Ceux qui ont connu un temps jadis où les écrans ne connaissaient pas la notion de rétro-éclairage se souviennent peut-être d'un certain Mario Golf, portage audacieux d'un jeu Nintendo 64 sur Game Boy Color par Camelot, et qui proposait déjà de mélanger swing relâché et leveling acharné. Et comme pour prouver que tout cela n'était pas le fruit du hasard, le studio japonais avait remis ça avec Mario Tennis, disponible sur les deux mêmes plateformes. Et quand on a passé autant de temps que votre serviteur à travailler son swing et ses trajectoires de putt avec autant d'application que celle de constituer une équipe équilibrée dans n'importe quel Dragon Quest, on accueille forcément l'arrivée de Golf Story avec une certaine joie, pour ne pas dire une joie certaine.

Earth Rebound

Premier effort du mystérieux studio Sidebar Games, Golf Story propose en effet de se hisser parmi les grands de ce monde en travaillant avec acharnement son swing tout en résolvant un nombre de quêtes toujours plus improbables et débiles les unes que les autres. Puisant largement son inspiration visuelle dans la série Mother (Earthbound chez nous autres occidentaux), Golf Story lui emprunte également son style décalé avec une certaine réussite. Loin d'être aussi ennuyeux que l'on pourrait l'imaginer, le jeu offre une galerie de personnages délicieusement cyniques et au moins aussi égoïstes qui rendent la progression très plaisante, quitte à en plus se moquer avec malice de quelques conventions désuètes du genre.

Notre héros sans nom et sans amour-propre commence ainsi son épopée triomphante vers les classements internationaux par un flash-back paternel avant de se réveiller dans son lit, de quoi asseoir définitivement la dimension rôliste de Golf Story. Parti de rien, notre jeune loup aux dents longues et qui semble tout droit sorti d'un River City Ransom (un autre des nombreux clins d'oeil appuyés) ne va pas chômer pour faire le sale boulot : exploité sans vergogne par à peu près tous les PNJ qui croiseront votre route, vous n'aurez de cesse de résoudre les desiderata de chacun à l'aide de votre unique club.

C'est pas de la Camelot, mais ça y ressemble !

Décomplexé comme un Shônen et au moins aussi barré, Golf Story emprunte au genre son obsession toute japonaise : sauver un enfant de la noyade, nourrir des crocodiles, ou implanter des traceurs dans des galeries de taupes pour mettre à jour une invasion de zombies. Il n'y a rien qu'une balle bien placée ne puisse débloquer. Ubuesque et délirant, le titre de Sidebar Games se révèle en plus très fin et remarquablement bien écrit : exploité sans vergogne par une galerie de protagonistes acariâtres ou arrogants, notre héros d'une candeur indescriptible se plie de bonnes grâce à toutes les sollicitations qui se présenteront à lui.

Du coach malhonnête débordant de mauvaise foi à la rivale acerbe aveuglée par la compétition en passant par la star préoccupée par les clics et les likes, Golf Story livre avec une certaine légèreté une critique sous-jacente qui donne toujours envie de voir la suite. L'écriture tire en plus parti de phylactères variés et remarquablement animés, qui enrichissent considérablement les personnalités de chacun : les exclamations ou les chuchotements sous cape bénéficient ainsi d'une mise en scène très ingénieuse et qui fait mouche à chaque fois.

Tu veux faire putt-putt ?

Et s'il propose de très nombreuses phases d'exploration, Golf Story n'oublie pas non plus d'être un véritable jeu de golf : notre héros va se doter au fur et à mesure d'un redoutable (et très coûteux) arsenal. Entre les magasins présents dans chacun des huit mondes et les nombreuses missions qui vous permettront de surcharger votre caddie, chaque set de bois ou de fers s'accompagne de caractéristiques bien particulières : du putter permettant de courber sa trajectoire au wedge électrisant qui permet de se débarrasser des tondeuses fantômes dans un cimetière, chaque joueur trouvera forcément son bonheur dans les différents sets proposés.

L'aspect technique de Golf Story n'est pas en reste, puisque ses subtilités se dévoilent au gré des missions et des améliorations matérielles débloquées : si chaque monde parcouru trouve son point d'orgue dans un bon vieux neuf trous des familles requérant astuce et constance dans ses swings, les différents objectifs vous apprendront à varier vos approches et à tirer pleinement parti de vos clubs. Courber ses tirs, user intelligemment des bunkers, atténuer ou profiter du vent, on prend rapidement plaisir à sortir des frappes millimétrées et à triompher de ses adversaires d'une mauvaise foi rarement atteinte. Une grosse ombre au tableau cependant : les greens se révèlent assez illisibles, puisqu'il faudra se contenter d'une tendance globale traduite par une simple flèche. Voilà de quoi rager comme un malpropre puisqu'une approche subtile et intelligente peut finalement tomber à l'eau au moment de conclure...