Avec Arc System Works et ses 72 versions de Blazblue, on a l'habitude : tout comme Capcom, la société de Yokohama à elle aussi mis la main jusqu'au coude dans "l'engrenage coupable" de la réédition annuelle de son jeu de baston phare du moment. Revelator est donc, vous l'aurez compris, une version 1.5 de Guilty Gear Xrd- Sign, sorti dans l'indifférence la plus totale en Europe il y a un an. Qu'apporte donc de neuf cette mouture "N+1" ? Et dispose-t-elle d'arguments suffisants pour combattre contre le monstre Street Fighter V ?

Superplayer Wanted

Guilty Gear n'est pas une série réputée pour son accessibilité, et ce n'est pas ce Xrd - Revelator qui fera mentir cet adage (au premier abord). Le jeu dispose d'un gameplay extrêmement complexe et complet, avec, à la surface, un système de "Roman Cancel" qui permet, en échange d'une partie de sa jauge de Spécial, d'annuler l'animation d'un coup, pour enchaîner avec une autre et ainsi pouvoir placer un combo extrêmement dévastateur dans les dents de votre adversaire. J'insiste bien : ce n'est bel et bien que la partie visible de l'iceberg, et comme nous l'avons tous appris à l'école (du moins, pour ceux qui ne dormaient pas au fond de la classe, près du radiateur) : ces gros blocs de glace capables de couler les plus gros bateaux de croisière tout en dépassant la saga Star Wars au box office, ne laissent apparaître que 10% de leur volume total hors de l'eau.

Jouer à Guilty pour la première fois, c'est un peu comme s'attaquer aux 90% restants avec un sèche-cheveux : un travail de titan, et un nombre incalculable de notions et de subtilités à maîtriser. En défense tout d'abord, avec le "Just Guard" qui permet de contrer par une choppe, le "Blitz Shield" qui peut se terminer par une attaque chargée, la "Faultless Defense" qui permet de maintenir son adversaire à distance, ou encore la "Dead Angle Attack" qui permet de placer un contre au timing serré au beau milieu d'un assaut ennemi que l'on aura au préalable bien défendu. L'attaque n'est pas en reste avec des priorités aussi nombreuses que complexes, un jeu autour de la relevée et des attaques "meaty", qui peuvent êtres contrées par un bon "reversal" des familles, lui-même pouvant être contré par une "safe pressure"... Ouf !

Ce système extrêmement complexe (je n'ai pas été exhaustif, loin de là) est en plus relevé d'un roster de 22 personnages, tous plus hauts en couleurs les uns que les autres, qui feraient passer Ryu et Sagat pour des clones (en exagérant un peu, tout de même). Les 16 combattants du précédent épisode sont tous là, DLC inclus (Leo Whitefang et la belle Elphet accompagnée de ses flingues à recharger). Viennent s'ajouter quelques petits nouveaux, comme Jack-O, qui m'a vraiment séduite avec son design probablement inspiré de Taokaka de Blazblue, et son gameplay totalement barré à base de servants à déposer sur le sol, puis à commander via un clavier à la Minority Report. D'autres anciens persos plus classiques comme Jam, mais aussi Johnny (pour me changer des pirates...) qui doivent charger au préalable leurs coups entre deux assauts, sont de retour. Raven sera disponible contre 200.000 piécettes ingame ou directement pour ceux qui auront pré-commandé le jeu, quand à Kum Haehyun, il faudra passer à la caisse avec de l'argent réel, tout comme pour pouvoir remettre la main sur la très sexy Dizzy, qui devrait bientôt faire son retour sur cette version.

Donne-moi ta main, et prends la mienne (dans les dents)

L'école est loin d'être finie ! Qui veut gravir une montagne commence par le bas. Et si haute soit elle, on y trouve un sentier. C'est en se basant sur ces proverbes qu'Arc Sys à dû concevoir son jeu. Dès le début, on nous explique les assises de ce gameplay via un tutoriel, qui est certainement le meilleur qu'il m'ait été donné de voir pour un jeu du genre. Point de fainéantise ici, on va rabâcher les principes de base intelligemment, dans plusieurs phases différentes, histoire de commencer à enseigner toutes les petites subtilités qui font le charme du jeu. On pourra ensuite passer sur le classique mode "Combo", qui nous apprendra les mouvements fondateurs de chaque personnage, puis des enchaînements allant du plus simple au plus élaboré.

On approfondira en parallèle notre maîtrise avec le mode "Mission" et ses 52 cours universels qui vont terminer d'enseigner toute la sophistication du gameplay au joueur avide de connaissances. En plus de tous ces instruments offrant au gamer une marge de progression plus accessible qu'en regardant des replays sur Youtube, on retrouvera aussi pas moins de 40 missions avancées de "Match Up", deux par personnages, qui vont nous apprendre comment réagir face aux attaques de ces derniers. Le joueur qui voudra apprendre à maîtriser ce Guilty Gear Xrd - Revelator disposera donc d'absolument tous les outils nécessaires sur sa galette pour progresser. Et je ne vous ai pas encore parlé de la FAQ, accessible n'importe où, ni du "Training", qui dispose de toutes les fonctionnalités inhérentes à la discipline, en y ajoutant un gros visuel de la position de votre croix directionnelle/stick en plein milieu de l'écran, et qui l'utilise allègrement pour vous faire la démonstration des différents inputs et timings nécessaires à la réussite des enchaînements les plus spectaculaires dans les différents modes d'apprentissage.

Vendre un jeu de baston avec un tutoriel aussi long et poussé devrait devenir une norme, et j'espère sincèrement que la concurrence va en prendre de la graine : ce nouveau Guilty place la barre très haut en terme d'accessibilité et vient de remonter les attentes que j'ai pour les autres jeux à venir au même niveau. Street Fighter V est enterré six pied sous terre et va avoir du mal à se relever de ce finish move infligé d'une main de maître par Arc Sys. La correction est totale, et dans la politique de révision de son jeu de combat fétiche, Capcom ferait bien de revoir sa copie et de s'inspirer de ce qui est fait ici plutôt que de passer 6 mois à nous pondre un mode histoire cinématique qu'on bouclera en quelques heures pour ne plus jamais y revenir...

Pour la petite histoire, Revelator possède d'emblée ce mode, plus qu'anecdotique, mais nous en reparlerons plus tard dans ce test.

Techniquement Stylé

Toujours dans le même esprit d'accessibilité, il est de bon ton de noter l'apparition du mode "Stylish" : en bourrinant boutons et directions au hasard, le joueur novice de passage pourra sortir supra-facilement des combos à faire rougir son hôte, qui aura pourtant passé moult heures à s'entraîner dur dans tous les modes précédemment cités. Cet ajout non négligeable, qu'on retrouvait déjà dans la série des Blazblue à l'époque, peut véritablement faire passer le titre dans une toute autre catégorie que le jeu de baston pour hardcore gamer : celle du jeu de combat sympa à sortir en soirée avec ses potes, puisque ce dernier n'a pas que des qualités de gameplay a faire valoir, mais aussi une très forte direction artistique et un côté spectaculaire démentiels.

Toujours sur des airs plus métal les uns que les autres (Let's rock !), le premier aspect visuel qui va venir frapper le néophyte droit dans la rétine, c'est le passage de sprites en 2D à de la 3D cel-shaddée, chose que l'on ne pourrait pas remarquer au premier regard. Quelle à été ma surprise quand j'ai vu tourner de mes propres yeux ma copie de Sign il y a déjà un an et demi maintenant ! Habitué à une série en 2D, je croyais avoir devant mes yeux un des plus beaux jeux du genre. Mais c'est avec les premiers mouvements de caméra lors de la présentation des persos, des attaques spéciales ou des délirants finish moves que je me suis véritablement rendu compte du potentiel graphique du titre !

C'est assez difficile à décrire avec des mots, et même les moult vidéos disponibles sur le net ne rendent pas hommage au jeu : la 3D intégralement cell-shaddée donne véritablement l'impression que le jeu a été réalisé en 2D, et lorsque la caméra se met à tourner autour des combattants, on a vraiment l'impression de jouer à un dessin animé ultra stylé ! Déjà fort de ce visuel dans Sign, Revelator améliore ici le bousin avec des graphismes plus fins et détaillés, mais aussi des effets visuels plus travaillés accompagnés d'une véritable gestion de la lumière sur les modèles 3D des personnages, en fonction du stage, le tout avec de nouveaux mouvements de caméra pour toujours plus de spectacle.

Avec toutes ces qualités, il est vraiment difficile de ne pas conseiller ce Revelator aux joueurs en quête de défi, ou d'un bon jeu de baston pour passer du temps avec ses amis. Il convient néanmoins de tempérer ses ardeurs avec les quelques malheureux défauts dont le jeu souffre. Tout d'abord, le mode MOM, qui promet de nombreuses heures de combat acharnés face à une IA extrêmement retorse, et dans lequel on utilisera moult items pétés comme des bombes en faisant évoluer les stats de notre personnage, s'est transformé. Son interface à changée pour passer d'un complexe damier à une bête reprise de l'écran de sélection de personnage. Dans un but d'accessibilité ?

Je vous parlais aussi plus tôt du mode "histoire cinématique" inclus dans ce titre. Ce dernier ne sera en fait qu'un visual novel, avec des panneaux de texte défilant sous les personnages, le tout entrecoupé de superbes cinématiques en 3D réalisées avec le moteur du jeu, qui donnent, encore une fois, l'impression d'être face à un dessin animé. Si le résultat aurait pu être très intéressant, avec un fil directeur dont dépendrait l'issue des combats et des choix cruciaux (je vous décris ici le système du mode histoire de Blazblue), il n'en est rien... car il n'y a pas de phases de gameplay ! Vous n'êtes que spectateur de ce pan de l'histoire, qui fait suite à celui de Sign. Et pour tout vous avouer, je me suis endormi juste après la cinématique d'introduction lors de ma phase de test, c'est dire...

Terminons sur ce qui doit être un point fort du jeu, mais qui montre tout de même quelques faiblesses : le jeu en ligne. Si le lobby est très original et réussi, cross-plateformes, organisé en zones géographiques (toutes accessibles, en opposition au zonage de Sign), et avec toutes les fonctions devenues la norme telle l'attente en mode training, j'ai tout de même été confronté à quelques soucis. Pas au niveau du net-code qui m'a semblé solide, mais surtout lors de la recherche de parties classées. Je n'ai eu aucun problème pour trouver des adversaires lors de matches amicaux, mais il m'a semblé que la communauté, déjà bien présente, boudait les affrontements plus « officiels ». Aussi, je n'ai pas pu télécharger de replay depuis les classements, mais gageons que ceci n'est qu'un problème inhérent à la période de lancement.

Avec une barre placée si haut sur de nombreux points, ce Guilty Gear Xrd - Revelator fait en tout cas véritablement partie de mes coups de coeur de 2016, et enfonce un clou déjà bien planté avec Sign. Un indispensable pour les fans de baston.