D'emblée, Mercury Steam et plus exactement son directeur artistique Rafael Jimenez impose son coup de pinceau cinglant. Exit les incrustations de visages au premier plan lors des dialogues, ou même les séquences animées façon manga. Désormais les cutscenes sont réalisées avec un cel-shading des plus classieux, quoique relativement figé. En effet, les lèvres des personnages restent quasiment inertes pendant la majorité des discussions. Évidemment, cela allège le travail de synchronisation labiale, bien que ce rendu puisse être aussi considéré comme un hommage aux toiles d'Ayami Kojima. D'autant que les principaux protagonistes sont loin d'être muets, malgré le climat de solitude qui accompagne comme de coutume cette aventure. On penserait même parfois que la plume de Jose Luis Marquez (directeur et co-scénariste) appuie lourdement sur la dramaturgie des évènements, à moins que cette grandiloquence ne vienne d'un excès d'emphase des doublages ? Une chose est sûre, le studio espagnol a voulu développer l'aspect narratif de Castlevania, en témoigne la division de cette épopée en trois actes distincts. Après un prologue aux côtés de Gabriel Belmont, cette quête débute ainsi avec son petit-fils, Simon, bien décidé à venger son père Trevor, qui s'était déjà lancé à l'assaut du château de Dracula une trentaine d'années auparavant. Une véritable réunion de famille en somme, à laquelle Alucard a naturellement été conviée... N'en dévoilons pas plus sur le scénario, si ce n'est qu'il permet d'incarner successivement ces quatre héros.

Pères fouettards

Ils manient d'ailleurs tous le fouet de la même manière, sur le modèle de Gabriel (et a fortiori de Kratos). Un bouton est dédié aux attaques directes, autrement dit à l'ancienne, et un autre à celles de zonez qui couvrent un plus large spectre au détriment de la vitesse, le tout, que l'on se trouve dans les airs ou sur la terre ferme. Il ne faut guère longtemps pour assimiler la portée de ces différentes techniques, idem pour les esquives et autres gardes au timing millimétré. La précision s'avère toutefois fatalement moins chirurgicale qu'avec les opus 2D, en raison de l'ampleur des mouvements. Cela dit, la différence entre un combat remporté sans une égratignure et une épreuve douloureuse dépend souvent d'une once de concentration supplémentaire, preuve que la notion de skill n'est pas tombée aux oubliettes. Et le fait que chacun de nos héros ait hérité d'un art du fouet identique - la génétique sans doute - va dans ce sens. Surtout qu'ils acquièrent également une multitude de combos, déverrouillées cette fois automatiquement à mesure que l'on amasse des points d'expérience. La dimension RPG en prend (encore) un coup, qui plus est en l'absence d'équipements ou d'objets à acheter (il n'y a pas non plus d'argent de toute façon). En revanche, nos tueurs de vampires se distinguent par le biais de leurs pouvoirs secondaires, un quatuor d'armes et d'aptitudes spécifiques à chacun d'entre eux. Certaines sont familières, comme la hache de Simon, la transformation en brume d'Alucard, ou le duo de magies de l'ombre et de la lumière pour Trevor, mais d'autres se révèlent plus originales, à l'image de l'esprit protecteur de Belnades, ou de la bombe électrique.

Miroir en relief

Et un phénomène de montée en puissance s'opère tout de même au fil de l'aventure, car si les actes ne suivent pas nécessairement l'ordre chronologique, le niveau et la plupart des compétences récupérées sont conservées lorsque l'on change de personnage, par exemple le double saut. Le producteur Dave Cox a beau s'en défendre canine et ongles, la progression s'appuie bel et bien sur un système à la "Metroidvania", puisque l'avancée de nos héros dans ce château dépend de l'apprentissage de ces différentes capacités. L'exploration et la plateforme font ainsi leur grand retour grâce à la présentation en 2,5D, avec des décors si soigneusement façonnés que l'on ne saurait regretter l'abandon de la 2D pure. En outre, la 3D autorise quelques variations d'angles de caméra et surtout une vertigineuse profondeur de champ quand on active la fonction autostéréoscopique. Ne pas en profiter tiendrait du sacrilège, tant elle est ici magnifiquement exploitée, en dépit d'une vocation essentiellement esthétique. Seules les sections aquatiques y gagnent en lisibilité, l'effet de relief n'ayant pas non plus d'utilité pour les énigmes. A ce sujet, les casse-tête de grande envergure - comprenez ceux qui s'accompagnent d'indices - se comptent largement sur les doigts d'une main, et sont plutôt simples en prime. Une grande partie des puzzles se résume donc à pousser des blocs, tout en se servant des talents d'escalade de nos héros pour atteindre des coffres et autres dépouilles de chevaliers. Leur recherche constitue d'ailleurs la principale raison de se creuser (un peu) les méninges et de fouiller l'antre de Dracula de fond en comble. Mirror of Fate marque de fait un réel progrès par rapport à la linéarité de Lords of Shadow, hélas sa facette exploration reste moins étendue que dans les épisodes 2D d'antan.

Entre "tradition et modernité"

Mercury Steam ne manquait pourtant pas de bonnes intensions, comme l'illustrent les téléporteurs et les repères à placer sur la carte via l'écran tactile. Cependant, l'apparition de points d'interrogations dès qu'un trésor est localisé rend ces notes superflues. D'autant que l'on a relativement peu d'opportunités de revenir sur ses pas, car chaque personnage ne peut accéder qu'à une partie de ce château. Leurs routes s'entrecroisent en de rares occasions, mais chacun mène sa quête de son côté. Une telle approche simplifie sensiblement les travaux de level design, sous couvert de cette intrigue scindée en chapitres qui s'enchaînent inexorablement. La fréquence des check points souligne cette orientation assez dirigiste. Ceux-ci sont les bienvenus, en particulier pour des néophytes peu habitués à la difficulté somme toute très abordable de ce Castlevania. Néanmoins, la présence de check points lors des différentes phases d'un Boss risque de faire grincer des dents pointues chez les chasseurs de vampires aguerris, à l'instar de quick time events franchement décoratifs, pour ne pas dire envahissants. Ils traduisent une interprétation décidément consensuelle de la saga, que symbolise la bande son très cinématographique. Les compositions d'Oscar Arauja se focalisent sur les orchestrations atmosphériques, et malgré quelques choeurs mélancoliques, ces musiques sont loin de nous hanter comme les thèmes mythiques du Konami Kukeiha Club. De même, l'endgame peine à nous occuper durablement. Il se cantonne en effet à reprendre les actes juste avant leur conclusion, pour rassembler tous les éléments cachés (avec un modeste bonus à la clé des 100%), tandis que le New Game Plus n'a que peu d'intérêt avec un niveau maximisé à 18, y compris en hardcore. La durée de vie se situe toutefois dans la moyenne de la série, avec une douzaine d'heures pour arriver jusqu'au générique de fin, après un épilogue qui laisse également un peu sur sa faim. Sans doute faudra-t-il attendre Lords of Shadow 2 pour être complètement rassasié... ?