Le cinéma muet

La narration dans le cinéma a commencé au début du XXème siècle. Les films étaient alors muets. La période du muet se termina vers les années 30.

La narration était surtout effectuée via les intertitres. Sur les intertitres figuraient soit la description de nouveaux évènements, soit des dialogues.

Ces intertitres coupaient le déroulement du film (la vidéo) pour renforcer la narration. On avait alors le schéma suivant : vidéo, intertitre, vidéo, intertitre etc. Cela avait pour effet de ralentir le rythme du film et d'affaiblir l'immersion du spectateur au film. En effet, l'intérêt d'un film est dans la visualisation d'un univers et d'une histoire, pas dans la lecture. Il s'agissait d'"artifices".

Le cinéma parlant et les différentes techniques de narration ont permis de supprimer ces interruptions.

Le jeu vidéo muet

La narration dans le jeu vidéo est apparue vers les 80. Les jeux vidéo étaient alors muets. Cette période dure toujours.

La narration est surtout effectué via des dialogues ou des scènettes utilisant les procédés suivant :

  • Les cinématiques
  • Les scènes utilisant le moteur du jeu et limitant les actions du joueur (généralement bouger et/ou tirer)

Ces procédés permettent d'écouter des dialogues ou de voir des évènements.

Ces procédés coupent le déroulement du jeu pour renforcer la narration. On a alors le schéma suivant : phase de jeu, cinématique (et assimilé), phase de jeu, cinématique, etc. Cela a pour effet de ralentir le rythme du jeu et d'affaiblir l'immersion du joueur dans le jeu. En effet, l'intérêt d'un jeu ayant une narration est de vivre une aventure, pas d'en visualiser une. Il s'agit d'artifices.

Le jeu vidéo parlant

Peu d'essais de "jeux vidéo parlant" ont été effectués. Souvent il ne s'agit que de passages dans les jeux. C'est d'ailleurs souvent les passages qui marquent. Voici ceux que je juge les plus représentatifs :


Narration à travers les actions passées dépendant du joueur

Exemple : Metal Gear Solid use et abuse des intertitres. Cependant, le combat avec Psycho Mantis balaye le quatrième mur et permet une esquisse de dialogue entre le passé du joueur et jeu. Lire la carte mémoire du joueur afin d'évoquer le passif de ce dernier est pour moi une esquisse de dialogue joueur/jeu. Malheureusement, la scène est brève. On retrouve également ce procédé dans Metal Gear Solid 3 où le jeu interprète l'expérience du joueur dans le jeu en enregistrant ses actions (la scène de Sorrow).

Commentaire : Les jeux collectent des tonnes d'information sur le joueur : nombre de morts, d'heures jouées, d'objets collectés, de sauvegarde, etc. Peu de jeux cependant se servent de ces données dans leur narration. Il s'agit pourtant de données significatives dans le profiling du joueur, qui permettent de mieux le cibler. Comment mieux impliquer un joueur qu'en le "connaissant" ?


Narration sans interruption

Exemple : Portal utilise un système de narrateur afin de se passer d'intertitres. Le narrateur est omniprésent et raconte l'histoire du jeu au joueur. Le joueur n'est pas interrompu dans son action pour écouter quelqu'un. On peut également citer dans une moindre mesure BioShock, le joueur se retrouvant parfois enfermé dans un lieu pour qu'il suive l'histoire.

Commentaire : Afin de ne pas provoquer de coupures dans les jeux narratifs actuels, il "suffirait" de donner la possibilité au joueur de tuer les gens qui parlent, de les interrompe ou bien de partir. Comme en vrai, si on était tous des mercenaires armés et sans émotion qui parlent ensemble. Si l'intertitre est obligatoire "pour comprendre le reste du jeu", il s'agit alors là d'un film intégré à un jeu. L'histoire est racontée et le joueur n'est pas acteur. Autant regarder un film.


Narration à travers l'univers du jeu

Exemple : Assassin's Creed premier du nom finit sur un texte écrit sur un mur. Le jeu ne donne aucun sens à ce texte. Le texte s'adresse directement au joueur et lui donne matière à réfléchir sur la suite du jeu. Autre exemple, avant d'affronter le Ninja dans Metal Gear Solid, on traverse un couloir plein de sang, qui permet d'augmenter légèrement la crainte. Cette scène introduit le personnage sans pour autant qu'il y ait besoin de dire « Le ninja se trouve dans cette salle ».

Commentaire : Malheureusement, de nos jours, les jeux ne sont souvent que des suites d'objectifs. Le joueur doit atteindre un objectif pour suivre la suite de l'histoire. On ne rencontre que rarement des éléments dans un jeu qu'on ne peut pas comprendre tout de suite ou qui suggèrent la suite des évènements sans l'annoncer explicitement.


Narration à travers les actions demandées au joueur

Exemple : Silent Hill 2 esquisse des procédés intéressant de narration via le gameplay du jeu. Il s'agit d'une extension de la narration par l'univers. On demande au joueur d'effectuer des actions qui ont un simple but narratif/immersif. Par exemple, on trouve au début une scène où le joueur doit marcher longtemps vers Silent Hill, descendant des escaliers. Cette scène permet de symboliser la lente descente aux enfers. Une scène demande également au joueur de ramer dans du brouillard afin de symboliser la confusion et le tourment. Dans Max Payne, une scène demande au joueur de courir dans une suite de couloirs possiblement infinis, juste en se repérant via le son afin de donner un sentiment de détresse et de confusion. Dans No More Heroes, Suda 51 réussit à travers la narration à créer un sentiment de frustration. Dans ce cas, ce n'est pas les actions du joueur qui aident à comprendre le récit, mais le fait que le joueur n'ait pas pu faire l'action qu'il souhaitait faire. Dans Heavy Rain, faire faire aux joueurs des actions relevant du quotidien permet d'introduire une routine qui pourra être cassée plus tard.

Commentaire : Il s'agit d'un concept malheureusement pas assez exploité. En tout cas, rarement sur la durée. La plupart de ces scènes sont suivi d'intertitres. Le jeu propose au joueur de vivre une histoire qui est constamment interrompu pour lui rappeler que ce n'est pas la sienne.

Connaître le joueur pour lui proposer une expérience où il est à la fois pleinement l'acteur et le spectateur. Si ce n'est pas utopique ça.