AER est l'un de ces jeux qui se débarrasse rapidement de son propos introductif pour vous plonger directement dans l'action. La narration sera par la suite plus subtile, et intervient notamment à travers les décors tantôt vides, tantôt sombres. Aux commandes d'Auk, une jeune femme sacrément polygonée, le joueur entame sa progression dans une grotte qui fera ainsi office de tutorial. Avec relativement peu d'indications, il n'a d'autre choix que d'explorer ladite caverne, avant de tomber sur l'artefact qui guidera dès lors votre aventure. Alors que la caverne s'effondre, tout comme nos espoirs, Auk n'a d'autre choix que de fuir la réalité sans se retourner...

Elle met du vieux pain sur son balcon

Et ce qui l'attend à la sortie n'est malheureusement guère réjouissant, bien qu'un vieillard apprenne à Auk comme s'il lui donnait l'heure que la donzelle anguleuse peut se transformer à la volée en piaf. Et comme le jeu vous y invite, vous ne pouvez vous empêcher de faire l'essai. Force est alors de constater que les sensations aériennes sont excellentes : à peine sorti du lieu lugubre et oppressant, nous voici virevoltant tel un pigeon parisien au milieu des îles flottantes qui composent le monde d'AER.

N'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit : il n'est malheureusement pas question ici d'un monde parfait composé uniquement de desserts, à mon grand regret. Le titre de Forgotten Key lorgne sans se cacher sur Skyward Sword. C'est donc transformé en gibier volant que le joueur est invité à explorer librement le monde qui l'entoure, et c'est sans doute là la force d'AER : proposer d'emblée de jeu une véritable sensation de liberté. Le singulier n'était pas innocent. À partir de là, tout se complique, et vite.

Walking on the Moon

En effet, nous voici portés par le vent et par notre curiosité vers les bouts de terre volants à l'horizon. Sauf que... Non. La notion de vent est totalement absente. Oui oui. De contrainte météorologique, il ne sera ici point question. Nous voici donc le majeur fièrement levé face à la gravité, afin entamer notre (court) périple vers le sauvetage de ce monde éparse. Voguant d'île en île, l'exploration affiche d'ailleurs ses premières limites, puisque le pathfinding n'est pas des plus évidents.

Qu'importe ! C'est le moment d'atterrir avec grâce sur le plancher des vaches. Ou pas : si vous étiez par miracle parvenu à esquiver jusqu'ici les innombrables problèmes techniques rencontrés par AER, les phases d'atterrissages auront raison de vous. Et ce n'est que le début. Si la direction artistique s'avère aussi discutable que tranchée, la réalisation technique est comme mémé : hésitante et aux fraises. Il suffit de déambuler une fois sa forme humaine recouvrée pour se rendre compte du désastre, puisque les collisions semblent dépendre de paramètres assez hasardeux. Les fans de gameplay émergent et de bizarreries en tout genre seront aux anges, puisque le titre promet de ce côté bien des surprises.

Le donjon de Naheulbeurk

Rapidement, nous voilà nous aiguillé vers le premier palais, puisque c'est autour d'eux que le jeu se structure : répartis sur la carte qui ne se dévoile qu'au fur et à mesure, ils suivent le découpage narratif de n'importe quel épisode de Zelda pré-Breath of the Wild. Sans surprise, à des phases d'exploration se succèdent quelques énigmes, avant de laisser place au donjon lui-même : un environnement fermé qui combine sans grand génie ces deux aspects.

L'exploration devrait être le point fort d'AER, il n'en est rien. Son design générique ne permet à aucun élément de véritablement ressortir du lot, et si cela pourrait être un point positif, on se retrouve finalement à tenter d'examiner chaque objet visible pour tenter de déterminer s'il on peut interagir avec ou non. Spoiler alert : la réponse est souvent négative. Et lorsque l'interaction est finalement rendue possible, celle-ci s'avère bien sommaire, à l'image des énigmes du premier donjon qui s'articulent toutes autour du même pattern.

L'Égoût Trip

Et si AER avait sans doute un univers singulier à nous faire découvrir, sa réalisation nous empêche d'y trouver un quelconque intérêt. Et c'est bien dommage, puisqu'entre les évocations d'une civilisation déchue où les dieux d'antan ont été oubliés par les humains, il y a avait sans doute là de quoi satisfaire les hordes d'adorateurs du père Ueda, dont le jeu s'inspire également sans complexe. Mais il ne suffit pas de prendre un air inspiré tout en déclamant des vers pour se prétendre poète : nourri d'inspirations multiples, AER n'opère aucune synthèse et ne propose rien de plus qu'une copie hors-sujet qui semble avoir pompé tout ce qu'elle pouvait sur les quelques voisins disponibles aux alentours.