Après la sous-traitance de quelques portages PSP, Wii et PS3, le studio californien Ready at Dawn à fait une entrée remarquée dans la cour des grands avec son premier "vrai" jeu : The Order 1886. L'exclusivité PS4 proposait alors, en plus de sa plastique parfaite qui en faisait le plus beau titre console jamais vu, de suivre les aventures des Chevaliers de la Table Ronde dans un univers steampunk dystopique. Mais le succès n'a pas été au rendez-vous, qu'il soit commercial, avec moins de deux millions d'unités vendues, ou critique, le jeu n'ayant pas été épargné par la presse et les joueurs. La faute à un contenu un peu léger, un gameplay générique et l'absence de mode multijoueur. Et même si je fais partie des quelques joueurs à qui le jeu avait plu, notamment grâce à sa narration, sa beauté et ses armes plutôt cools, la fin m'avait bien déçue, je dois le dire.

C'est donc avec pas mal de fébrilité que je m'apprêtais à accueillir le second gros projet du studio, ce dernier ayant en plus le culot d'être une expérience exclusivement en réalité virtuelle, disponible uniquement sur le casque Oculus Rift. Et alors, le dernier bébé de la bande de Ru Weerasuriya sera t-il une petite déception comme son aîné cité plus haut, ou sera t-il enfin la bombe qui aidera le studio à enfin rencontrer la réussite à tous les niveaux ? Je crois que vous avez déjà lu la réponse dans le titre de ce test, voyons maintenant pourquoi.

Le futur, c'est maintenant

Lone Echo débarque dans un contexte actuellement plutôt tendu pour la réalité virtuelle : les casques se vendent bien, mais la communication sur ces derniers est minime de la part des constructeurs, Sony en tête, ce qui peut-être décourageant quand à l'avenir éventuel de la technologie. Aussi, les jeux qui sortent, aussi bons soient-ils, ne sont que de très courtes expériences, Batman Arkham VR ou Job Simulator en tête, ou des projets qui sentent le portage opportuniste, comme les futures déclinaisons de Skyrim et Fallout. Moi-même fondu de technologie et bien que sceptique au départ, j'ai assez rapidement craqué pour un casque de réalité virtuelle, mais passé les premiers mois d'émerveillement, je n'ai plus ressorti que ce dernier pour en mettre plein la vue aux amis de passage à la maison, des titres comme Nioh, Gravity Rush 2, NieR Automata ou Persona 5 gardant à mes yeux bien plus d'attrait ludique sur le long terme que les actuelles productions VR. Mais que nenni, je garde malgré tout une confiance aveugle en cette technologie potentiellement démentielle. Et Lone Echo est le premier titre qui vient véritablement récompenser cette confiance, et instaurer un nouveau standard dans ce que l'on pourra attendre à l'avenir dans ce genre de projets.

Lone Echo vous place donc dans la peau de Jack, un androïde spécialisé dans la réparation d'équipements spatiaux en tous genres, et doté d'une I.A. et d'un sens de l'humour tout particulier... Vous êtes affecté à la maintenance de la station spatiale Kronos II, destinée à l'extraction d'hélium 3, en orbite autour des anneaux de saturne, et partagez votre quotidien avec moult androïdes qui ne possèdent pas votre intelligence, mais aussi Olivia, la capitaine du vaisseau et seule humaine présente à bord des installations. Cette dernière va plier bagage pour une autre destination, et c'est à vous que reviendra la tache de faire tourner la baraque... Sauf que rien ne se passe comme prévu, et la vieille du départ de votre seule amie, une anomalie apparaît dans votre secteur (non, Lone Echo n'est pas un pré-quel d'Interstellar !) et s'accompagne d'une gigantesque onde électromagnétique qui va venir dérégler tous les systèmes de votre vaisseau et des mécanismes aux alentours. Ce sera alors à vous de réparer tout ça, d'abord à l'intérieur de la station, puis dehors, dans le vide intersidéral. Et enfin, il faudra faire la lumière sur le pourquoi de cette singularité apparue mystérieusement, mais je n'en dirais pas plus ici...

Virtuelle réalité

Ce scénario, s'il démarre de manière convenue et plutôt classique, réserve malgré tout son lot de surprises et de retournements de situation, possède un rythme assez soutenu, et la fin, s'il appelle à une suite (qui serait grandiose si elle devait voir le jour !), ne laissera pas le goût amer qu'avait pu laisser The Order 1886 en son temps, en clôturant véritablement un chapitre de cette histoire qui se suffit à elle même. De plus, avec l'immersion proposée par la réalité virtuelle, les nombreux choix de dialogues que nous allons effectuer (en Anglais sans sous-titres uniquement), on vit vraiment l'histoire de l'intérieur, nous ne sommes pas uniquement spectateur ou joueur, et on se sent véritablement pris "au jeu" à tel point que l'on oublie parfois que l'on est justement dans "un jeu". De vrais sentiments d'affection vont naître pour Olivia, mais aussi de stress, de la tension face au nombreux dangers, ainsi que la satisfaction du travail accompli mais aussi une extrême curiosité face aux problèmes qui nous font face...

Et si cette aventure est si "vivante", c'est notamment grâce à sa jouabilité, tout simplement une des plus maîtrisées, si ce n'est la plus maîtrisée, qu'il m'ait été donné de voir en réalité virtuelle. Le titre se déroule entièrement en zéro gravité, et votre avatar flotte donc dans l'espace, s'affranchissant de son poids. Pour se déplacer, on apprendra d'abord à agripper tout ce qui est à notre portée afin nous propulser dans la direction désirée. Ensuite, on pourra aussi utiliser les mini propulseurs situées dans nos poignets pour donner un élan dans la direction voulue. Enfin, un gros réacteur dorsal couplé à un frein, nous permettra de pendre rapidement une vitesse plus qu'importante. Là où d'autres jeux filent rapidement la gerbe en simulant la marche d'un personnage avec un appui sur un stick pour avancer ou pour tourner, ici, on s'affranchit des jambes, et c'est nos bras qui vont faire tout le boulot. Le cerveau s'adapte alors très vite - même un peu trop pour moi, qui avait des réminiscences de la sensation d'apesanteur de nombreuses minutes après mes sessions de jeu et qui voulait m'agripper à tout ce qui se trouvait à ma portée pour me déplacer - et la sensation de voler, de se propulser dans la direction désirée devient vraiment très grisante, et encore plus lorsque l'on prend une vitesse élevée dans un environnement confiné. Mais attention aux chocs contre les murs, le cerveau créant alors des alertes et des montées d'adrénalines bien réelles !

Zero Gravity Rush

Outre ce mode de déplacement, véritable réussite, et qui je l'espère, sera imité par d'autres à l'avenir, Lone Echo se distingue aussi par d'autres composantes notables dans sa jouabilité. La gestion des mains notamment. Ou plutôt des doigts, gérés de manière très réussie de façon indépendante ou groupée. On pourra très facilement essayer choper tout ce qui passe... Et se transformer en robot pervers en tentant d'abord de toucher Olivia sous toutes les coutures, mais cette dernière aura une réaction géniale et nous rembarrera vite fait bien fait en nous propulsant au loin d'un coup sec accompagné d'une remarque assassine ! Les commandes, bien que déroutantes au départ, se montrent finalement assez efficaces une fois que l'on à pris le coup.

On va donc pouvoir interagir avec tout le monde qui nous entoure, et même bénéficier du support de deux outils, un scanner pour obtenir tout un tas d'informations sur l'univers qui nous entoure, mais aussi un cutter laser qui permettra de découper portes et panneaux inaccessibles dans le cadre de nos réparations. Ce laser sera d'ailleurs à l'origine de l'un des rares reproches que l'on pourra faire au jeu : une certaine répétitivité dans les taches accomplies. Vous êtes un robot de maintenance, vous allez donc devoir réparer pas mal de trucs. Avec des gestes, qui, forcément, vont se révéler redondants. Mais contrairement à un titre comme Loading Human, ces petites choses que l'on vous demande d'accomplir auront de bien plus grandes répercussions, et dans leur contexte scénaristique, elles s'avèrent finalement être un moindre mal... D'autres petits défauts d'ordre "physiques" sont de la partie, comme le fait que lorsque l'on s'agrippe à un module de transport qui se déplace, si ce dernier tourne, votre corps ne suit pas, ou encore l'absence totale de réglage "d'assiette", ou le haut est toujours en haut et le bas toujours en bas. Mais je chipote, ces éléments ayant étés très probablement décidés pour le bien du joueur et de son estomac.

Dans l'espace, personne ne vous entendra bugguer.

Avec sa jouabilité grisante et son scénario immersif, Lone Echo frise le sans-fautes. Mais qu'en serait-il si la partie technique ne suivait pas ? Ce n'est heureusement pas le cas. Sur le PC de compet' de la rédac', dédié à la réalité virtuelle, j'ai vécu une expérience plaisante de bout en bout, sauf ce passage dans un couloir sombre du vaisseau, ou sans aucune explication, ni modèles 3D trop complexes à afficher, le jeu s'est mis à ramer horriblement au point de tomber à 10-12 FPS, pour redevenir ultra fluide lorsque je suis sorti dans un magnifique et très complexe champ de débris spatial. Malgré des redémarrages du jeu, du PC, ou même la recharge d'une sauvegarde précédente, toujours le même ralentissement à cet endroit. J'ai eu la malchance de rencontrer quelques autres petits bugs, comme des objets coincés ou disparus loin, très loin dans l'espace, qui m'ont forcé à recharger ma sauvegarde pour revenir quelques minutes en arrière. Vous êtes prévenus, tout n'est pas parfait, et il faudra un vrai PC de tueur pour faire tourner la bête. Le jeu reste malgré tout très beau, un des plus beaux de la réalité virtuelle, mais ne réussit pas l'exploit de se démarquer comme l'avait fait The Order 1886 en son temps, les machines actuelles n'étant pas assez puissantes aujourd'hui, et les écrans des casques ne possédant pas encore une résolution suffisante.

Enfin, pour terminer ce test, parlons rapidement du mode multijoueur, qui mériterait bien un test à lui tout seul : en utilisant les bases de gameplay décrites précédemment, et en ajoutant un coup de poing qui viendra gêner vos adversaires, les joueurs forment deux équipes, puis vous êtes propulsés dans une arène emplie d'objets sur lesquels prendre appui, et vous vous disputez une partie d'Ultimate en apesanteur, ou chacun des deux camps devra essayer de lancer un frisbee dans la zone de but adverse ! Tout simplement génial, grisant, et avec un fort potentiel. Si la sauce prend et que les joueurs suivent, cette partie multijoueur à clairement le potentiel pour devenir le "Rocket League" de la VR, en proposant une incroyable dose de fun associée à une jouabilité maîtrisée. Lone Echo place donc la barre très très haut dans le domaine de la VR, établit un nouveau standard en la matière. On a vraiment hâte de voir la suite, et ce que réserve Ready at Dawn pour le futur...