Je me suis lancé dans What Remains of Edith Finch sans rien savoir de ce qui m'attendait, et j'en ressors avec la certitude que je me souviendrai très longtemps de la famille Finch, dont j'ai pu faire la connaissance pendant les 3 heures environ de ma partie. Et plus particulièrement de sa dernière représentante, Edith, puisque c'est à travers elle que l'on découvre les tragiques destins de cette galerie de personnages aussi farfelus qu'attachants.

Avant d'entrer plus dans les détails de ce qui fait de ce jeu une superbe réussite, sachez que je m'attacherai dans les quelques lignes de cet article à vous en révéler le moins possible sur l'histoire de What Remains of Edith Finch. Loin de moi l'envie de vous priver de ce grand moment de découverte, d'émerveillement et de douce mélancolie, qui m'a procuré tant de plaisir.

Des gens sont morts ici

Tout commence donc au moment où Edith Finch, qu'on incarne en vue subjective et tout en "body awareness," revient dans l'étrange maison de son enfance. Cette drôle de bâtisse, perdue au milieu de nulle part, était la sienne, celle de sa mère et de ses frères, mais aussi celle de son grand-père, des ses arrière-grand-parents, de ses oncles, de ses grand-tantes... Cinq générations de Finch ont vécu ici depuis que l'ancêtre Odin a décidé de quitter la Norvège pour immigrer aux Etats-Unis, en 1937. Et pourtant, comme vous et moi, Edith ne sait rien d'eux, ignore tout de leur histoire. Pourquoi ? Vous le découvrirez en même temps qu'elle durant cette courte aventure. La seule chose évidente à ses yeux et aux vôtres : cette maison est vide aujourd'hui, et tous ceux qui l'ont occupée sont morts prématurément, dans des circonstances tragiques qui ont construit le mythe d'une "malédiction des Finch".

La maison des Finch est un personnage à part entière, on s'en rend compte à la minute même où l'on y pénètre pour la première fois, et ce sentiment ne nous quitte jamais. À ce titre, le travail de Giant Sparrow est absolument magistral : chacune des pièces est bourrée de détails en tous genres, d'éléments de narration environnementale qui en disent long sur les gens qui vivaient ici. C'est étrange, c'est comme s'ils venaient de partir... La maison intrigue immédiatement et nous pousse à en découvrir progressivement toutes les chambres qui, aussi bizarre que cela puisse paraître, ont été scellées à la mort de leur occupant et sont devenues de véritables mausolées à leur mémoire, qu'on peut observer à travers un judas. L'exploration de ces pièces, dans lesquelles vous arriverez à entrer par des "passages secrets", vous mènera toujours à un écrit et des objets qui vous en apprendront plus sur le défunt, qui vous feront découvrir ses derniers instants à travers une séquence de gameplay toujours différente.

Walking Simulator ?

Oui, What Remains of Edith Finch est ce que l'on appelle un "walking simulator". Je déteste cette appellation réductrice, surtout lorsqu'elle qualifie un jeu proposant de telles qualités narratives. Je préférerai donc "jeu narratif", et préciserai que justement, chaque séquence dédiée à l'une des âmes de Finch, chaque chapitre de cette aventure, propose une séquence de gameplay différente, qui a toujours le don d'au moins vous surprendre, si ce n'est plus généralement de vous bluffer par son originalité et vous mettre une belle claque dont vous vous souviendrez longtemps. Je me garderai bien de vous citer des exemples, je tiens vraiment à vous laisser le plaisir de cette découverte, mais sachez que chacun des membres de la famille Finch est parti de ce monde à un âge différent, dans des situations différentes, et qu'en apprendre plus sur eux et sur l'aventure de leur vie se fait à chaque fois à travers la douceur d'un poème macabre, étrange et marquant. Certaines de ces histoires m'ont vraiment remué, et j'avoue humblement avoir versé ma petite larme à deux reprises.

Tout ce que fait What Remains of Edith Finch, il le fait bien. On sent que la petite équipe de Giant Sparrow a bichonné sa deuxième oeuvre jusque dans les moindres détails. Je parlais plus haut de l'atmosphère dégagée par cette maison, de la qualité des récits et personnages dont on découvre le destin par le biais de séquences de gameplay originales et sans cesse renouvelées, mais il faut souligner également la qualité de la narration d'une manière générale. L'histoire est certes linéaire, ne propose pas de choix cruciaux ou autres embranchements, mais elle est si joliment racontée qu'on s'y sent totalement immergé, entraîné comme dans un bon bouquin à travers ses chapîtres et jusqu'à son dénouement. Les voix (en anglais) se voient sous-titrées à l'écran (en français), ou plutôt incrustées dans l'image, de manière toujours intelligente et poétique. Les lettres d'une phrase évoquant une cheminée s'échappent par le conduit de cette dernière comme de la fumée, celles d'une tempête virevoltent dans le ciel avant de faucher une tente... C'est bête, c'est un détail, mais il est marquant, comme tous les autres, comme toutes les petites ruses visuelles, les idées de mise en scène qui surprennent le joueur tout au long du récit.

Un grand bravo aux développeurs de Giant Sparrow, qui prouvent ici avec beaucoup de maîtrise et de talent que l'on peut utiliser les spécificités du jeu vidéo pour raconter de belles histoires, de manière innovante et surprenante.