupant que de la forme, il propose également une modification de taille tirée de la seconde édition japonaise de Final Fantasy XII, sortie en 2007 et sous-titrée "International Zodiac Job System". Oui, Square Enix aime les titres (et sous-titres) à rallonge, cessez donc de jouer les étonnés. Si la version occidentale de l'époque laissait chacun des six protagonistes explorer librement un damier standard, la réédition japonaise et ce remaster HD propose de définir clairement des Jobs (les classes de Final Fantasy) et d'en choisir deux par personnage. Si vous n'êtes pas encore trop fâchés avec les mathématiques, vous aurez donc deviné par vous-mêmes qu'il sera dès lors possible de s'offrir les douze classes du jeu en un seul et unique run. Joie.

Cette ouverture se justifie d'autant plus que Final Fantasy XII : The Zodiac Age demeure un RPG stratégique où l'action peut rapidement s'emballer. À l'instar de ce que ses successeurs spirituels (je pense évidemment à Xenoblade Chronicles et sa suite classée X) proposeront, des ennemis non-désirés pourront très bien profiter de votre combat en cours pour venir vous cueillir au pire moment ! Il conviendra donc d'adapter ses Jobs et sa vitesse de jeu pour rester pertinent en toutes circonstances.

Un bon coup de Gambit

L'autre force de cet épisode réside évidemment dans son savant système de Gambits. Pour les jeunes ou les amnésiques (bien que les deux ne soient pas incompatibles), les Gambits s'entendent comme une série de comportements programmés par le joueur pour ses co-équipiers, ce qui évite de hacher les affrontements en ne s'occupant que de son personnage, ou simplement des grandes lignes directrices. Chaque protagoniste possède son menu, que l'on enrichira via le damier puis en achetant des statuts dans la boutique dédiée de Rabanastre. Si deux slots sont proposés d'entrée de jeu, les combinaisons atteignent un niveau complètement fou au fur et à mesure que l'on dépense ses points de compétences chèrement acquis. Il devient donc ensuite possible de hiérarchiser tout un ensemble de cas de figures et ainsi ne plus jamais maudire l'IA. Concrètement, on pourra demander à son mage blanc de soigner son leader dès que celui-ci descend en-dessous d'un certain pourcentage de sa barre de vie, puis de soigner l'empoisonnement de n'importe quel membre du groupe si le cas se présente, pour ensuite booster son attaque magique avant de s'attaquer à l'ennemi possédant la meilleure attaque.

Ce système qui ravira les esthètes du réglage autant que les control freaks obsessionnels fonctionne dans les faits à merveille, pour peu que l'on ne soit pas un tantinet rebuté par le temps passé dans les menus. Mais combinez ces Gambits savamment élaborés avec cette liberté dans le choix des classes et un rythme accéléré, et vous obtiendrez avec le temps une machine de guerre impitoyable qui fera votre fierté.

Trials HD

Pour conclure ce tour du propriétaire, laissez-moi vous parler de l'ajout (également hérité de l'International Zodiac Job System) d'un mode Trial, qui vous propose assez simplement d'enchaîner rapidement les combats contre divers ennemis dans des environnements toujours différents. Si cette enfilade permettra notamment de tester et d'affiner ses stratégies de combat sans risque, elle vous permettra également de récolter moult items utilisables ensuite lors de votre partie principale. Pratique donc, pour looter et tester ses Gambits, sachant que ce mode Trial a été conçu pour vous obliger à changer de stratégie, sans quoi c'est la mort qui vous pend au nez. A l'extrême inverse du spectre, on découvre également une sauvegarde rapide qui s'active à chaque changement de zone, pratique si on se fait décimer sans l'avoir vu venir (ce qui, par définition, est toujours le cas...). Il aurait été de bon ton de lifter un tant soi peu le système classique d'enregistrement, car les slots génériques sans image et les menus à valider sans cesse nous renvoient aux poncifs d'un autre âge, pas zodiacal celui-là.

Mais je ne saurais vous laisser repartir sans mentionner le dernier ajout colossal de ce portage haute définition : sa bande-son. Déjà grandiose à l'époque, elle change aujourd'hui de dimension, car la version synthétique de l'époque a été in-té-gra-le-ment réorchestrée, oui Madame. L'oeuvre collégiale largement composée par Hitoshi Sakimoto (qui a bossé sur tous les Vanillaware les plus récents, mais également sur Final Fantasy Tactics ou encore Vagrant Story, en passant par Gradius V) vaudrait presque à elle seule le run, c'est vous dire. Et que les aficionados conservateurs qui souhaiteraient baigner dans le jus de l'époque se rassurent : la version originale est également disponible et échangeable à la volée. Mais il suffira d'ouvrir ses esgourdes poilues au détail du souffle des vents dans The Royal City of Rabanastre ou à l'orgasmique Boss Battle à l'enchevêtrement fantastique des cordes, des cuivres et des percussions pour ne jamais revenir en arrière. Que du bonheur on vous dit. Et pour ceux qui n'arrivent pas à se satisfaire de cette magnifique proposition, précisons que les voix japonaises sont dorénavant proposées, le tout étant disponible en 7.1 pour les bourgeois technophiles. Ça vous va comme ça ?