Bayonetta 2 fait suite à un titre qui, malgré une incroyable propension à nous satisfaire dans le domaine de la distribution de raclées, semblait ne pas avoir atteint son plein potentiel. Plein de bonne volonté, il avait pêché par excès de zèle mal maîtrisé, pensant diversifier une expérience quasi-parfaite avec ces mini-énigmes à base de murs à péter et de statues, de QTE aussi soudains que punitifs, de phases en moto et sur une roquette terriblement lassantes. Première bonne nouvelle : ces concepts ont été gentiment oubliés. Soyez assurés qu'il est avant tout question de savater, aux commandes d'une héroïne qui a toujours autant de classe, de chien, de sex-appeal et de moyens de dézinguer ses pauvres adversaires.

Je fais ce que je veux...

Sensation familière et fraîche dans le même temps : le système de combat du premier volet revient affiné, assoupli, de manière à ce que tout paraisse plus fluide, frénétique, impressionnant - et sans anicroche, la caméra ayant l'amabilité de ne jamais nous prendre en défaut et le tearing ayant été relégué au rang de mauvais souvenir. S'appuyant sur la capacité d'esquiver une attaque ennemie au dernier moment pour déclencher une courte stase donnant un avantage certain, il permet toutes les folies. La liste des combos poing-pied-gun-saut disponibles d'entrée donne déjà le tournis et l'exécution l'impression que, sous nos ordres, rien ne résiste à la brunette à lunettes. Grâce à un timing sensiblement plus permissif, qui dessine une porte d'entrée accessible aux néophytes, on a la chance de pouvoir passer d'un enchaînement à un autre en un battement de cil, de savoir exactement où l'on en est et de ne jamais en vouloir aux développeurs. Les erreurs sont toujours nôtres. Tout simplement brillant, inattaquable et percutant.

... avec mes cheveux

Pour parfaire sa panoplie, Bayonetta peut aussi compter sur ses orbes de magie. Se remplissant toujours avec le skill, ils donnent accès à autre chose que les attaques sadiques à l'aide d'engins de torture cradingues et destinées à un seul antagoniste. L'Apothéose de l'Umbra, plus gourmande, se présente comme une alternative à prendre en compte. Une pression sur L et voilà que les calottes et coups de talons portés gagnent en amplitude, envahissent tout l'écran et permettent de balayer un groupe d'adversaires qui ne peut émettre aucune protestation de style coup prioritaire et inarrêtable - exactement comme quand on chope l'arme d'un gredin tombé sous nos frappes, comme un arc, une masse, un bouclier ou encore une lance qui transforme la belle en pole-danseuse. Le tarif est le même pour tous, peu importe la taille. Les plus nuisibles, les boss, ont toujours droit à la punition ultime une fois leur barre de vie épuisée. Et s'il ne s'agit plus que d'un button-mashing pour déterminer la puissance, en mégatonnes, appliquée par les invocations de l'impertinente bombasse (d'un dragon gigantesque à un crapaud des enfers, qu'elle maîtrise avec ses cheveux), la jouissance que l'on en tire est totale. La plus petite action donne lieu à l'écran à un son et lumière digne de Jean-Michel Jarre.

J'ai dit dans les yeux

D'un point de vue visuel, le jeu de PlatinumGames ne peut rougir que d'une chose : les compliments qu'on lui adresse. Le fait que le framerate soit toujours élevé apporte un confort qui permet au joueur de ne jamais souffrir d'un problème de lisibilité. Cela alors que c'est tout simplement l'orgie. Des couleurs éclatantes, des décors sans fausse note, des arrières plans parfois aussi agités et saturés que les arènes, sans parler des anges et démons aux traits toujours bizarroïdes et originaux, qui peuvent atteindre des tailles complètement folles tout en restant joliment animés : à quelques rares décors un peu moins soignés près, on sent que la Wii U a tout ce qu'il faut dans le bide pour nous éblouir. Et n'oublions pas la star, Bayonetta elle-même. Dans la représentation constante, encore plus canon qu'à ses débuts (d'un point vue design et technique), la jeune femme aux railleries adorables voit ses moindres gestes et poses, toujours plus nombreuses et suggestives, nous ravir par leur qualité. A moins de vouloir pinailler sur un crénelage parfois très prononcé, on conviendra qu'il s'agit d'une (autre) réussite totale. Et que le niveau de patate et de démesure de l'ensemble ferait presque passer le premier volet pour une production du mouvement Dogme 95 filmée en sépia.

The Constant

Recentré sur la baston grandiloquente et sans concession, Bayonetta 2 ne démérite pas lorsqu'il s'éloigne un peu du terrain purement beat them all. Cette fois, on retrouve des phases de surf, dans lesquelles il est question d'éviter des cathédrales et les canines d'un dragon angélique au coeur d'une vague géante, ou de vol à la limite du shoot them up. Plus limitées, elles exigent une totale contribution de l'esquive pour qu'on puisse y réussir rapidement. Et sont encore bien plaisantes. Les moments d'exploration, parfois sous forme de panthère ou de corbeau, demeurent, autorisant quelques respirations bienvenues. On y découvre des environnements variés, sublimes, plus compliqués dans la manoeuvre s'ils sont aquatiques et qu'on adopte la forme d'un serpent de mer, et toujours quelques petites friandises à ne pas négliger. On trouve toujours différents autels à éclater (parfois après avoir couru en temps limité pour ramasser les débris) ou des stages de défis à Muspelheim, de plus en plus sacqués, dont peuvent s'échapper la monnaie du jeu et de quoi se régénérer ou augmenter les niveaux maximum d'énergie et d'Umbra. Niveau rythmique, de ce prologue de légende où l'on se retrouve sur un jet puis un train et enfin à s'envoler vers la cime d'un gratte-ciel jusqu'à un boss de fin à l'introduction tordante, on ne se sent jamais délaissé, y compris dans les temps morts. On n'a jamais l'occasion de s'interroger sur la redondance des situations, étant donné que chaque combat, même le plus anodin, peut réserver une petite surprise grâce à la disparité du bestiaire.

La coupe déborde

Quand bien même vous pensez avoir terminé, vous en voulez encore. Parfait : il y en a encore. Beaucoup. Plein. Partout. Au bout des 10-12 heures d'un mode solo musclé sans se montrer frustrant en difficulté "normale" (Seconde Apothéose), d'autres niveaux et secrets pourraient bien pointer le bout de leur nez... Puis il restera forcément des trophées Platine Pur (niveau de compétence maximum pour une rixe, sans se faire toucher, en variant les combos et en un temps record) à choper quelque part dans les niveaux d'opposition plus élevés, pour les fous de performance. Et on n'oublie pas les armes (nombreuses et permettant encore pas mal d'associations et donc de styles différents), les costumes ou personnages à débloquer chez Rodin. Le patron des Portes de l'Enfer vend nombre de choses intéressantes pour customiser la lady ou ses compagnons jouables, dont les fameux costumes Nintendo qui, comme dans le remake du premier épisode que l'on peut obtenir sur l'eShop et dans deux des éditions collectors physiques, valent plus qu'une simple skin. L'habillage général, les combos et même des phases entières peuvent se voir modifiées pour un fan service assez dingue si l'on aime les univers de Mario, Metroid, StarFox... Attention, cependant, le compteur à brouzoufs n'explosant pas facilement, il faudra trimer pour tout choper. Heureusement, vous pouvez compter sur un nouveau mode...

Du talon à revendre

Si le scénario ne se parcourt pas en multi, on peut tout de même compter sur la Double Apothéose en vue d'adresser des giroflées. Il s'agit de se fritter dans 6 arènes à la suite, aux côtés du CPU ou d'un joueur en ligne - les notions d'entraide, il ne faudrait pas qu'un des participants meure sur le champ de bataille, et de compétition bien en tête. Les effectifs de monstres à affronter dépendent de cartes de versets débloquées durant la campagne solo. Au terme d'une joute, on récolte évidemment un peu plus de monnaie. Et c'est évidemment cool de pouvoir crâner à deux. Lorsque cela est possible. Problème de matchmaking ou absence de joueurs japonais motivés : les serveurs n'ont que trop rarement réussi à nous associer à quelqu'un. Ce qui est plutôt pénible tant ce mode se révèle gagnant-gagnant et fun. Espérons que les ricains et européens changeront la donne.

Et les draps s'en souviennent ?

J'ai beau avoir tartiné et expliqué à quel point Bayonetta 2 était exceptionnel et généreux comme peu d'autres avant lui, il reste toujours deux questions en suspens, adressées aux néophytes. Ceux du jeu vidéo d'abord : peuvent-ils envisager de s'y plonger sans trop pester ? La réponse est oui. D'une part parce que le mode tactile, au Game Pad, s'avère bien implémenté et jouable. Et parce que même en prise en mains classique, avec ce périphérique ou une manette Wii U Pro Controller, personne ne peut se sentir rejeté. La profondeur est là, l'accessibilité aussi. Ceux de l'univers de Bayonetta ensuite : est-ce que l'ambiance ou le scénario peuvent plaire à tout le monde ? C'est peut-être là le talon d'Achille de notre dame en noir. La cohérence semble avoir été jetée dans les orties. On rappelle qu'un de ses amis est un démon qui peut ouvrir un portail vers les Enfers lorsqu'il le souhaite... et elle doit se farcir tout un voyage pour y accéder et sauver l'âme de Jeanne qui y est enfermée. Admettons. Quant à l'ambiance exubérante et sans sérieux, les persos agaçants (Loki en tête) et autres relent de J-Pop ahurissante, c'est certain, ça ne conviendra pas forcément à tous les publics. Mais vous n'allez pas faire la fine bouche, si ?

Dire qu'on aurait dû ne jamais la revoir. Dire que certains ont (et vont) rechigné parce que les retrouvailles se font Wii U. Alors qu'au final, il n'y a qu'une chose à dire : merci. Oui, merci Nintendo d'avoir pu permettre le retour de la sorcière de l'Umbra dans une suite surpassant en tout point l'original. Altruiste, excitant, somptueux, difficile à lâcher (on ne cesse d'y découvrir de nouveaux éléments) : Bayonetta 2 est une référence incontestable dans son domaine, qu'il est hors de question de bouder. La sorcière est de retour, les conditions sont idéales pour l'aimer encore longtemps, sans se lasser. On espère ne plus la perdre de vue et on compte sur ses développeurs pour réussir à nous aider à entretenir la flamme à l'avenir.