Microids poursuit son entreprise de remettre au goût du jour les classiques de son catalogue. Cette fois, l’éditeur français ravive les souvenirs des amateurs de point & click en proposant une revisite modernisée de Syberia, l’œuvre culte de feu Benoît Sokal.
L’univers de l’Amerzone revient en force cette année. Après le remake du jeu éponyme en avril 2025, Microids s’est attelé à un remaster du tout premier Syberia, disponible depuis le 6 novembre dernier sur PC, Xbox Series X|S et PS5. Nous avons alors sauté sur l’occasion de rechausser les bottes de Kate Walker sur la console de Sony avec deux questions en tête : le voyage à la rencontre des automates est-il toujours aussi captivant ? Le passage sous le moteur Unity a-t-il redonné un vrai coup de jeune à ce titre vieux de 23 ans ? Au terme de notre partie, on peut vous dire que le charme opère toujours, mais la machine n’est pas aussi bien huilée qu’on aurait pu l’espérer.
Syberia Remastered déroule une histoire qui n’a pas pris une ride
D’abord, il faut savoir que l’histoire originale n’a pas bougé d’un pouce dans cette refonte. Kate Walker, avocate de profession, est envoyée à Valadilène pour signer la vente d’une manufacture locale au profit d’un de ses clients. Sauf que, manque de chance, la patronne, Anna Voralberg, décède juste avant son arrivée. Mais un retournement de situation va évidemment chambouler les plans de l’héroïne. Ni une, ni deux, on embarque avec elle pour un périple vers l’inconnu à bord d’un train dirigé par un automate, l’attachant et pointilleux Oscar. Une histoire haute en couleur et surtout palpitante.

La plume de Benoît Sokal, disparu en 2021, traverse avec toujours autant de finesse le récit de ce premier Syberia. Issu du milieu de la bande dessinée, l’auteur savait manier l’humour et une pointe d’ironie provocatrice au mystère et à l’aventure. On passe des moments contemplatifs aux séquences remplies d’action avec un rythme maîtrisé. Pendant les 8 à 12 heures pour dérouler l’histoire, on se prend inévitablement au jeu avec la curiosité de savoir où les pas de Kate Walker nous mèneront ensuite.
Bien sûr, jouer à Syberia Remastered en 2025 c’est aussi accepter des rebondissements grandiloquents, absurdes même parfois, mais tellement typiques des point & click d’antan. Qu’on découvre le jeu aujourd’hui ou qu’on s’y replonge des années après la version originale, l’histoire est toujours aussi dépaysante, preuve que les bons récits traversent le temps sans prendre une ride. Alors, une fois cette première aventure bouclée, on a une seule envie : découvrir la suite (peut-être avec un autre remaster ?).

Un gameplay modernisé qui dynamise Syberia Remastered
Puisque Microids a plutôt opté pour le remaster que le remake avec cette revisite de Syberia, le gameplay s’en trouve modernisé sans pour autant changer du tout au tout. Les plans fixes gagnent par exemple en souplesse, suivant les déplacements de Kate Walker sans pour autant passer à une vue à la troisième personne plus classique. Cet entre-deux permet de conserver un certain charme du genre, mais on sent que la transition n’a pas été simple. La caméra se perd occasionnellement dans l’espace et le passage d’un écran à l’autre peut être brut. Un premier indice sur les quelques failles techniques du jeu.

Syberia Remastered témoigne d’un potentiel qui aboutit souvent maladroitement. Typiquement, les déplacements de Kate sont d’une lourdeur persistante sur console. Si au clavier/souris il suffit de cliquer sur un point de la map pour qu’elle s’y rende, à la manette il faut la diriger au stick et ce n’est pas toujours une mince affaire tant les allers-retours sont nombreux. Les environnements, que ce soient les rues, les quais de gare ou une fameuse base spatiale, paraissent finalement trop larges pour se déplacer confortablement.
De même pour la partie « pointer-cliquer ». Syberia Remastered manque d’un léger peaufinage qui aurait pourtant permis de rendre l’expérience plus agréable manette en main, mais le fait de pointer au stick manque parfois de précision. Ce n’est pas le cas en permanence, mais il arrive qu’on tombe sur un point flottant dans l’espace avec lequel interagir, pour effectuer une action ou passer à une autre zone, et qu’il faille se placer au pixel près pour pouvoir l’activer.

Pour autant, ne passons pas à côté des ajouts qui font du bien à l’expérience. Syberia Remastered adopte par exemple le système de sauvegarde automatique, ce qui garantit de ne pas perdre son avancement au cas où on quitterait trop vite la partie. L’interface se modernise également, plus lisible qu’auparavant. On a aussi droit à une brève mise à jour des objectifs à l’écran quand on effectue une action qui fait avancer l’histoire, un bon moyen de nous indiquer qu’on est sur la bonne voie.
Cela dit, la meilleure nouveauté concerne surtout l’inventaire. Les différents items sont maintenant rangés par catégories et, surtout, on peut enfin user de ceux dont on a besoin directement en interagissant avec un élément de décor. Difficile de ne pas se dire qu’un remake aurait permis de pousser le curseur des nouveautés plus loin, mais l’aspect remaster a tout de même permis d’offrir au jeu d’Aurélien Lévêque et Benoît Sokal un petit coup de polish pour intégrer des mécaniques davantage dans l’air du temps.

Encore plus beau, mais pas assez huilé
Visuellement, Syberia Remastered sublime étonnamment bien l’œuvre originale. Le passage à Unity a été l’occasion de retravailler les environnements et de proposer des textures beaucoup plus convaincantes. Le style si particulier de ce premier opus, entre steampunk et art nouveau, resplendit sous les nouveaux effets de lumière. Kate et les personnages profitent également de modèles plus travaillés, dont seules les animations rigides nous rappellent qu’ils viennent d’une autre époque. Ainsi, de la mélancolique bourgade de Valadilène à la grande université de Barrockstadt, on se sent hors du temps, dans un monde entre deux âges encore plus séduisant en 2025.

Même sur le plan sonore, cette version de Syberia magnifie le travail de 2002. Les morceaux d’Inon Zur, compositeur qu’on retrouve la licence jusqu’à The World Before, ont bénéficié d’un soin tout particulier pour sonner encore plus joliment aux oreilles des joueurs de 2025. Je tire aussi mon chapeau au doublage, parfaitement remastérisé pour servir au mieux les performances du casting de l’époque. Quel plaisir d’entendre Françoise Cadol - notre Lara Croft nationale - en tant que Kate Walker, donnant la réplique à Luc Gentil dans le rôle de l’automate Oscar ou encore à l’inénarrable Marie Vincent, qu’on connaît surtout comme Fran dans Une Nounou d’enfer. Même si le jeu d’acteur est très ancré dans son époque, parfois surjoué, il est toujours aussi efficace aujourd’hui.

Seulement, le remaster de Syberia connaît aussi ses limites. Quelle surprise notamment de découvrir que toutes les cinématiques n’ont pas connu de refonte. Microids a fait le choix de conserver les vidéos d’époque, avec les anciens graphismes et les aberrations chromatiques qui les accompagnent. Plus surprenant encore, certaines s’affichent en 16:9, mais d’autres en 4:3. Est-ce une volonté ou est-ce dû à des contraintes techniques ? Difficile à dire. Mais le contraste est saisissant avec les graphismes modernes des séquences de gameplay. Quel dommage de ne pas les retrouver dans ces passages, qui pourraient pourtant nous subjuguer si cela avait été le cas.
L’expérience comporte aussi des « coquetteries de fonctionnement ». Cette jolie tournure trouvée par Oscar pour parler de « bugs » se traduit ici par des interactions qui ne fonctionnent pas ou une ligne de dialogue qui bloque la suite. Heureusement, il est très simple de recharger sa partie, en espérant simplement que la dernière sauvegarde automatique ne soit pas trop lointaine. On peut aussi relever les nombreux murs invisibles, souvent symbolisés par un élément de décor, qui peuvent rendre l’exploration frustrante.
En contrepartie, Syberia Remastered a le mérite de proposer deux modes d’affichage sur PS5. Si le mode Qualité est appréciable pour profiter de graphismes plus fins avec un framerate à 30 FPS, le mode Performance soulage un peu les sensations de lourdeur grâce à un affichage à 60 FPS. Malgré tout, difficile de ne pas se dire qu’un véritable remake aurait sans doute permis d’aller plus loin dans la technique pour éviter certains de ces désagréments.