Il ne semble pas aisé de produire sur Wii un jeu d'aventure classiquement bon. C'est à dire un titre qui, s'il ne révolutionne pas notre façon de jouer, va simplement nous offrir un divertissement de qualité qui ne demandera pas un effort d'imagination ou une énorme dose de tolérance pour s'y adonner sans trop d'arrière pensée. Bien sûr, il y a des exceptions. Mais avouez que la console de Nintendo, si elle accueille avec plaisir toutes sortes de mini-jeux et d'activités collectives à dimension ludique, pèche sérieusement dès lors qu'il s'agit de nous offrir une expérience un peu plus musclée. Elle a contre elle deux gros défauts : ses possibilités restreintes en terme de graphisme, et son gameplay innovant. Ce piège monstrueux dans lequel tant de développeurs en quête d'originalité sont tombés les yeux fermés.

Un décor de carte postale

Cursed Moutain est beau. Il fait partie des quelques productions Wii qui se démarquent, visuellement parlant. Ses décors montagnards enneigés qui se perdent dans le brouillard, ses petites maisons de pierre rustiques, et ses nombreuses références à la culture tibétaine... L'architecture des monastères confère dignité aux bâtiments déserts, et un étonnant mélange entre échelle humaine et une certaine démesure. Les tentures colorées qui ornent leurs murs nous inspirent ce que pourrait être l'artisanat local. L'ensemble est étonnamment réaliste, et l'on admire le travail de recherche évident de l'équipe artistique du jeu. Le parti pris graphique aussi, mis en avant dans des cinématiques fixes aux tons sépia. Ces dernières se déroulent comme les illustrations d'un vieux livre de conte ; sombres, texturisées, à plat. Et cet effort de mise en scène dégage par moment une ambiance quasi mystique. Par moment.

Réalisation bancale

Malheureusement, ces tentatives ingénieuses ne suffisent pas à masquer la faiblesse de la réalisation. Ces images immobiles s'enchainent sans fin et surtout sans rythme, et s'égrènent inlassablement tout au long du jeu. Elles en deviennent vite pénibles, et souvent incohérentes. Car la narration n'est pas en reste, morcelée, parfois illogique. Elle souffre d'un scénario qui, s'il bénéficie de bonnes idées de départ, s'embourbe vite dans des péripéties cliché. On ne s'inquiète pas un instant du triste sort réservé à Franck Simmons. Et il est tout simplement impossible de s'attacher à Eric Simmons, notre héros. Car si ce dernier partage régulièrement ses sentiments du bout des lèvres, et admettons qu'il est très bien doublé, il ne parvient jamais à combler ce fossé qui se creuse entre le joueur frustré et le personnage qui manque de crédibilité.

Le gameplay du Mal

Et ce n'est pas sa balourdise qui le rattrapera à nos yeux. Outre son extrême lenteur et des animations parfois plus théâtralement figées que réalistes, notre ami Eric a eu la très mauvaise idée de faire intervenir la Wiimote dès que se profile la moindre scène d'action. Les combats contre les esprits, notamment font figure de cas d'école. Tenter de viser des cibles mouvantes à l'aide la Wiimote lorsque le personnage est désespérément immobilisé, c'est pénible. Devoir se reposer sur les très relatives capacités de reconnaissance de la Wii pour bannir les esprits en effectuant une série de gestes en un temps imparti, c'est insupportable. Agiter indéfiniment la Wiimote pour "méditer", c'est juste crispant. Et les différentes embûches rencontrées lors des phases d'exploration ne sont pas en reste. Une très mauvaise conception des pièges et une jouabilité bien trop médiocre leur font perdre tout leur attrait.

En fait, la plus grande difficulté rencontrée dans Cursed Mountain, c'est qu'il faut malheureusement y jouer. Son pitch de départ attirant et son look alléchant sont bien vite oubliés. Son infâme jouabilité, mélange détonnant entre la raideur des survival horror d'antan et les fausses bonnes idées soufflées par la Wiimote, le rend proprement insupportable. Sans parler des explorations de monts enneigés promises par une communication un poil trop enthousiaste, alors que les trois quarts du jeu se déroulent dans des espaces civilisés et fermés. Dommage.