2014 année noire. Après l'exceptionnel millésime 2013, 2014 devait être l'année de l'affirmation de la supériorité des consoles next-gen et, au contraire, elle devint celle de tous les doutes et de pas mal d'angoisses (on fera l'impasse ici sur toutes les disputes intra-utérines et autodestructrices du jeu vidéo). Que sont donc devenues nos PS4 et Xbox One sinon des PC de salon ? Nous l'expliquons en détail ici. L'année avait pourtant drôlement bien commencé avec Tomb Raider remasterisé (Definitive Edition) et inFamous : Second Son. Coup sur coup les 2 jeux impeccables faisaient bien la démonstration de la surpuissance des consoles next-gen, et en l'occurrence de la PS4 d'abord.

Et puis patatras, tous les blockbusters du deuxième semestre sont devenus des nids à bugs et à handicaps techniques. Après un tel fiasco collectif, il ne reste plus qu'à espérer que les éditeurs se ressaisissent et décident d'arrêter de faire payer à leur clientèle les frais de leur obsessionnel "tous en ligne" à n'importe quel prix. Avant de vanter les mérites des modes coopératifs online, les jeux feraient mieux de s'assurer d'être d'abord plus coopératif avec le joueur/consommateur chez lui devant son écran. L'admiration générale de 2013 est passée, en 2014, à la consternation. En 2015, il faut que cela change.

Mon TOP 3 de 2014

  1. Destiny
  2. P.T. Silent Hills
  3. Monument Valley


Oui, non, non, oui et oui. OUI, tout le monde le reconnait, Destiny n'est pas exactement le jeu annoncé à coups de millions de dollars marketing. NON, en effet, Destiny n'est pas vraiment un MMO au sens traditionnel complet et, malgré l'énorme partition musicale qui voudrait le faire croire, Destiny n'est pas NON plus le Star Wars du jeu vidéo. Mais, OUI, Destiny est un des jeux les plus impressionnants et les mieux réalisés du monde. Et, OUI, Destiny est un FPS contemplatif prestigieux au gameplay si fignolé qu'il retient indéfiniment dans son orbite n'importe quel joueur prêt au décollage. Il y a dans l'expérience physique de Destiny un mystère qui supplante les explications et qui passe (tant mieux au fond) par le plaisir pur de jeu. Pour apprécier les progrès du travail de Bungie en 13 ans il suffit de relancer l'excellente remasterisation des Halo sur Xbox One.

Quoi P.T. n'est pas un jeu mais un... teaser jouable (Playable Teaser) entre "démo" et pub ? Vraiment ? Et si on changeait de formulation ? Et si P.T. était en réalité un vrai préambule narratif à Silent Hills ? Une espèce de chapitre zéro offert en avant-première (hypothèse détaillée ici) ? Quelle que soit la lecture des intentions derrière ce prototype inédit, le fait reste qu'il s'agit d'un jeu complet avec un début, un fond et une fin, ouverte, certes, mais quoi de mieux pour stimuler l'imagination ? Et puis surtout quelle leçon de game design minimaliste, quelle science de l'ambiance, de la mise en abîme du jeu et du joueur. En bref le malicieux Hideo Kojima et le cinéaste Guillermo del Toro ont réussi un coup de maître là où personne ne les attendait pas. La Dualshock 4 en tremble encore, et pour longtemps.

Dans la scène indé de plus en plus libérée mais aussi trop souvent repliée sur ses hommages au jeu vidéo d'hier, les temples mystérieusement design de Monument Valley imaginés par Ken Wong https://www.kenart.net sèchent toutes les autres inspirations et aspirations sur iPad (puis Android) comme le Journey de Jenova Chen avait coupé le souffle à la génération PS3. Bien plus qu'un jeu d'énigmes architecturales, Monument Valley est un voyage initiatique au coeur du jeu vidéo.

Dans cette année de transition technologique laborieuse, ces 3 réussites conceptuelles, techniques et artistiques réussissent à entrainer le joueur à la fois plus loin et plus profondément en lui qu'il n'avait jamais été auparavant.

J'ai également aimé : Malgré les craintes de pure exploitation mercantile, les rééditions remasterisées toutes plus efficaces les unes que les autres ont finalement pris la vedette à tous les pseudos inédits commercialisés avec tant de hoquets. Avec en premier chef le duo de Metro Redux (pour le coup définitivement exceptionnels) suivi dans le désordre, parce que tous indispensables sous cette forme de : The Last of Us, Fez, le totalement refait sous Unity et à nouveau magnifique : Oddworld New 'N' Tasty, Grand Thet Auto V et son mode vue subjective qui change toutes les perspectives, Halo : The Master Chief Collection devenu musée vivant... Derrière l'exceptionnel chapitre additionnel Left Behind de The Last of Us et les incontournables DLC Tombeau Sous-Marin de Bioshock Infinite qui renvoient dans Rapture (en passant par Paris !), avouons des coups de coeur durables pour le brouillon mais stimulant Sunset Overdrive sur Xbox One, inFamous : Second Son qui reste la meilleure proposition de monde ouvert next-gen en 2014 et Call of Duty : Advanced Warfare qui, mine de rien, a fait sa révolution technologique et thématique. Pour autant de mauvaises que de bonnes raisons, le controversé Paris révolutionnaire d'Assassin's Creed Unity ne quittera plus jamais nos souvenirs.

Mon FLOP de 2014

Nintendo et son catalogue bégayant.


Cela peut paraître paradoxal, voire provoquant ou insultant de l'écrire au moment où une majorité du lectorat français du jeu vidéo semble décider à plébisciter cette année la Wii U à partir d'une poignée de jeux aux principes pourtant essoufflés (Donkey Kong Mario Kart... 8, le gauche-droite Smash -Pim-Bam-Boum- Bros 3DS/Wii U), et où les Game Awards américains nomment Nintendo "Meilleur développeur de l'année"... Mais si on regarde vraiment de près, tous les jeux édités par Nintendo (Wii U comme 3DS) ne sont plus que de l'exploitation de fond de catalogue et donc de gameplays éprouvés mille fois (Pardon ? Le Tamagotchi Life où le bonheur = €€ ne se résume pas à une version HLM triste du bucolique Animal Crossing ?).

Même la très racoleuse et donc hyper médiatisée Bayonetta 2 arrive sur Wii U plus par nécessité financière que par exigence créative (obliger Platinum Games, le seul studio japonais à tomber régulièrement des inédits sans faire de suites, à rejouer en exclusivité une partition déjà joliment exécutée en 2009, n'est pas du meilleur goût, comme de transformer Link en Dynasty Warrior ou de rater le retour du mythique Yoshi's Island sur 3DS).

En 2014 Nintendo, l'ancien éclaireur et novateur du jeu vidéo, n'aura été - comme l'essentiel du jeu vidéo japonais perdu dans les suites et rééditions laborieuses - que l'ombre de lui-même.