Le brouhaha des spectateurs qui finissent de s'installer, le narrateur qui dresse la scène puis le rideau rouge de cette dernière, celle-là physique, qui s'ouvre. Là, dans un décor fait de collages et de juxtapositions d'éléments, comme dans un livre d'images, un corps, pendu. Quelques coups de stick et ce qu'on pensait être un cadavre tient sur ses deux jambes, avant d'être rejoint par une sorte de petit esprit au visage de petite fille, qui dotera ce corps nu d'une armure noire, et sera l'épée luisante dans ses mains.

Kamishibai et autres contes obscurs

Black Knight Sword interpelle d'emblée le joueur car son univers ne ressemble vraiment à nul autre. Inspiré du kamishibai (le bunkaru vient aussi à l'esprit avec les décors, les animations des personnages), ce titre disponible exclusivement sur XBLA et PSN possède une direction artistique vraiment très originale où des adversaires évoquent un peu certains yokai (créatures fantastiques japonaises) mais cotoient des fours micro-ondes regorgeant de coeurs (des vrais, pas ceux stylisés façon jeu vidéo), que l'on collectera pour les échanger contre une barre de vie plus grande, une armure plus solide, etc., via un globe oculaire géant pourvu de plusieurs bouches aux couleurs différentes. Oui, car cet oeil qui parle (grâce à la voix du narrateur) est très friand de l'organe pompeur de sang. Vraiment particulier, esthétiquement similaire à rien d'autre, Black Knight Sword intrigue et donne envie au joueur d'aller plus loin pour découvrir la suite.

La critique n'est pas unanime

Mais comme indiqué dans le chapeau de ce texte, Black Knight Sword, quelle que soit l'originalité de son esthétique, se revendique aussi et surtout des jeux d'action / plateforme des ères 8 et 16 bits. Ainsi, toujours sur le plan 2D imposé par ce petit théatre qui change son décor au fil de la progression, comme on passerait d'une case à une autre dans une bande dessinée, on saute, on double-saute, on file des coups d'épée, on esquive maladroitement, dans une aventure assez difficile, en fait, comme à l'époque, dans laquelle on ne dispose que de trois vies (la vie "0" compte) et où le Game Over renvoie au début du niveau. Niveaux qui sont relativement larges. Et c'est là que s'effrite malheureusement peu à peu l'envie initiale que l'on avait d'aller le plus loin possible pour découvrir ce monde torturé. Le jeu se termine en trois, voire quatre heures et à la fin, le sentiment que Black Knight Sword restera un titre anecdotique domine sans équivoque. Je crois que l'hommage rétro ne fonctionne vraiment que quand on réinvente habilement des mécaniques du passé pour les honorer, car sinon, on tombe dans la facilité d'utiliser des mécaniques désuettes et usées. D'autant plus que non, Black Knight Sword n'a pas la frénésie, la pêche, l'intelligence de game design et de conception des environnements d'un Ghost'n Goblins. Se créé alors un décalage entre l'ambition visuelle du titre et celle de son gameplay assez cruel. Cette belle chose étrange semble en effet un peu creuse et plutôt que d'y voir un quelconque hommage, c'est le sentiment d'un gameplay pas au niveau et très peu inspiré qui domine.

Peut-être certains trouveront-ils dans Black Knight Sword un plaisir rétro, avec ces sauts, ces double sauts, ces vies limitées. Pour ma part, je ne retiendrai de ce titre que son esthétique comparable à nulle autre, la vraie raison qui fait que l'on s'efforce à composer avec un level design pas vraiment folichon. A vous de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, pour accorder mes étoiles, j'ai choisi la première solution.