Fort du succès de The Dark Descent, la série Amnesia s’offrira deux autres opus, dont la réception sera mitigée, pour enfin déboucher sur The Bunker en 2023. Après 13 années à mijoter dans son jus et à se reposer sur la même recette, est-ce que le jeu de Frictional Games a les arguments et suffisamment d’atouts pour tirer son épingle du jeu et se faire une place au soleil parmi la myriade de gros titres prévus cette année ? Oui et non.

Horreur au cœur de la guerre

Comme pour le précédent, la guerre est au cœur de ce nouvel opus. Bien plus présente cela dit puisque cette fois on incarne directement un soldat pendant la première guerre mondiale. Après avoir survécu de justesse à une attaque dans les tranchées, notre brave homme se retrouve capturé et enfermé dans un complexe souterrain ennemi. À son réveil, il n’y a évidemment plus personne, ou presque. Les lieux semblent avoir été désertés dans la précipitation, des cadavres nous font savoir que quelque chose ne tourne pas rond et l’on sera d'ailleurs rapidement fixé puisqu'après quelques minutes à errer, une bidasse servira de repas à une créature de l’ombre sous nos yeux. Le décor est planté, la chasse a commencé et l’agneau, c’est nous.

Contrairement aux autres opus qui avaient parfois tendance à laisser monter la pression, Amnesia the Bunker fait le choix de nous balancer directement dans le vif du sujet. En une poignée de minutes seulement, on passera d’une intro au cœur d’un champ de bataille ultra limité par la technique vieillissante du moteur du jeu et un manque cruel de moyens ou d’inspiration dans sa mise en scène, à des couloirs sombres et lugubres qui vont devenir notre terrain de jeu durant quelques heures. C’est catapulté, voire même jeté par-dessus l’épaule, mais on est rapidement fixé. Alors, certains diront que la mise en bouche est sympa, mais pour ma part, j’ai surtout eu l’impression que le studio ne savait pas vraiment comment planter son décor. On se sent juste balancé dans la fosse et dans la mesure où ni la technique, ni le gameplay vieillissant n'arrivent à nous offrir de bonnes sensations, on a tendance à partir un peu du mauvais pied.

Amnesia The Bunker
Il y a aussi quelques vermines qui trainent

La peur au ventre

C’est donc avec de gros doutes au bord des lèvres et sans aucune conviction que j’ai commencé à arpenter les tunnels de ce fameux bunker. Sur le papier, l'objectif est simple puisqu'il faut simplement sortir de là, et en prime, la sortie est juste sous notre nez. Mais dans les faits, c’est une autre histoire. En réalité, le jeu va nous demander d’arpenter ces entrailles souterraines à la recherche d’outils qui nous permettront de libérer le chemin. Nous cherchons alors un détonateur et un peu de poudre pour faire exploser la sortie. Seulement voilà, il n’y a absolument aucune aide visuelle, le bunker est plongé dans un noir quasi absolu, et il va falloir se débrouiller seul. Autant vous dire qu’il va falloir un sens de l’orientation en béton armé pour vous en tirer. La seule carte disponible est collée sur un mur dans une pièce sécurisée faisant office de hub, et les objectifs sont griffonnés sur un journal dans les menus.

Une excellente chose pour l’immersion, il n’y a pas à dire, on est rapidement happé par l’ambiance. Aussi vite que le jeu m’avait jeté dans la mêlée, je me suis retrouvé à trembler en longeant les murs à la recherche d’indices et à suer au moindre bruit. À cet égard, Amnesia excelle. Plus que dans n’importe quel autre jeu du genre, le sentiment d’insécurité est omniprésent, la solitude également. Et ce, même dans ce fameux hub qui permet de souffler entre deux escapades dans les couloirs. On y trouve de quoi ranger du matériel, une carte des lieux et un générateur, notre plus grand allié. Il faudra d'ailleurs en prendre soin et s’assurer de son approvisionnement en carburant. Il est le seul à pouvoir nous garantir la vie sauve lors de nos expéditions puisqu’il porte absolument toute la gestion de l'électricité du complexe sur ses épaules. Sans électricité, non seulement certaines machines ne fonctionnent pas, mais surtout, il n’y a pas de lumière, et sans lumière, n’espérez même pas survivre.

Amnesia Isolation

Amnesia reste Amnesia et avant de venir titiller vos nerfs avec des monstres, c’est bien avec votre peur du noir que le jeu joue. Dans The Bunker, c’est peut-être même pire que tout puisque l’on est pratiquement tout le temps dans la pénombre, voire même le noir complet. On a bien une petite lampe de poche façon dynamo entre les mains pour éclairer à quelques mètres devant nous, mais comme l’utiliser fait un bruit à réveiller les morts, on a tendance à éviter de s’en servir à tout bout de champ. C’est donc à tâton que l’on explore la plupart du temps, en se repérant avec les quelques lumières de secours survivantes au black-out. Croyez-moi, la partie de plaisir n’est que de très courte durée puisqu’on se perd très facilement, tous les couloirs se ressemblent et puis bon, oui, ça fait flipper. On entend grogner, gratter, courir… quelque chose nous traque. Et je ne parle pas des quelques vermines qui se baladent et qui viendront vous attaquer à l’occasion.

Non, je parle d’une vraie bestiole là, une créature que l’on a clairement pas envie de croiser. Une saleté au comportement qui m’a instantanément fait penser à l’Alien dans Alien Isolation. Un monstre capable d'arpenter des conduits dans les murs, de nous tendre des embuscades à la moindre ouverture et qui peut aussi nous chasser pendant de longues minutes en fouillant les planques. Ici encore, Amnesia réussit haut la main sa mission : nous faire suer. D’autant plus que si être silencieux est un peu la base du projet, c’est surtout impossible. Impossible puisque le bunker est dans un sale état et que l’on doit composer avec. Entre les explosions du champ de bataille au-dessus de notre tête qui font un bruit monstre et excitent la créature, et les actions que l’on devra accomplir pour se frayer un chemin dans les couloirs infinis, ce n’est clairement pas une promenade de santé. En prime, on est totalement laissés pour compte.

Une porte est fermée ? À nous de trouver un moyen de l’ouvrir. Un chemin est bloqué ? À nous de chercher une solution. Et c’est comme ça pour tout. Ce qui est remarquable en revanche, c’est qu’il existe toujours plusieurs solutions. Pour une porte fermée par exemple, on peut tirer une balle dans le cadenas, la faire sauter avec de la poudre et un peu de feu, une grenade ou autre, ou alors trouver la clé. À vous de choisir, mais réfléchissez bien puisque les ressources sont très précieuses et parfois les prises de risque ne sont pas très utiles. On notera d’ailleurs que pour la première fois dans la licence, nous avons une arme constamment entre les mains. Le hic, c’est qu’il faut un bac +3 pour l’utiliser malgré l’expérience qu’a notre troufion pour le combat (normalement). J’entend par là que le simple fait de le recharger est une torture. Il faut saisir l’arme et y insérer les balles une à une avec autant de pression de touche qu’il y a de munitions. Ca n’est finalement pas très agréable et l’immersion n’en est pas renforcée pour autant. Comme si l’utilisation chaotique de l’arme et sa visée plus que médiocre ne suffisaient pas, les munitions sont en plus ultra-limitées. Le revolver sera toutefois très utile pour de multiples choses, notamment pour repousser les assauts de la créature qui vous traque.

Utile, mais loin d'être agréable à utiliser.

La recette Amnesia, c’était bien, il y a dix ans

Il n'y a pas à dire, Amnesia: The Bunker est redoutable d'efficacité et très ingénieux. L'ambiance, la bestiole qui nous traque en permanence et ses fourberies, sans oublier le fait que l'on est livré à nous-mêmes pour tout et tout le temps, c'est super. Le hic, c'est que le jeu est aussi très (trop) vieillot. Et ça se ressent instantanément dans son gameplay qui n'a absolument pas changé depuis 2010. On peut interagir avec absolument tous les objets, quitte à défier la physique élémentaire, et on nous demande toujours de mimer les actions, même les plus simples, histoire de rendre le tout "immersif" et plus "lent" que les jeux habituels.

Seulement voilà, si ouvrir une porte en maintenant une touche et en faisant un mouvement d’ouverture à la manette ou à la souris était amusant il y a 10 ans, depuis les choses ont évolué et on a vu mieux dans le genre. Ici, c’est presque une torture, d'autant que le moteur physique fait ce qu'il veut en général. Du coup, on perd beaucoup de temps pour pas grand-chose, surtout si vous avez la bonne idée de jouer à la manette (ce qui est obligatoire sur console évidemment). Je vous laisse imaginer que lorsque c’est la panique à bord, la moindre interaction se transforme alors en un ennemi à part entière. C’est voulu, rigolo lorsqu'il faut explorer et retourner tous les objets que l’on croise, mais le gameplay n'a vraiment rien d’instinctif. Un comble pour un jeu qui s'en joue.

Malgré tout, il est possible de passer un bon moment sur cet Amnesia, d’autant que l'aventure ne sera pas bien longue. En réalité, cela dépendra de votre capacité à comprendre les objectifs et à les remplir. Le jeu peut aussi bien être torché en moins de 5 heures, comme en dix. Ça dépend de chacun. Après, il va falloir composer avec un level design labyrinthique et des décors qui se répètent sans cesse, bunker oblige. L’ambiance est là, ça il n’y a pas. Le sound design fait un excellent travail et assure l'immersion. Nos rétines ne sont pas bien gâtées, la technique fait parfois peine à voir et la pénombre omniprésente fait aussi office de cache-misère, mais disons que c’est suffisant.