Curieux destin que celui de Clockwork Aquario : celui qui aurait pu sortir sur bornes d'arcade sous le nom de "Tokeijikake no Aquario" en 1993 n'avait malheureusement pas passé l'étape couperet du location test, et devait demeurer à jamais à l'état de prototype. C'était sans compter sur les archéologues de Strictly Limited Games : l'éditeur de jeux en version physique s'était en effet associé à l'éditeur ININ Games pour récupérer les assets du jeu développé par Ryuichi "Wonder Boy" Nishizawa, et tenter de reboucher les trous, avant de finalement le commercialiser, 28 ans plus tard. Autant dire qu'en lançant Clockwork Aquario, c'est à un véritable voyage dans le temps qu'il faut s'attendre, pour le meilleur comme pour le pire.

Tick tock, on the Clockwork

Peut-être plus qu'aucun autre jeu sorti ces dernières années, il convient de précisément resituer dans son contexte la proposition reconstituée d'ININ Games : Clockwork Aquario était à l'origine destiné à engloutir les pièces de 100 yens qui remplissaient autrefois les poches des férus d'arcade. Et si l'on imagine que l'aventure entre plate-forme et action aurait sans doute pu faire l'objet d'une adaptation sur les consoles 16 bits de l'époque, c'est ici la version d'origine qui est proposée, dans son jus tout juste réchauffé, avec son lot de menu ajouté à la va-vite, tout comme la traduction française à la qualité très discutable.

Il ne faut donc pas s'étonner de trouver ici tous les poncifs de l'époque : entre la présentation tape à l'œil qui résume en quelques secondes une intrigue aux airs de prétexte, une prise en main immédiate et un déluge de couleurs, toute l'esthétique de Clockwork Aqauario renvoie à une époque révolue, tout comme ses codes. Seul ou à deux, un trio de protagonistes harmonieusement composé d'un héros aux cheveux verts, d'une héroïne aux cheveux rose et d'un robot tristement glabre se lanceront donc à l'assaut des quelques niveaux proposés pour sauver le monde du terrible Dr. Hangyo... et recommencer.

Yume Kōjō: Tokeijikake Panic !

Car au vu de son support originel, ce n'est clairement pas sa durée de vie ou son éventuelle complexité qui caractérise Clockwork Aquario : à l'instar des productions SNK de la grande époque, il ne faut qu'une poignée de secondes pour comprendre le fonctionnement du jeu, résolument offensif. Tout ou presque est ici fait pour dérouiller des ennemis au kilomètre. Nos héros peuvent leur sauter sur la tête, les attaquer par en-dessous, leur administrer un bon vieux bourre-pif, et même balancer un congénère ou un élément du décor dans un mouvement qui ne pourra que rappeler aux vieux de la vieille un certain Super Mario Bros. 2 (le nôtre, pas le vrai).

Les règles sont simples, la palette de coups assez variées mais résumée sur deux boutons, et c'est donc sans trop se prendre la tête que l'on parcoure les quelques stages qui nous séparent des crédits de fin. À l'instar des précédentes productions de Nishizawa, l'univers de Clockwork Aquario est résolument coloré, et l'on en profite d'autant que l'aventure fait la part belle aux énormes sprites caractéristiques du support d'origine. Les ennemis fusent de toutes part, et la possibilité de se servir de son partenaire de jeu comme d'un projectile fait des merveilles en coopération.

T'as pas 100 yens ?

Seulement voilà : Clockwork Aquario arrive avec près de trois décennies de retard, et les mécaniques des salles d'arcade d'antan n'ont plus vraiment cours aujourd'hui. Si l'on mesure la chance de pouvoir y jouer dans une version enfin achevée, il faudra se résoudre à l'aborder comme un jeu de scoring, car l'aventure se boucle en 20 minutes chrono, même au premier run. ININ Games s'est en effet contenté du strict minimum, puisque seuls trois niveaux de difficulté aux continues de plus en plus limités tentent de créer un semblant de durée de vie. Certes, il faudra affiner son jeu et dompter des collisions sans doute un peu généreuses pour triompher du plus élevé, mais la formule reste inlassablement la même.

Le plus dommage, c'est que Clockwork Aquario est encore faillible, et le respawn ô combien libre permet de vaincre avec un peu d'astuce les boss en une poignée de secondes. Littéralement. Il faudra donc se tourner vers les quelques sympathiques bonus qui dévoilent documents de travail et bugs de la version d'origine pour maintenir l'intérêt, mais en dehors de quelques speedrunners acharnés, la plupart des joueurs, même rétro, passeront rapidement à autre chose. L'aventure aurait évidemment eu toute sa place dans une salle bruyante, cherchant à vider nos poches entre deux nuages de fumée, mais à l'heure du bilan, le temps a passé, passé, passé, et beaucoup de choses ont changé.