La nourriture est dans 13 Sentinels : Aegis Rim plus discrète que dans vos précédents jeux, mais vous ne pouvez pas vous empêcher de la représenter amoureusement. Est-ce là votre péché mignon ? Qu'est-ce qui explique cette relation charnelle entre Vanillaware et la cuisine ?

Pendant que nous développions Princess Crown, qui a servi de base à Odin Sphere, nous avons décidé de mettre l'accent sur la nourriture, parce que nous estimions qu'elle satisfait des besoins primaires chez l'être humain. C'est le genre de détails que nous avons toujours voulu mettre en avant chez Vanillaware, et parce que nous avons recruté beaucoup de nos employés suite au succès de Princess Crown, je pense que cette culture s'est largement diffusée chez nous. Vous savez, l'équipe en charge de la nourriture change à chaque fois, mais elles partagent au final une même ambition, et chaque s'inspire du travail de la précédente pour tenter de la surpasser. Je pense que ce genre de réaction n'a pas cessé d'élever nos exigences en la matière. Et ce n'est pas fini, puisque je pense que nous continuerons à profiter de l'évolution techniques des consoles pour encore améliorer la représentation de la nourriture ! Je dois cependant ajouter que dans la mesure où les héros de 13 Sentinels : Aegis Rim sont des lycéens, nous devions nous concentrer sur des plats abordables qu'ils pouvaient s'offrir et manger sur le pouce en rentrant chez eux. Pour les joueurs français qui pourraient ne pas être familiers avec ce type de plats, je conseille d'ailleurs d'utiliser les Archives, où vous trouverez des représentations encore plus détaillées.

13 Sentinels : Aegis Rim raconte l'histoire dense mais fragmentée d'un large groupe de héros, ce qui laisse une grande liberté au joueur dans la progression des différents scénarios. Était-ce là une occasion de les laisser trouver leur propre rythme ? Comment s'assurer d'un équilibre avec un tel schéma ?

Le système de jeu est effectivement assez unique : nous n'avons pas travaillé dessus en nous appuyant sur des considérations classiques du jeu vidéo, mais plutôt en cherchant à reproduire le le suspens des thrillers américains, dans lesquels on maintient volontairement le spectateur dans le flou avant de lui faire découvrir la terrible vérité. L'histoire de 13 Sentinels : Aegis Rim se déroule principalement au sein du lycée Sakura, mais nous avons divisé chaque segment pour permettre d'offrir un sentiment de liberté et d'exploration, varier les intersections scénaristiques, les structures, mais aussi les thématiques abordées. Nous sommes très fiers d'être parvenus à gérer un récit aussi complexe, et ce serait donc fantastique s'il venait à trouver son public.

Aussi splendide soient-ils, les graphismes des jeux Vanillaware se détachent de plus en plus des envies de réalisme d'une (grande) partie du public. Quel regard portez-vous sur vos productions au sein d'une industrie aussi changeante ?

C'est un vétéran qui a eu le privilège de travailler avec Mr Kamitani depuis Odin Sphere qui vous répond ici. J'ai eu l'occasion de citer Princess Crown a de nombreuses reprises : à l'époque de son développement, Nintendo Sega et Sony se livraient une guerre sans merci en étant persuadés que la 3D était l'avenir du jeu vidéo. De ce fait, la plupart des jeux sont développés par des personnes qui ne croient déjà plus aux jeux en 2D, et nous l'avons constaté lors de la sortie d'Odin Sphere en 2007. L'esprit qui a jusqu'ici animé Vanillaware, et qui se poursuit avec 13 Sentinels : Aegis Rim, c'est que nous croyons tous à l'idée de créer des expériences amusantes afin de transmettre le flambeau à de futures générations de créateurs. Nous ne sommes pas vraiment en opposition à une idéologie dominante : je dirais que nous préférons nous en tenir à des jeux qui résonnent en nous, précisément parce que l'industrie du jeu vidéo cherche constamment à s'améliorer sur le plan technique. Je ne pense pas qu'il faille opposer la mode du photoréalisme à une dimension artistique, mais plutôt se réjouir de la coexistence d'une grande variété de titres, du AAA au jeu en 2D comme le nôtre. Mais ils ne sont pas les plus nombreux, alors il nous revient de leur donner vie !