Imparfait mais prenant, L.A. Noire se révèle un excellent titre.

En 1947, peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale, Cole Phelps travaille pour la police de Los Angeles, dont il gravit peu à peu les échelons. Il mettra finalement ses talents à contribution dans cinq brigades différentes, avec à chaque fois un nouveau partenaire.

Le gameplay de L.A. Noire se compose de plusieurs phases, à commencer par la collecte d'indices. Dans la peau de Cole, on parcourt un lieu en tous sens, à la recherche d'éléments utiles à la résolution de l'enquête. Dès que la manette vibre (il s'agit seulement d'une option), il faut inspecter l'objet en question, qui pourra se révéler inutile ou essentiel. A chaque début d'enquête, on doit aussi se pencher sur des cadavres sérieusement amochés, ce qui risque de choquer les plus sensibles...

L'activité majeure du titre est plus originale, puisqu'il s'agit des interrogatoires. Lors de ces séquences, Cole fait face à un individu impliqué dans une affaire, qu'il soit suspect ou simple témoin, et lui pose les questions inscrites sur son carnet. Selon la réponse et le comportement de son interlocuteur, il doit ensuite choisir entre trois options : Vérité, Doute et Mensonge (dans ce dernier cas, une preuve sélectionnée parmi les indices récoltés sera requise).

Au départ, on a un peu de mal à faire réagir Cole comme on le souhaiterait, car les répliques correspondant aux différents types de réponses ne sont pas affichées. Du coup, on se retrouve souvent frustré par la réaction de notre propre personnage. Mais une fois saisies les subtilités du système, on prend plaisir à mener ces interrogatoires, d'autant que les visages de L.A. Noire (à observer impérativement si l'on veut faire le bon choix) sont très expressifs et détaillés, grâce au procédé de la motion capture. Seule une légère impression de surjoué, lorsqu'un individu est trahi par un signe d'anxiété trop visible, vient ternir le tableau. 

Outre la recherche d'indices et les interrogatoires, L.A. Noire requiert de passer beaucoup de temps en voiture, entre chaque mission, dans le cadre de trajets à travers la ville. Les scènes d'action (fusillades, courses-poursuites) sont quant à elle bien présentes, mais en nombre limité. Enfin, quelques énigmes et même un poil de plate-forme sont aussi au programme.

Ce qui fait la force de L.A. Noire, c'est d'abord la fluidité de la progression. Ainsi, toutes les informations nécessaires à la résolution des enquêtes sont contenues dans le carnet de Cole, accessible à tout moment. Par ailleurs, des aides ont été mises en place pour faciliter la tâche du joueur. En effet, des points d'intuition, que l'on débloque sous certaines conditions, permettent de supprimer un choix parmi les trois types de réponses possibles ou de révéler l'emplacement des indices d'un lieu. En cas de problème, il est aussi possible de demander à notre partenaire des indications sur la marche à suivre. Enfin, une scène d'action peut être passée après trois échecs.

Plus généralement, grâce à une difficulté bien dosée, on se retrouve rarement bloqué dans L.A. Noire. Mais si le joueur est guidé dans sa progression, il dispose néanmoins d'une certaine marge de manoeuvre, libre, dans une ville de Los Angeles totalement ouverte, de choisir l'ordre des lieux où il va enquêter. Il est même possible de boucler certaines affaires sans avoir visité tous les endroits notés sur le carnet de Cole, voire en inculpant un suspect en réalité innocent. 

C'est la Team Bondi (dont c'est le dernier jeu) qui a développé L.A. Noire, Rockstar se chargeant seulement de l'éditer. Pourtant, la patte des créateurs de GTA est ici bien visible : interface, dialogues lors des trajets qui entrecoupent les missions, fusillades avec mise à couvert... Même le ton de l'aventure, un rien désabusé (la corruption de la société américaine et la face cachée d'Hollywood sont notamment abordées), rappelle celui de Red Dead Redemption. 

Mais contrairement à RDR, L.A. Noire propose peu d'activités en-dehors de la trame principale, sur laquelle les développeurs semblent s'être concentrés. Outre les monuments et les voitures à trouver, la seule occupation annexe du joueur est de répondre aux appels radio des collègues de Cole, qui le demandent en renfort dans le cadre de quarante délits disséminés à travers la ville. Malheureusement, ses interventions paraissent toutes similaires... Néanmoins, circuler en voiture dans ce Los Angeles minutieusement modélisé et à la circulation dense, avec en fond sonore une musique d'ambiance type jazz ou une discussion en compagnie de notre partenaire, demeure très agréable. 

C'est d'ailleurs le cas de L.A. Noire dans son ensemble. Toutefois, rien ne pousse à poursuivre l'aventure des heures et des heures d'affilée. Certes, aucun souci majeur ne dissuade de continuer à jouer, mais il manque quelque chose pour s'immerger complètement. 

Cette impression qu'une étincelle ne vient pas, qui persiste pendant une grande partie du jeu, peut être imputée au scénario et à la construction de L.A. Noire. Certes, l'histoire qui sous-tend les différentes affaires est de bonne facture, d'autant que les dialogues sont particulièrement bien écrits. Mais il faut reconnaître que pendant une bonne partie de l'aventure, l'intrigue ne décolle pas. D'abord racontée par petites touches, l'histoire de L.A. Noire paraît longtemps floue, même si des pistes sont ouvertes. Puis, aux trois quarts environ de l'aventure, le rythme de l'aventure s'accélère brusquement, pour ne plus ralentir jusqu'au générique de fin. 

En termes d'ambiance, L.A. Noire aurait peut-être gagné à se rapprocher de Heavy Rain, un jeu bien différent de celui de la Team Bondi mais qui, pour son principe d'enquête, son gameplay particulier et les répercussions (ici très relatives) qu'ont les actions du joueur sur la suite de l'aventure, en a néanmoins été rapproché. Même s'il est logique que les deux titres bénéficient chacun de leur propre style, une atmosphère plus glauque et pesante aurait sans doute renforcé l'immersion dans la cité des Anges. 

On peut aussi regretter quelques incohérences dans le déroulement des enquêtes. Une fois, par exemple, après avoir inculpé le mauvais suspect (il fallait choisir entre deux personnes), Cole et son partenaire se font passer un savon par leur supérieur hiérarchique... mais sont félicités pour leur travail dans la cinématique suivante. Autre problème : lors d'un interrogatoire, on utilise un indice pour accuser un individu de mensonge. Mais la manoeuvre, entreprise au mauvais moment, échoue. Or, en réponse à la question suivante, notre interlocuteur nous parle comme si nous ne connaissions pas l'existence de cette preuve... Heureusement, ces écueils restent rares. 

Au rayon des défauts, on peut enfin citer la conclusion abrupte de certaines enquêtes. Ainsi, les affaires se terminent parfois trop vite, sans que toutes les zones d'ombre aient eu le temps d'être éclaircies. On retrouve aussi ce sentiment de frustration en voyant s'enfuir un suspect à notre arrivée (ce qui arrive fréquemment), alors qu'on s'apprêtait à lui faire cracher le morceau. 

La fin du jeu, quant à elle, est particulièrement réussie. Pendant quelques heures, les avancées scénaristiques s'enchaînent, et L.A. Noire devient alors extrêmement prenant. Mais cette dernière droite, si elle a le mérite d'accrocher à la manette, souligne aussi la faiblesse dans la construction soulignée plus haut. De plus, une fois n'est pas coutume, les tous derniers moments du jeu sont plutôt mal mis en scène (du moins pour un passage important), ce qui limite leur impact.

De L.A. Noire, on retiendra surtout ses personnages, dont la modélisation et le jeu d'acteur quasiment irréprochables viennent s'ajouter à la qualité d'écriture du titre. Ainsi, on s'attache peu à peu au détective Cole Phelps, dont le passé, les failes ou encore les motivations se dévoilent au fil de l'aventure. D'inspecteur froid et sans charisme particulier, aux airs énervants de premier de la classe, il se transforme en protagoniste doté d'une vraie épaisseur, et auquel on s'attache sans problème. Les seconds rôles, quant à eux, valent aussi le détour (mention spéciale au savoureux Rusty Galloway, l'un des partenaires de Cole). Même les suspects et témoins que l'on aperçoit seulement le temps d'une enquête semblent très crédibles. 

A la manière de Mirror's Edge en son temps, L.A. Noire propose une formule originale (du moins sur consoles), qu'on ne reverra peut-être pas de sitôt. Car si le titre de la Team Bondi ne plaira pas à tous, sa qualité globale n'est pas à remettre en question. Avec cette aventure agréable à mener, qui se conclut par une dernière ligne droite particulièrement prenante, les développeurs australiens n'ont peut-être pas livré un chef-d'oeuvre absolu, mais ils ont en tout cas réussi leur coup.