Don’t Nod s’est mis à l’édition ! Cela ne vous aura pas échappé, les créateurs de Life is Strange ne se contentent plus de leurs productions maison. Après Gerda en 2022, ils enrichissent leur catalogue tiers d’une aventure elle aussi hivernale et emplie de poésie : Koira, un conte interactif qui a du chien, vous pouvez me croire !
Avis aux amateurs d’aventures narratives et artistiques ! Avec le soutien de Don’t Nod, les équipes de Tolima sortent aujourd’hui Koira. Misant beaucoup sur sa direction artistique, cette histoire d’amitié entre une jeune fille perdue dans les bois et un chiot plein de malice promet de vous émouvoir. Entre onirisme et gameplay minimaliste, que vaut cette première production du studio bruxellois ? Dispo sur PC et en exclusivité console sur PS5, c'est sur cette dernier qu'on a pu le tester. Voici notre verdict.
L’histoire d’un chien et quelques notes de musique
Koira ne commence peut-être pas par « il était une fois », mais il a tout le charme d’un conte. On y incarne une jeune fille qui s’apprête à vivre un voyage inoubliable au milieu d’une forêt enchantée pleine de mystères et de dangers. Perdue loin de chez elle, la peur et le désarroi l’envahissent jusqu’à ce qu’elle croise la route d’un jeune chien pris dans le piège de chasseurs. En sauvant l’animal, et si c’était elle qu’elle sauvait finalement ? C’est en tout cas tout le message de ce titre où ombre et lumière se livrent un combat silencieux au milieu des bois.

Koira brille par sa capacité à nous faire éprouver des émotions contrastées. Qui a déjà partagé sa vie avec un animal ne pourra que comprendre les sourires et l’attendrissement qu’ont fait naître en moi toutes les petites parenthèses en compagnie de ce jeune chiot. D’ailleurs, à vous de lui trouver un nom si vous le souhaitez. De fait, « Koira » n’est pas un sobriquet mais veut simplement dire « chien » en finnois. Toutefois, il ne faudrait pas oublier dans quelles circonstances nous avons fait la connaissance de notre jeune ami. Ce piège n’était que le signe avant-coureur d’une menace plus oppressante qui nous attend au cœur de ce décor enneigé. Tolima fait alors croître la tension crescendo, ponctuant notre parcours de rencontres aussi amicales qu’hostiles.

Tout bon conte se doit après tout de faire de la forêt le terrain propice à l’émerveillement comme au cauchemar. C’est cette dualité qui fait la force de Koira. Le jeu est empreint de poésie, jonglant entre tableaux oniriques où prennent vie les rêveries lumineuses de notre héroïne, tandis que le retour à la réalité se veut plus sombre face au danger qui rôde. Les braconniers qui patrouillent dans ces bois prennent la forme d’ombres aux griffes acérées, prêtes à fondre sur notre jeune ami insouciant. Mais, sous le coup de la menace, notre protagoniste se trouvera une force insoupçonnée qu’il faudra aussi savoir réfréner quand cela est nécessaire. C’est finalement un récit initiatique qui se dessine sous nos yeux et à nos oreilles.
Car, oui, la musique occupe également une place prépondérante dans cette aventure. Plus qu’un accompagnement, elle fait partie intégrante de l’univers. Ainsi, les notes se substituent à la parole pour communiquer avec le chiot ou les êtres autours, comme une sorte de langage universel. Pour avancer, il n’est pas question ici de trouver le bon mot, mais de parvenir à entrer en résonance avec notre compagnon et notre environnement. C’est ainsi un message tout en poésie que Tolima déploie sur les 3 à 4 heures de jeu de Koira. Avec justesse, le studio nous fait comprendre d’autant mieux alors la place de ce titre dans le catalogue de l’éditeur Don’t Nod, dont l’art de la narration a fait toute la réputation.

L’art d’un gameplay minimaliste
Koira prouve que simplicité rime avec efficacité. Son gameplay minimaliste repose sur l’association de trois touches. Elles correspondent à trois commandes essentielles : le déplacement, l’interaction physique et la production de notes musicales. Pas besoin de plus ! Ce dépouillement sert de manière réfléchie chaque mise en situation pour un ressenti immédiat.
Koira a été conçu comme une expérience qui grandit au fil de l’aventure. Notre rapprochement avec le petit chiot, un peu à la manière de qu’on a pu connaître l’an dernier avec Neva, est au cœur de l'histoire et va permettre de se sortir de plus en plus de situations. L’aventure commence en douceur par des moments de promenade, véritables bulles de gaieté dans ce périple hivernal. On prend le temps de jouer avec le chien, à « va chercher » ou à cache-cache, pour renforcer nos liens avec lui. Puis, on continue notre progression pour tomber sur de petits puzzles offerts par les statues qui habitent cette forêt. Très simples à résoudre, ils participent du charme des lieux. On peut même dire qu'ils amplifient l’atmosphère magique qui y plane avant que tout ne s'emballe.

De fait, plus vous avancerez, plus les dangers se feront grands. C’est alors que Koira vous surprendra avec quelques séquences d’infiltration, n’hésitant pas à délaisser la vue du ciel pour une vue de côté, voire des courses poursuites. Dans ces moments-là, ce que vous aurez appris en jouant avec votre jeune compagnon sera mis à profit pour mieux vous cacher et échapper aux ennemis qui veulent — littéralement — votre peau. Comme bien d’autres titres d’envergure avant lui, la création de Tolima fait dans la pédagogie pour vous enseigner des mécaniques que vous aurez besoin d’employer dans des séquences plus intenses et ça fonctionne toujours aussi bien !
Enfin, je dois dire que j’ai eu un coup de cœur pour la manière dont ce gameplay épuré sert la narration et la contemplation. Un tel minimalisme ne plaira pas à un public qui aurait besoin d’une expérience frénétique et dense. Mais, si l’on sait faire abstraction du besoin d’aller toujours plus vite et plus fort, alors on ressentira toute la beauté de cette promenade en forêt au bout de ces trois seules touches sur lesquelles reposent les mécaniques. Voir les deux personnages s’amuser et explicitement ressentir de la joie nous procure les mêmes sensations. Quant aux phases méditatives, peut-être longuettes il est vrai, elles contribuent là encore à nous faire prendre conscience que c’est lorsqu’on prend le temps pour apprécier le moment qu’on s’épanouit certainement le plus.

Je regrette tout de même un manque de clarté dans le level design de Koira. Le chemin est globalement balisé tout du long, mais il arrive qu’on ne sache pas spontanément dans quelle direction s’avancer. C’est plus frustrant que véritablement handicapant. Mais, dans les séquences où l’urgence l’emporte sur le temps d’observation, les environnements auraient mérité d’être lisibles plus rapidement. C’est là que transparaît la difficulté à trouver l’équilibre entre la pâte artistique et la jouabilité.
L’art comme vecteur de sens dans Koira
Pour bâtir Koira, Tolima confesse avoir puisé ses influences parmi des chef-d’œuvres comme Gris et Journey. À ce titre, c’est une aventure narrative qui ne se vit pas uniquement par son gameplay. Son sens artistique a tout autant d'importance. D’ailleurs, Don’t Nod a voulu mettre en avant le style de son nouveau poulain dès son annonce. Le studio a effectivement fait le choix encore audacieux de nos jours d’opter pour des dessins en 2D réalisés entièrement à la main qui rendent les visuels d’autant plus palpables.
Ajoutez à cela un sens expressif parfaitement maîtrisé, donnant ainsi vie à nos personnages et leur environnement d’une merveilleuse façon. Leur bonheur, leur inquiétude, leur tristesse aussi, tout transparaît parfaitement aux yeux des joueurs. Sans besoin d’utiliser un seul mot, c'est une petite prouesse de la part de Studio Tolima.

C’est alors que la musique vient renforcer l’atmosphère générale et les émotions qui se dégagent selon les séquences. Chaque personnage trouve sa voix par un instrument, donnant ainsi à chacun une personnalité audible. La jeune fille s’exprime par une clarinette, tandis que le chiot communique par les sonorités d’un hautbois. Et pour faire écho à leur statut, le son des braconniers n’est autre qu’un cor de chasse. Ce sont des choix non seulement significatifs, mais qui donnent d’autant plus vie à l’ensemble.
Enfin, la partition proposée par Tolima s’enrichit d’une tonne d’autres pièces. Toutes ensemble, elles donnent corps à cet environnement par la musique. Plus encore, le sound design en lui-même, que ce soient les bruits de pas ou le chant des oiseaux, s’accorde avec la bande-originale pour rythmer notre aventure et renforcer l’impact des séquences aussi bien contemplatives que d’action. L'ambiance sonore apparaît alors comme le véritable point d’orgue du jeu. Je vous le garantis, vous aurez tout de suite envie d’ajouter la bande-son de Koira à votre playlist.