Après avoir obtenu un financement grâce à un kickstater en 2014 puis trouvé un accord d'édition avec Devolver, les espagnols de Fourattic ont pris leur temps pour sortir leur premier titre, qui était prévu à l'origine pour 2016, et remplir au mieux les objectifs qu'ils s'étaient fixés. Dès la première minute, on comprend que les développeurs sont allés à fond dans le trip régressif années 80. Tous les codes de l'époque sont présents, aussi bien dans le développement narratif que dans le look des héros, leur personnalité et la musique qui accompagne le tout. Bref, autant dire que le type de joueur par le jeu, au minimum trentenaire, se retrouvera à coup sûr en terrain connu.

Je vous parle d'un temps que les moins de 30 ans...

Crossing Souls nous envoie en Californie au milieu des années 80, dans une petite bourgade de banlieue où l'on incarnera une bande de copains composée de cinq jeunes adolescents. Leurs vacances d'été se verront bouleversées par la découverte d'un artefact qui les emmènera dans une aventure folle, emprunte de surnaturel, qui les fera évoluer entre le monde des vivants et celui des esprits. Dans la plus pure tradition de films mythiques comme Les Goonies, Stand By Me ou encore E.T., on retrouvera l'esprit d'innocence de cette époque ainsi que les classiques thématiques d'amitié, de courage et autres rites initiatiques du passage à l'âge adulte, avec en toile de fond l'histoire somme toute clichée des enfants qui doivent prendre les choses en main à la place des adultes pour sauver le monde. Inutile de rentrer plus dans le détail du scénario, autant garder la surprise. Sachez toutefois, qu'il reprend toutes les ficelles du genre que nous avions adoré à l'époque (et que l'on retrouve de nos jours exploitées dans d'autres oeuvres telles que Stranger Things).

Rétro, c'est trop

Pour illustrer graphiquement ce type de scénario, il ne pouvait en être autrement, les développeurs ont opté pour des graphismes rétro. Et de ce point de vue, le jeu ne déçoit pas, bien au contraire. Tout est en pixels, sans que l'on puisse parler pour autant de pixel art, mais plutôt de sprites à l'ancienne avec des animations d'à peine quelques étapes, dans le plus pur style de celles qu'on a connu sur les machines de l'époque. C'est parfois brouillon, avec un coté bouillie de pixels, mais ça fourmille de détails qui sont autant de références à la pop culture de ces belles années. Terminator, Retour vers le Futur, V for Vendetta, Gremlins... ainsi que certains jeux de l'époque comme Paperboy : ça grouille réellement de partout. Tant dans les décors que les dialogues ou personnages que l'on croisera, tout viendra alimenter l'effet Madeleine de Proust que l'on ressent pendant le jeu.

À l'ancienne

Le tout est servi par un gameplay ultra-retro. On navigue dans tous les types de phases de jeu qui ont fait les succès de l'époque. On contrôle individuellement chacun des cinq membres de la bande, en jonglant de l'un à l'autre d'une simple pression sur un bouton afin d'exploiter leur capacité unique lorsque la situation l'exige. Chris, le leader de la bande, est rapide et peut grimper sur certaines surface ; Math, le geek, utilise un rayon laser qui tiendra les ennemis à distance ; Big Joe, le bourru, peut déplacer des objets lourds grâce à sa force... Vous avez compris le principe : de chacune de ces habiletés complémentaires découleront différentes mécaniques de jeu, auxquelles il faut ajouter ainsi la possibilité de passer entre le monde des vivants et celui des morts, grâce à l'artefact. Ce gameplay, somme toute assez simple, permet d'obtenir un jeu d'action/aventure dans lequel un bon nombre d'énigmes et puzzles d'ajoutent aux combats. Impossible de ne pas penser à Zelda, tant l'inspiration est évidente, surtout qu'ils vont jusqu'à nous faire détruire des arbustes pour récupérer des coeurs de vie...

Il faut d'ailleurs reconnaître que tout au long de l'aventure, vous ne croiserez pas une seule idée originale de gameplay, mais plutôt une succession de phases de jeu qui sont autant d'hommages aux titres qui nous ont fait vibrer dans le passé. Et pour varier les plaisirs, on nous offre aussi des mini-séquences de jeu qui nous feront goûter aux autres genres phares de l'époque : du shoot'em up, du beat'em all, ainsi que diverses saynètes hommages à des jeux tels que Paperboy ou Spy Hunter. Évidemment, la musique n'est pas en reste, puisqu'elle est parfaitement dans le ton, bien que d'un avis personnel, elle ne casse pas non plus trois pattes à un canard.

Une sorte de magie

Les premières heures de jeu sont à la limite du magique. On se sent revenir en enfance en retrouvant les sensations d'antan. Si les dialogues (uniquement textuels) ne sont pas d'une qualité à tomber par terre (ils ne l'étaient pas forcément non plus dans les films dont le jeu s'inspire), les situations, en revanche, vous remémoreront toute la pop culture de l'époque et les bons moments quelle nous a fait passer. Les quelques cut-scenes qui viennent agrémenter le jeu, réalisées à la manière des dessins-animés américains des années 80 - avec l'effet de distorsion d'image typique de la VHS qui va bien - en rajouteront une couche. Une sensation proche du bien-être qui nous ramène à tous ces moments de notre jeunesse que l'on a tant aimés, aussi bien au cinéma qu'avec une manette ou un clavier entre les mains. Cette sensation qui perdure un long moment de l'aventure, mais elle s'estompe malheureusement un peu sur la fin, à cause notamment d'un scénario qui se perd en conjectures et qui ne devient plus qu'un prétexte pour passer d'une scène à l'autre. On peut également lui reprocher une difficulté mal dosée, qui créé des moments frustrants (notamment un boss de fin hyper difficile par rapport à tous les autres), ainsi qu'une maniabilité défaillante qui rend certaines séquences de jeu beaucoup plus compliquées à aborder qu'elle ne le devraient, au point de nous causer des crises de nerfs par moments. À noter par ailleurs que les développeurs nous annoncent au lancement du jeu que l'utilisation d'un paddle est recommandée : ce que nous vous confirmons !

Ces quelques défauts, qui deviennent surtout apparents à la fin de l'aventure, ne doivent pour autant pas entacher l'allure globale du jeu, qui est spectaculaire pour quiconque a grandi durant les années 80 et voudrait retrouver les sensations de l'époque, aussi bien en termes de jouabilité, de gameplay et d'esthétique.