Le Online, une composante vitale

Les démarches doivent donc aller de concert entre la communauté, les associations et les éditeurs mais un élément extrêmement important semble avoir été négligé par certains développeurs et expliquerait, en partie, le succès de Street Fighter IV si on en croit LordDVD (joueur et commentateur) :

Je pense qu'un jeu de combat doit bénéficier d'un très bon jeu en ligne. C'est hyper important. Quand on regarde les tournois aujourd'hui, ils sont sur Street Fighter IV parce que le titre est jouable correctement sur Internet. Un jeu qui a marqué les joueurs, mais qui a fait un fail monstrueux, c'est Mortal Kombat.

Lorsqu'il est sorti on avait un monde incroyable sur le Live malgré des conditions de jeu difficiles (NDLR : 1 à 2 secondes de délais). C'était injouable. Les développeurs ont promis des améliorations qui ne sont jamais arrivées. Aujourd'hui, tout du moins au niveau de la France, les jeux de combat ne sont pas mis en valeur parce qu'ils n'ont pas un online qui fonctionne toujours convenablement. Donc ils ne sont pas streamés et c'est hyper important pour pouvoir les démocratiser.

Aujourd'hui sur Millenium par exemple je suis le seul, comme sur O'Gaming avec Ken Bogard, nous sommes les seuls à faire du Versus. Si on en fait pas, il n'y a personne qui en fait. Et quel jeu peut-on réellement montrer à part Street Fighter IV ? On peut montrer KOF XIII, mais il faut bien comprendre que tout part des éditeurs qui peuvent faire un bon travail, comme avec Injustice par exemple qui a un online qui est meilleur que celui de Mortal Kombat. Mais au final un coup ça fonctionne, un coup non. C'est décevant.

Le online est donc une composante essentielle pour faire connaitre les jeux de combat et les intégrer correctement à l'e-sport puisqu'il enclenche le processus de démocratisation auprès du public par l'intermédiaire des streams et des vidéos. LordDVD enfonce le clou :

Qui dit Stream, dit aussi vidéo, Youtube, Daylimotion, etc. Si on propose un jeu qui n'est pas correctement jouable online aujourd'hui, on ne peut pas streamer, on ne peut pas mettre de vidéos, etc. Si un jeu est bien fait, avec un online qui marche, les gens vont suivre, c'est logique. Le online aujourd'hui c'est devenu un critère de sélection.

Quand sur la boîte il est marqué "jeu multijoueur" et que tu arrives sur le net et que ça ne fonctionne pas, tu n'as pas envie de poursuivre. Tu prends Call of Duty sur le net, ça marche, tu prends StarCraft, ça marche. Bon c'est un Wargame, c'est différent mais avec un online qui marche, tout suit. Je pense aussi que SFIV est une licence que tout le monde connait et je pense que ce qui peut percer en France aujourd'hui ce ne sont que les licences connues.

Prenons Mortal Kombat 10 par exemple, qui arrivera peut-être dans un an ou deux, si le online est béton je pense que ça cartonnera. Idem pour MK 9 s'il avait eu un bon online. Injustice, c'est pareil. Le online va prendre une importance capitale. Sans online, pas de communauté, pas de communauté pas de streams, pas de vidéos, pas de gens qui s'y intéressent. Toi, tu habites dans ton coin et tu ne peux pas jouer en direct avec des gens, ton seul moyen c'est donc de passer par le online. S'il n'y a personne, que ça rame, tu perds forcément en motivation, tu ne t'entraines pas et tu arrêtes. Bref, tu ranges le jeu dans le placard et c'est fini. Et le titre a beau faire 3 millions de ventes, il n'y a personne qui joue, il n'y a pas de tournois et il est mort.

Un soutien nécessaire des éditeurs

Comme nous l'avons vu, la base d'un bon jeu de combat passe donc très logiquement par un online fonctionnant bien. Et dans le domaine, le meilleur jeu en ligne se déroule pour le moment sur Street Fighter IV et pas ailleurs. Il doit donc y avoir des progrès de ce point de vue. D'ailleurs, ce n'est qu'ensuite que la communauté peut se constituer et s'organiser pour lancer des événements. Et aujourd'hui justement, les différentes associations semblent travailler en synergie, comme nous l'explique Kayane :

Pendant des années on a souffert d'un sale syndrome parce que toutes les associations voulaient réaliser leur propre tournoi sans jamais s'allier ou faire quelque chose ensemble. Et ce n'est que depuis peu, avec le Republic of Fighters, qu'ils se sont décidés à réunir toutes les associations pour faire un seul gros tournoi. Ca c'est exemplaire.

On veut faire un gros tournoi dans lequel chaque association à son propre tournoi. Chacune est ainsi spécialisée dans un jeu. Le premier tournoi a eu lieu en septembre à la salle de l'Epita mais ils vont chercher une autre salle pour la suite puisqu'il y a eu quelques soucis. Mais quoiqu'il en soit il nous manque pas mal de soutien, surtout de la part d'éditeurs et des gros sponsors.

Les éditeurs de jeux de combat sont pour la plupart japonais et il est difficile de faire venir de l'argent jusqu'à nous. Aux Etats-Unis ils y arrivent plutôt bien puisqu'ils ont un bon potentiel là-bas. Ils ont d'énormes communautés comme celle de Marvel Vs. Capcom ou Street Fighter. Là-bas ils ont plus de pouvoirs et en France nous sommes plus limités de ce point de vue. Alors que de l'autre côté tu as des éditeurs comme Blizzard ou Activision qui font gagner des gros cash prize et qui font leurs propres event e-sport avec des millions à gagner. Du coup, nous à côté on ne fait pas le poids. Quand tu as des grosses sociétés japonaises à la tête des jeux c'est très compliqué et je ne pense pas que ça va changer parce qu'apparemment il y a une loi là-bas qui interdit de gagner de l'argent par ce biais.

Un triste constat car l'aide des éditeurs est essentielle pour faire grossir le phénomène et (re)lancer l'intérêt des joueurs moins hardcore autour des différents jeux de combat. Et de ce côté Kayane confirme qu'il est extrêmement difficile de lever des fonds :

En tout cas de la part des éditeurs je vois très mal comment on peut progresser. Je vois très mal Capcom ou Namco faire une ligue avec de l'argent à gagner, c'est pas du tout dans leur optique. Du côté communautaire les joueurs ou les organisations n'ont pas d'argent à faire gagner. C'est déjà compliqué de louer une salle alors faire gagner des sous aux joueurs... Et malheureusement il faut de l'argent pour motiver les joueurs.

Si en France trouver des financements semble difficile on pourrait alors croire que l'ampleur d'un tournoi comme l'EVO prouve que la situation est plus facile de l'autre côté de l'Atlantique. Mais vous allez voir que ce n'est pas forcément le cas, comme le précise Asenka :

A l'étranger, c'est la même chose. Aux Etats-Unis ils sont plus nombreux donc il y a plus de tournois, il y a plus de moyens mais leurs tournois associatifs ressemblent aux nôtres. Il n'y a pas de différence. Tu vas à l'EVO, mis à part l'argent qu'il y a dans la com et dans la scène elle-même, ça reste comme un tournoi que tu ferais ici sauf qu'il y a 20 fois plus de monde. Donc s'il y a plus de monde, il y a plus de cash, plus de joueurs et donc ça apparait comme le plus grand tournoi et de très loin. Maintenant là où les américains sont très forts c'est sur tout ce qui touche aux médias, aux streams. Ils ont un énorme site, Shoryuken, et ils ont pas mal d'américains qui font du contenu. En fait c'est comme s'ils avaient des Ken Boagard en grand nombre. Ken et Lord DVD en France, ils sont seuls !

Le problème en France c'est que tu as beaucoup de joueurs mais qu'ils ne veulent que jouer. Aux US ils ont des joueurs, beaucoup, mais ils ont aussi énormément d'organisateurs qui veulent "organiser". Lorsqu'ils font leurs streams, qui n'ont rien d'hallucinants techniquement parlant, ils savent parler à une caméra, ils sont pros, ils sont carrés, etc. En fait le problème en France c'est qu'on a les joueurs, même les meilleurs d'Europe, mais on a pas ce qui va avec, les organisateurs, les journalistes spé là-dedans, on manque de commentateurs et c'est ça la vraie différence. Ils sont loin devant nous en termes de média , donc ils le sont aussi en termes de budgets, en termes de taille et d'organisation. Mais regarde au Japon, avant ils étaient numéro 1, de très, très loin. Le Tougeki c'était le tournoi qui faisait rêver. Aujourd'hui tu entends beaucoup parler de tournois internationaux japonais qui cartonnent ? C'est quand même super triste parce qu'ils ont les meilleurs joueurs du monde. En fait ils ont raté le virage, probablement médiatique, en termes de représentation. Alors oui, il y a la Topanga League. Evidemment, ils ont compris que si tu réunis les meilleurs et que tu commentes, ça fait le buzz.

Mais tu vois ils ont raté le même coche que nous là-dessus. Mais le constat c'est que le jour où on se réveille, rien n'est impossible car les Etats-Unis ne sont pas techniquement si loin devant nous. Tu sais, demain tu proposes 100.000€ en tournoi et tu mets les moyens en termes de média, alors tu auras forcément les mêmes joueurs qu'à l'EVO. Tout simplement parce que les gens ils vont aux tournois pour voir les meilleurs joueurs et voir le cash. Mais à l'EVO il n'y a pas tant de cash que ça. Pourtant il y a quand même les meilleurs du monde. Et si le tournoi à 100.000 est France, c'est joueurs là viendront en France ! Mais pour lever des montants pareils il faut l'appui des éditeurs, des grosses campagnes média, du financement, etc. C'est là que ça devient compliqué.

Une chose est certaine, si ce sont les jeux qui sont à la base de tout, le rôle des éditeurs et des développeurs dans le processus de création des communauté est essentiel pour parvenir à développer, et à dynamiser, l'univers du jeu de combat.

Pour autant, les associations françaises semblent aujourd'hui prêtes à accompagner les éditeurs pour élargir la communauté et démocratiser le jeu de combat auprès du grand public via des événements d'importance. Elles l'ont d'ailleurs largement prouvé avec la WGC ou encore le Stunfest. Ne reste donc plus qu'à trouver les financements et le titre qui permettra, comme l'a fait Street Fighter IV, de relancer une nouvelle fois la dynamique afin de toucher non pas seulement les fans, mais surtout l'ensemble des joueurs !