Plus haut que les Limbes, le Paradis. Celui d'un petit chef d'oeuvre de jeu indé qui saurait nous surprendre et nous convaincre que ses géniteurs, sans oublier l'héritage que Limbo se devait de transmettre ici, avaient bien le talent nécessaire pour aller au delà de la simple redite, pour donner naissance à un nouveau jeu fort en personnalité et riche moments forts...

Au moment de lancer ma première partie d'Inside, je rêvais qu'une réponse de cet acabit s'impose à la question posée plus haut. Et je suis bien heureux de pouvoir vous le dire ici et aujourd'hui : c'est le cas.

Comme un air de famille

On reconnaît immédiatement la patte Playdead et l'héritage Limbo dans Inside. On y incarne un petit garçon qu'on déplace de gauche à droite sur un plan unique, on peut simplement sauter et s'agripper à certains objets, l'aventure commence dans une forêt sombre et inquiétante, on déplace des éléments dans le décor pour résoudre des petites énigmes liées à l'environnement et continuer notre progression, l'ambiance sonore se résume à des bruitages variés et à quelques nappes musicales venant appuyer certaines séquences... Bref, le jeu n'est certes pas en noir et blanc, puisqu'il affiche quelques teintes délavées à sa sombre robe, mais qu'importe : quiconque ayant joué à Limbo ne manquera pas de noter cet air de famille.

Mais si l'apparition bienvenue de ces quelques rares couleurs, accompagnées d'un rendu visuel bien plus varié et détaillé que les ombres chinoises caractéristiques de Limbo, ainsi que la respiration plus ou moins haletante du protagoniste, donnent immédiatement à Inside une personnalité à part, il ne s'agit pas de la seule différence entre les deux oeuvres vidéoludiques de Playdead. L'atmosphère d'Inside est tout aussi marquante que celle de son aîné, mais elle s'en démarque remarquablement dès les premières minutes de jeu, et il en va de même avec le gameplay.

Fuite en avant

Sans vous dévoiler plus que les toutes premières minutes de l'aventure, sachez qu'on incarne donc un jeune garçon en fuite, coupant en pleine nature pour tromper la vigilance des nombreux hommes armés, à pied ou en véhicules, parfois accompagnés de chiens, qui semblent le rechercher activement... mort ou vif. Pourquoi ? On l'ignore totalement au début, mais on le découvrira petit à petit, au fil des événements et de votre progression, sans jamais qu'un seul mot ne sorte de la bouche de quiconque. C'est précisément cette narration par la situation, par l'environnement, qui m'a beaucoup plu dans Inside. Et si le jeu reste totalement muet comme dans Limbo, il propose pour autant une histoire bien plus développée. Une part de mystère, d'étrange, subsiste évidemment, mais le scénario et l'atmosphère, en plus d'être très différents, sont surtout plus profonds et plus complexes.

Cette profondeur dans le fond, on la constate aussi dans la forme. D'abord de toute évidence dans les décors, qui nous feraient presque oublier le plan 2D unique sur lequel nous évoluons en permanence. Les artistes et designers de Playdead jouent à merveille avec les perspectives, nous surprenant toujours alors qu'on découvre sans cesse de nouveaux lieux. On trouve ici bien plus de variété que ce à quoi on s'attendait, et une fois de plus les décors nous disent toujours quelque chose de nouveau et d'intéressant sur le mystérieux univers dans lequel nous évoluons. Cet intérêt ne va que crescendo jusqu'au bout de l'aventure.

Enchantement obscur

Il en va de même avec le gameplay d'Inside qui, sur les bases évidentes d'un Limbo, s'est bien heureusement autorisé à faire certaines choses différemment et à aller clairement plus loin. Il s'agira donc toujours de progresser (souvent par l'échec, mais beaucoup moins que dans Limbo) en évitant certains pièges et surtout en usant de ses méninges pour résoudre de nombreux puzzles environnementaux.

Ces derniers sont plus complexes et plus variés, profitant de nouvelles mécaniques comme la possibilité de contrôler les mouvements de certains personnages tiers (je ne vous en dit pas plus pour ne pas gâcher la surprise). Ils profitent également d'environnements bien plus vastes, parfois propices à de grands allers-retours pour résoudre des "méta-puzzles", mais aussi d'objets plus originaux comme ces blocs dont on peut déclencher l'envol via une manivelle. Et puis le petit garçon qu'on contrôle ne se noie plus automatiquement lorsqu'il tombe dans l'eau, du moins s'il n'y reste pas trop longtemps, car il est possible de nager et de nombreuses séquences useront de cette spécificité. Vous devrez même naviguer à bord d'un drôle d'appareil durant toute une phase de gameplay assez surprenante (là encore je ne vous en dis pas plus...).

Les concepteurs des "niveaux" ont également fait un boulot remarquable pour nous proposer des séquences originales, qui vont de paire avec cette atmosphère délicieusement noire et étrange, presque dérangeante parfois. Toute la fin du jeu est à ce compte particulièrement marquante. Vous parviendrez d'ailleurs à ce final dantesque au bout de 4 à 5 heures de jeu, durant lesquelles le plaisir de progresser et de découvrir petit à petit cette drôle d'histoire ne connaîtra pas de temps faibles. Et à l'heure du point final, vous ne ressentirez pas la frustration d'un plaisir trop court. Que ce soit en termes de jeu, d'histoire et de maîtrise du rythme, Inside se termine tout simplement quand il faut, vous laissant l'impression d'avoir vécu un moment fantastique de jeu vidéo.