Le genre du 4X (eXploration, eXpansion, eXploitation, eXtermination) est depuis longtemps dominé par la célèbre licence Civilization. Cependant, au fil des années, de nombreux autres jeux ont fait leur apparition. Chacun a tenté de se démarquer avec ses propres idées, des mécaniques uniques, des univers originaux, ou des façons de jouer différentes. Certains sont restés dans l’ombre, tandis que d’autres ont su capter l’attention des fans de stratégie. Dans ce contexte, un nouveau venu compte bien se faire une place au soleil : Ara History Untold. Développé par Oxide Interactive et publié par Microsoft, ce jeu propose une approche un peu différente du genre de la stratégie au tour par tour et des jeux 4X. Mais est-ce suffisant pour se démarquer de la concurrence ?
Dans Ara, vous commencez comme dans tout jeu de stratégie : en choisissant un leader et une civilisation à développer. Mais ce qui rend ce jeu unique, c'est la diversité de ses personnages. Oxide Games a pris le parti d'inclure des leaders variés, allant des chefs de guerre aux pionniers scientifiques et artistes. Ici, il ne s'agit pas seulement des grandes figures que l'on retrouve souvent, comme Cléopâtre, Napoléon ou Gandhi. Par exemple, l'Australie est dirigée par Howard Florey, l'un des créateurs de la pénicilline, pour souligner son influence mondiale. Parfait pour la culture générale et pour ajouter encore un peu plus de diversité.
Pour notre première partie, nous avons tout de même choisi George Washington à la tête des États-Unis. Ce dernier offre un bonus de vitesse à ses unités, bien qu’il soit militairement moins efficace que certains adversaires, mais rassurez-vous, ce n’est pas un handicap insurmontable. Car dans Ara, la puissance militaire ne suffit pas à gagner, contrairement à ce qu’on voit souvent dans Civilization. Il faut aussi marquer l'histoire et c’est là que le jeu se distingue vraiment. Conquérir des territoires est bien sûr possible, mais le véritable défi réside dans le fait de laisser une empreinte durable. Créer des œuvres d’art, ériger des monuments ou remporter des victoires culturelles est tout aussi important que de triompher sur le champ de bataille.
Un début très doux pour le nouveau joueur
Après avoir choisi votre leader, vous configurez la carte et la difficulté. Ara propose des maps prédéfinies pour ceux qui veulent se lancer rapidement, mais vous pouvez aussi les personnaliser via de nombreux paramètres comme la taille de la carte, le nombre de nations ou le type de terrain sont modulables. Même si ces options sont peut-être un peu moins complexes que dans Civilization, elles restent assez complètes.
Dès le début de la partie, un tutoriel bien pensé vous guide à travers les bases du jeu : comment déplacer vos unités, construire dans vos villes et gérer vos ressources. Parfait pour les nouveaux joueurs. L’interface utilisateur rappelle beaucoup celle de Civilization, avec ses notifications et menus sur la droite de l’écran. Ce design familier permet de prendre le jeu en main rapidement, ce qui est un véritable atout. Dans le genre 4X, souvent perçu comme intimidant, Ara sait mettre à l'aise et vous accompagne pas à pas pour que vous ne soyez jamais perdu.
Un jeu qui se distingue de la concurrence ?
L’un des aspects les plus uniques d’Ara History Untold est l’absence d’un arbre technologique classique. Contrairement à d’autres jeux de stratégie, où l’on progresse scientifiquement pour prendre un avantage décisif sur ses voisins, il s’organise autour d’ères et d’actes. Vous pouvez rechercher n’importe quelle technologie disponible dans l’ère en cours, mais une fois que vous passez à la suivante, les innovations non explorées sont définitivement perdues. Cela introduit un dilemme stratégique intéressant : faut-il progresser rapidement pour obtenir des unités plus puissantes, ou bien prendre le temps de débloquer toutes les technologies disponibles avant de passer à la suite ? Ce système ajoute également une excellente rejouabilité en encourageant une planification méticuleuse, surtout à des niveaux de difficulté plus élevés.
Comme mentionné, dans Ara la victoire ne repose pas uniquement sur la domination militaire. Le prestige est au cœur de chaque action. Que ce soit en construisant des merveilles comme la Statue de la Liberté ou la Grande Muraille de Chine, en développant votre armée ou en favorisant l’art et la culture, chaque décision rapporte du prestige. Cela change de l’approche habituelle des jeux 4X, où vous devez souvent vous spécialiser dans un domaine précis (militaire, scientifique, religieux, etc.).
Cependant, ce système de prestige présente parfois un certain déséquilibre. Lors de notre partie avec George Washington, puis Jules César, nous avons pris de l’avance rapidement en construisant des triomphes (similaires aux Merveilles dans Civilization), ce qui nous a permis de terminer avec un score bien supérieur à notre rival le plus proche. L’accumulation de prestige peut parfois sembler un peu floue, et certaines mécaniques gagneraient à être mieux expliquées pour une meilleure compréhension.
Une autre différence majeure entre Ara et son principal concurrent réside dans la gestion des tours. Dans Civilization, chaque joueur, ou IA, doit attendre son tour avant de prendre des décisions, ce qui peut rendre la fin de partie longue et parfois ennuyeuse. Ara quant à lui introduit un système de tours simultanés. Tous les joueurs, y compris l’IA, agissent en même temps, ce qui rend les parties plus fluides et dynamiques. Ce changement réduit considérablement les temps d’attente, surtout quand la partie avance, offrant ainsi une expérience de jeu beaucoup plus rapide et agréable. Mais les différences ne s’arrêtent pas là… et Ara a aussi d’autres bonnes idées à proposer.
Plus de gestion et de micromanagement
Les fans de Civilization connaissent bien le système de cases hexagonales pour agrandir son territoire. Eh bien Ara History Untold prend une approche différente en proposant une carte divisée en zones plus grandes et irrégulières, elles-mêmes subdivisées en sous-zones. Vos villes s'étendent sur plusieurs de ces zones, ce qui permet de créer de véritables mégalopoles. Chaque quartier doit être géré individuellement, en optimisant l'utilisation des ressources ou en spécialisant certains districts.
Rapidement, on voit sa civilisation se transformer et évoluer de manière tangible. Nous ne sommes clairement pas au niveau de détail et de profondeur de gestion d’un jeu comme Anno, mais Ara permet tout de même d’avoir un meilleur contrôle sur nos villes, et surtout d’y consacrer beaucoup plus de temps que dans un Civilization 6. Dans ce dernier, on a souvent tendance à simplement survoler une cité après avoir ajouté une nouvelle case dédiée à la production. Dans Ara, la gestion est plus approfondie, ce qui offre une dimension supplémentaire à l’expérience de jeu, mais cela réclame aussi d’avoir toujours un œil dessus et donc de monopoliser une autre partie de votre cerveau.
Cette gestion plus poussée se reflète aussi dans le design et la direction artistique du jeu. L’un des éléments surprenants est la possibilité d’avoir un niveau de zoom très élevé sur vos villes, vous permettant même d’admirer les foules et citoyens vaquant à leurs occupations. C’est un choix plutôt inhabituel pour un jeu de type 4X, où la vue d'ensemble est généralement privilégiée pour mieux planifier ses actions. Ici, Ara mise sur un aspect visuel immersif, qui vous permet d’apprécier le dynamisme de vos villes sous un angle beaucoup plus proche, renforçant l’attachement à vos créations urbaines.
Un sans faute technique et esthétique
Visuellement, le jeu est magnifique. Les cartes et les bâtiments sont superbement détaillés, et chaque environnement offre une expérience distincte, influençant les ressources disponibles et le gameplay. C’est agréable de voir les villes évoluer au fil du temps, surtout quand vous zoomez pour admirer les détails.
De plus, voir des milliers de petits citoyens vivre leur vie est impressionnant, même si leurs animations se répètent. C’est un ajout amusant, mais il aurait été judicieux de proposer une option pour alléger la charge graphique sur le PC, surtout pour ceux qui préfèrent se concentrer sur les mécaniques de jeu plutôt que sur ces détails esthétiques. On ne va pas chouiner, ça reste magnifique et puis quel plaisir de regarder les villes…
Rome n’est pas faite en un jour
En fait, Oxide Games a porté une attention particulière au système de construction et d’expansion des villes dans Ara History Untold. Par exemple, vous pouvez dédier une région entière à la construction d’un "Triomphe". L’expansion des villes repose sur un système de réclamations territoriales, basé sur la croissance de la population. Simple et efficace, il est cependant la seule méthode pour agrandir vos frontières. Contrairement à d’autres jeux de stratégie, il n’est pas possible d’acheter de nouvelles régions ou de construire des infrastructures pour étendre vos territoires. Cela peut vous amener à faire des choix stratégiques délicats lorsque l’espace constructible vient à manquer.
En revanche, la fondation de nouvelles villes est beaucoup plus flexible. Vous pouvez choisir librement l’emplacement de vos cités, sans contrainte liée à la proximité des autres villes. Cela permet de s’installer dans des zones stratégiques sans trop de restrictions. La gestion des routes entre vos villes est automatique, ce qui simplifie grandement le processus. Toutefois, certains joueurs auraient sans doute préféré avoir plus de contrôle sur le tracé des routes pour optimiser leurs réseaux et infrastructures, comme c’est notamment le cas dans le très bon Humankind.
Le jeu impose également un plafond souple sur le nombre de villes que vous pouvez posséder et qui augmente en fonction des avancées technologiques et du type de gouvernement que vous adoptez. Chaque gouvernement apporte ses propres avantages, tels que la possibilité de définir un taux d’imposition qui influe directement sur la richesse et la qualité de vie de vos citoyens. Le système de qualité de vie englobe plusieurs indicateurs, comme le bonheur, la sécurité et l’éducation. Si vous dépassez le nombre de villes autorisées, ces indicateurs chutent légèrement. Cependant, il est parfois avantageux d’accepter cette baisse temporaire pour développer un empire plus vaste et renforcer votre domination. Eh oui, il est question de choix. Toujours.
L’art de la Guerre
Le système militaire d’Ara History Untold est assez classique, mais il fonctionne bien. Vous construisez vos unités, et elles se battent sur la carte en infligeant des dégâts à leurs adversaires. Un petit bonus sympathique : après chaque bataille, vous pouvez visionner une vidéo de l’affrontement, un ajout visuel agréable qui montre une fois de plus à quel point Ara a mis l'accent sur les détails. Cependant, ce système de combat n’est pas sans défauts.
D’abord, les unités sont très petites sur la carte, ce qui rend leur suivi difficile et limite la visibilité. Ensuite, une fois déployées, il est impossible de les retirer sans les dissoudre, ce qui entraîne une perte de ressources et sur ce point, Civilization fait mieux en offrant plus de flexibilité. De plus, l’absence de mise à niveau des unités est un vrai handicap. Par exemple, un archer restera un archer, sans possibilité d’évoluer vers une unité plus puissante. Cela simplifie trop la partie militaire, qui manque de profondeur et d’options stratégiques. Même si le combat est fonctionnel, il aurait pu bénéficier d'une meilleure conception pour offrir plus de variété et de tactique.
Le système religieux dans Ara History Untold suit un peu le même schéma que le militaire : une bonne idée, mais qui manque de profondeur. Vous fondez une religion en construisant des bâtiments spécifiques ou des Triomphes, puis vous sélectionnez des "Versets religieux" qui apportent des bonus à vos citoyens. Certains sont très puissants, comme ceux qui augmentent la production ou accélèrent la croissance des villes. Cependant, après cette étape, l'interaction avec ce système devient limitée.
Quelques faiblesses
La propagation de la religion repose sur une formule assez floue, et il est difficile de prédire comment elle va se diffuser. Cela rend la gestion religieuse assez frustrante, pas assez profonde. Bien que les bonus offerts soient intéressants, le système en lui-même manque d’éléments engageants pour qu'il soit réellement satisfaisant. Il est d’ailleurs pratiquement impossible, comme ce fut le cas dans nos différentes parties, d’obtenir une victoire 100 % religieuse. C’est regrettable, car le concept avait un vrai potentiel.
L'IA a aussi un comportement imprévisible en termes de diplomatie. Elle déclare parfois la guerre de manière aléatoire, même à des factions avec lesquelles elle n’a pratiquement aucune interaction. Dans certains cas, ces factions ennemies sont tellement éloignées qu’elles n'ont même pas le temps d'envoyer des troupes avant la fin du conflit. Ce type de comportement montre que l’IA dans Ara History Untold nécessite encore des ajustements pour offrir une expérience plus cohérente et équilibrée, mais dans l’ensemble, rien de catastrophique et le challenge est bel et bien présent.
Surtout que les possibilités de victoires sont nombreuses. Et l'une des plus exaltantes repose sur la culture. En effet, la dimension culturelle joue un rôle clé dans l'accumulation de prestige. Contrairement à d'autres jeux 4X, il n'y a pas de victoire culturelle isolée. Chaque action, qu'il s'agisse de créer des œuvres d'art ou de mener des conquêtes militaires, influence directement votre prestige.
Vous pouvez cependant choisir de faire briller votre civilisation en développant la culture. Pour cela, il suffit de débloquer des conseillers capables de produire des chefs-d'œuvre, qui viennent enrichir le prestige de votre nation. Ces précieuses créations peuvent également être récupérées auprès de nations disparues, un peu à la manière d'un musée. C’est un mécanisme subtil et particulièrement bien pensé qui rend la stratégie culturelle aussi captivante que les autres approches. C’est diablement intelligent.
Pour être clair, Ara History Untold a un énorme potentiel, mais n'atteint pas encore tout à fait les objectifs qu'il s'était fixés. Cependant, l'avenir du jeu s'annonce prometteur. Les bases sont très solides et il ne manque finalement pas grand-chose pour que l’élève dépasse le maître (Civilization). Le jeu propose une base robuste qui ne ne réclame pas un gros travail de fond pour devenir un must-have du genre.