En 2019, nous pouvions découvrir non sans émotion les aventures d'Hugo et Amicia en 1348, dans une France ravagée par la Guerre de Cent Ans et prenant de plein fouet le début de la vaste épidémie de Peste Noire qui tuera 25 millions de personnes. Le jeu avait eu le génie de faire des rats une matérialisation physique de la maladie, telle une métaphore morbide.

A Plague Tale Requiem, une œuvre sublime

Sans rentrer dans tous les tenants et aboutissants scénaristiques pour ne pas rentrer dans le spoil pur et simple, sachez simplement que l'on incarne toujours Amicia et son petit frère Hugo, enfants du Seigneur de Rune. La chevauchée d'Édouard III (campagne militaire du Roi d'Angleterre) vient de se terminer un an auparavant et les vassaux du Roi de France sont dans l'expectative, tandis que la Peste ravage les armées, les villes et les villages. Suite à la trame du premier jeu, nous quittons les paysages de Guyenne pour nous attarder sur les régions plus au sud du Royaume de France, notamment les routes d'Occitanie comme la Ville Rose. L'occasion notamment de parcourir des paysages typiques et beaucoup plus ensoleillés dès le début jeu, avec ses garrigues et son indétrônable lavande. A Plague Tale Requiem est donc une formidable manière pour les développeurs de jouer avec les contrastes, d'alterner entre des sombres thématiques (la maladie et la mort omniprésentes) et la grande douceur de vivre des paysages et leur atmosphère chaleureuse. C'est ce contraste assez saisissant, façon Midsommar, qui permet de mieux comprendre la plongée dans l'horreur que vont vivre nos héros et par la même occasion toute une population, du plus riche seigneur au plus indigent des paysans.

La beauté brute

Dès les premières minutes, on assiste à une véritable démonstration de force du savoir faire du studio Asobo en termes d'art et de technique. C'est bien simple, c'est sublime. Le jeu passe un nouveau cap par rapport à 2019, tout est un sans faute que ce soit pour la direction artistique de toute beauté, la technique à couper le souffle ou le level design cohérent et intelligent. L'environnement sert le récit et inversement, difficile de trouver des défauts tant le jeu aspire notre âme dès la première heure de jeu. La version PC s'offre en plus le luxe de proposer du DLSS pour venir à bout des zones les plus gourmandes et vous assurer un framerate qui ne descend pas trop dans les abysses. Nous n'avons par contre pas touché aux versions consoles.

Les contrastes de l'Occitanie

Comme dans le titre précédent, le jeu nous offre le gameplay intelligent du duo de personnages, essentiel pour progresser dans les environnements. Au départ notre compagnon Lucas, apprenti alchimise de son état, permet ainsi de se tirer de délicates situations grâce à ses grandes connaissances d'herboriste. Et c'est évidemment sans compter les différentes manivelles à manœuvrer à deux pour hisser une herse, ouvrir un portail ou tout simplement se faufiler dans un chemin sinueux. Ainsi, A Plague Tale Requiem ne nous donne jamais l'impression de subir seul, mais toujours à deux puisque le jeu est conçu pour que la progression soit impossible autrement.

Une belle courbe de progression

Et cette obligation du duo est évidemment une belle opportunité pour sublimer l'écriture et le récit en rendant les personnages toujours plus attachants. Si on le savait déjà grâce au premier A Plague Tale, cette suite qui débute en compagnie de Lucas est l'occasion de voir à quel point Amicia aime son frère Hugo et qu'elle est prête à tous les sacrifices pour le sauver de sa malédiction. Même les pires atrocités. Notre jeune guerrière est d'ailleurs plus douée que jamais avec sa fronde, et si dans la plupart des situations Requiem exige une grosse dose d'infiltration, il y a parfois des moments où tuer est la seule option viable. Et chaque mort n'est jamais gratuite dans A Plague Tale, c'est ce qui rend les personnages si humains et le jeu si réaliste dans son approche philosophique de la vie humaine. Pour tuer ou survivre, elle possède plusieurs cordes à son arc (sans mauvais jeu de mot). Il est par exemple possible d'éteindre à distance les torches des adversaires en projetant une pierre ou un pot à base d'une concoction antifeu. On retrouve toujours à intervalle régulier dans les décors des ateliers pour améliorer significativement notre équipement. Cela passe notamment par 3 lignes de progression : Prudence, Agressivité et Opportunisme. Chacune permet de se diriger plus vers l'action ou l'infiltration pure. En agressivité par exemple, Amicia peut littéralement pousser un ennemi au sol au milieu des rats...

Les débuts de l'horreur

Très vite, les paysages d'Occitanie vont se transformer en cauchemar et nos héros ne vont pas tarder à croiser les hordes de rats, ce qui faisait déjà le sel du premier jeu. Sachez que pour cette suite, le nombre de rats affichés, déjà assez conséquent dans Innocence, est multiplié par 60. Ce qui donne lieu a des scènes terrifiantes façon World War Z où des monticules de rats se montent les uns sur les autres pour accéder à certaines zones en se déplaçant parfois par vague. Une nouvelle preuve que le moteur du jeu a de quoi combler aussi tout amateur d'horreur. D'ailleurs Requiem ne fait pas dans la dentelle en terme de gore, avec son lot de cadavres écorchés, désarticulés ou dévorés par des groupes de rats toujours de plus en plus nombreux et voraces.

Une infiltration de qualité

L'infiltration est d'autant plus prenante qu'il est parfois nécessaire de jongler entre la peur de se faire repérer par un soldat (un archer ou un fantassin) et la peur de se faire dévorer par les rats si l'on ne gère par suffisamment bien la lumière environnante. Car oui, la seule faiblesse des rats outre la nourriture, c'est la lumière/le feu. Il sera donc nécessaire de sans cesse analyser son environnement pour comprendre comment atteindre ou apporter la lumière. A Plague Tale Requiem est prenant, stressant, angoissant mais surtout follement grisant. Avec son soucis du détail omniprésent, Asobo réussi la performance d'avoir toujours quelque chose à dire ou à montrer pour la bonne raison. Rien n'est gratuit dans A Plague Tale et ce nouvel opus est la preuve d'un savoir faire indéniable pour le jeu vidéo. Si Requiem n'est pas une révolution part rapport à Requiem c'est la continuité logique et nécessaire à un récit digne d'un excellent film ou d'un excellent roman. Cerise sur le gâteau, le jeu a le mérite d'être plus long que son prédécesseur, soit quelques heures de plus de plaisir.

Chef d'œuvre de bout en bout

Difficile d'en dire plus sans rentrer dans le spoil pur et simple, mais sachez simplement que A Plague Tale Requiem est une expérience narrative et d'aventure qu'il faut vivre. Elle a en plus le chic de charmer à la fois vos yeux et vos oreilles, avec des musiques exceptionnelles qui ne pourront que combler votre cœur d'émotions. Sans fausse note, l'orchestration est magistrale de bout en bout et on ne peut imaginer mieux pour suivre le destin tragique d'Hugo et d'Amicia.