A l'image d'un Rule of Rose qui a défrayé la chronique, les jeux qui appartiennent à cette catégorie sont sans conteste les plus dérangés du genre, mais aussi les plus terrifiants, car ils font davantage appel à la part sombre de chacun. Cela a pour conséquence d'exacerber la peur latente générée par ces titres - puisqu'ils s'appuient sur des référents plus intimes -, mais cela leur permet également de supporter plusieurs interprétations psychanalytiques possibles, sans qu'aucune d'entre elles ne prenne vraiment le dessus sur une autre. Comme ces oeuvres exigent de bénéficier d'une écriture plus solide et rigoureuse qu'à l'accoutumée, elles sont aussi les plus marquantes, celles pour lesquelles on frissonne encore à leur simple évocation, des années après les avoir bouclées...

Amnesia : The Dark Descent

Le studio Frictional Games livre certainement avec Amnesia : The Dark Descent le plus Lovecraftien des jeux de ce classement, tant cette aventure à la première personne sait exploiter intelligemment les thématiques chères à l'écrivain maudit. Ce n'est donc pas un hasard si son postulat de départ évoque furieusement la nouvelle Je suis d'ailleurs. En effet, les fondations de Amnesia : The Dark Descent reposent autant sur son décor oppressant et sinistre (un vieux château peuplé de créatures indicibles, dans lequel vous déambulez, amnésique) que sur la gestion d'une notion très prégnante dans les ouvrages de HP Lovecraft : la santé mentale. De fait, le jeu parvient à impliquer le joueur dans la narration, en intégrant ses réflexes supposés au coeur de sa démarche artistique. Pour tous ceux qui s'y sont essayés, Amnesia : The Dark Descent représente la quintessence même du survival horror, et tout au plus pourrait-on lui reprocher de n'être disponible que sur PC, au grand dam des consoleux.

Siren : Blood Curse

Dans l'attente hypothétique d'un véritable troisième volet dédié à la PS3, le Forbidden Siren de la PS2 se voit bizarrement « occidentalisé » à l'initiative de Sony Japan Studio, dans un remake qui semble paradoxalement dévolu aux territoires hors Japon. Ce qui n'empêche pas Siren : Blood Curse de constituer une relecture efficace, notamment à travers son atmosphère qui distille un malaise diffus mais pourtant bien réel, ce qui est finalement peu surprenant quand on sait que l'on retrouve derrière la production du jeu une bonne partie de la Team Silent originale. Il en résulte une oeuvre aussi dérangeante que troublante, dans sa propension à utiliser habilement tout un pan de l'imagerie horrifique japonaise, qui puise autant dans l'horreur contemporaine d'un Ring que dans le fantastique rétro de Kwaïdan. Quant au travail effectué sur le sound design, il est proprement affolant...

Silent Hill 2

Pour Konami, comme pour les amateurs de survival horror, il existe désormais un avant et un après Silent Hill 2. Si le premier épisode faisait plutôt référence à des périls fantasmagoriques extérieurs, sa suite se focalise davantage sur des démons plus introspectifs. La ville de Silent Hill est enveloppée d'une brume qui symbolise, en quelque sorte, les troubles émotionnels de James Sunderland, et les multiples personnages qu'il rencontre incarnent tour à tour une facette différente de ses propres tourments. Du lourd secret que possède Sunderland refait peu à peu surface son sentiment de culpabilité, à mesure qu'il explore la ville abandonnée. Silent Hill 2 est à la fois mélancolique et incroyablement dérangeant, appuyé par une imagerie absurde et délétère. Le mobilier est pourri, brûlé, ou cassé, les murs sont décrépis ou barbouillés de sang, tandis que les monstres grotesques qui hantent la ville s'animent sur une bande son étrangement tonale et lancinante, proche de la structure du cauchemar. En outre, la conclusion logique de Silent Hill 2, la meilleure des fins que Sunderland puisse souhaiter, est aussi la plus terrible. Elle figure le point de non retour désespéré d'une aventure intense, chargée de symbolisme sexuel et d'imagerie freudienne, qui instille une horreur psychologique qui ne sera plus jamais dépassée.