Pour remettre les choses dans leur contexte, Les Pilliers de la Terre est à l'origine un best-seller du romancier Ken Follett paru en 1990. L'histoire nous plonge dans l'Angleterre du XIIème siècle et suit notamment les traces de Tom le Batisseur, un homme caressant le doux rêve d'ériger une Cathédrale. Jusqu'à présent nous n'avions pas réellement eu le droit à beaucoup d'adaptation sur un autre média, si ce n'est cette série au casting 5 étoiles (comprenant notamment Eddie Redmayne et Ian McShane), sortie en 2010, qui prenait beaucoup de liberté par rapport au roman.

Artistiquement sublime

Daedalic nous offre ici un point and click pour rattraper ça et le moins que l'on puisse dire c'est que le pari semble réussi. Rien que les premières secondes dans le menu du jeu permettent de sentir qu'on a affaire a une atmosphère fort bien travaillée. Avec sa musique tout simplement magistrale (nous y reviendrons) le jeu vous happe dès les premiers instants. Là où le studio fait fort c'est avec sa direction artistique à tomber et sa technique sans faille, ou presque. Tout est dessiné à la main et on a l'impression d'assister à une succession de tableaux au fur et à mesure de notre progression. A la manière d'un King's Quest. Pour avoir vu à l'oeuvre les artistes sur place, on peut vous dire que cela représentait une tâche de longue haleine.

Une atmosphère envoûtante pleine de charme

Chaque personnage, chaque brin d'herbe est le résultat d'un coup de crayon maîtrisé. Pour réussir la pari de retranscrire un Moyen-Âge crédible et réaliste, les artistes se sont notamment procuré l'un des rares exemplaires de l'Encyclopédie médiévale de Violet le Duc. Un must have historique pour bien cerner toutes les singularités de cette période. Allant d'un point de vue général d'une ville du haut d'une colline en plein été au dédale sombre d'un cloître lors d'une longue nuit d'hiver, tout est fait pour vous téléporter dans un Moyen-Age fidèle et envoûtant. Difficile de ne pas tomber sous le charme car tout est fait pour vous immerger naturellement, tout est d'une incroyable douceur pour les yeux et les oreilles. Presque comme un poème visuel.

À la fois roman et livre d'Histoire d'interactif

En fait, The Pillars of The Earth est une véritable ode au Moyen-Âge. Il pourrait paraître idéaliste de vouloir ajouter une portée pédagogique à un jeu vidéo mais c'est pourtant le cas ici. Le jeu (comme le roman) constitue une véritable mine d'or en termes d'informations. Et même si le côté dessin apporte cette douceur si envoûtante, les enjeux religieux, politiques et sociaux médiévaux sont formidablement bien retranscrits et racontés. Alors certes ça ne sera jamais aussi précis qu'un livre d'Histoire, mais le titre de Daedalic est une vraie façon ludique d'appréhender cette période méconnue, qui se résume pour beaucoup de gens à une hygiène corporelle et dentaire douteuse et une succession de guerres (ce qui est, en plus, totalement faux).

Telltale-ment vôtre

Pour faire de l'atmosphère générale quelque chose d'exceptionnel, le visuel se voit épaulé par une partie sonore de grande qualité. Lorsque l'un de nos personnages se retrouve dans l'abbaye, tout est fait pour vous donner l'impression d'y être réellement alors que le décor n'a rien de photo-réaliste. Bruits de pas raisonnant dans un couloir allumé à la bougie, chien aboyant au loin, chant religieux... Sans compter des acteurs convaincants aussi bien dans la version anglaise qu'allemande. Il faudra se contenter de sous-titres pour les francophones, mais comme l'histoire est censée se dérouler en Angleterre, c'est plutôt un bon point. Coté gameplay, il s'agit ni plus ni moins de ce que l'on peut voir dans un jeu du studio Telltale.

Un petit pouvoir implique aussi de grandes responsabilités

On incarne trois personnages, chacun à ses choix à faire.

  • Tom le Bâtisseur
  • Jack le Tailleur de Pierre
  • Le prieur Philippe

Ils ont évidemment une psychologie propre et proposent une approche différente. Philippe est par exemple plus cérébral et propose des choix de dialogues peut être un poil plus profonds que ce bon vieux Tom, qui lui, devra effectuer des actions "manutentionnaires". Jack est lui un bon mix entre les deux et s'occupera de vous faire vivre des scènes d'action, étant le personnage le plus jeune. C'est à lui que revient le rôle de vous faire vivre des événements pleins de fougue.

Mais il ne faut surtout pas s'attendre à sauver la veuve et l'orphelin à grand coup d'épée. Dans The Pillars of the Earth, on incarne des protagonistes à la vie simple et modeste. Il s'agit d'une représentation du Moyen-Âge presque documentaire et viscérale. Chasser, faire cuir de la viande ou rendre des comptes à l'évêque. Voilà le genre de quête à effectuer.

On pourrait croire que ce n'est pas suffisamment sexy pour être agréable dans un jeu vidéo mais c'est en fait tout le contraire. Chaque action, aussi pleine de simplicité soit-elle est un régal à réaliser car elle représente justement un grand pas en avant pour le héros que l'on incarne. Et toute la magie du jeu réside à nous faire vivre le quotidien de personnes d'un autre temps. Sans jamais en faire trop. Véritable paroxysme, car bien souvent le jeu vidéo nous habitue à effectuer des actions héroïques jusqu'à l'écoeurement. The Pillars renverse donc les codes sans altérer la satisfaction générale de la conclusion d'une action.

Le juste choix

Petites énigmes, successions de dialogues... Si la moindre action est intéressante c'est aussi car chaque choix a évidemment une influence. Le jeu proposera d'ailleurs plusieurs fins possibles, selon les dires des développeurs, il faudra toutefois attendre l'ultime épisode pour en admirer toutes les conséquences. À la fin de chaque chapitre le jeu résume le choix de nos actions pour que vous vous prépariez mentalement à la suite.

En conclusion il faut donc plus s'attendre à un (très beau) roman interactif qu'à un jeu d'aventure complet digne d'un Monkey Island. Mais c'est déjà ça. On attend donc la suite avec impatience, en espérant que le niveau soit du même ordre.