Pour quiconque ayant quelques connaissances du travail de Warren Spector, évoquer la notion de choix pour cette nouvelle aventure de la souris Disney n'a rien de surprenant. Au cours de son périple, Mickey sera confronté à des situations devant lesquelles il devra décider de quelle façon agir, à la manière dont il utilisera son pinceau magique, soit avec du dissolvant pour effacer, dérégler, détruire soit avec de la peinture, pour créer, réparer et amadouer. Un choix moral qui donne vie à des mécaniques de gameplay très intéressantes et astucieuses. Mais prenons tout d'abord le temps de situer l'intrigue de ce nouveau Mickey, dont on ne peut pas dire que son premier public soit celui des enfants... Pas des plus petits en tout cas, le titre est réservé aux 7 ans et plus.

Dans l'ombre de Mickey

Les aventures de la souris à culotte rouge prennent place dans un monde rouillé, éteint, fait de bric et de broc. L'envers du décor de la féérie Disney en somme, une sorte de parc Disneyland de fortune, copie fantasmagorique d'un succès, ici jamais effleuré. Ce Monde de la Désolation, c'est son nom, est peuplé de nombreuses figures oubliées, qui côtoyèrent Mickey lors de ses premières années. Ce dernier à qui les noms de Clarabelle ou d'Horace n'évoquent plus rien (un couple bovin présent dans les premiers cartoons Disney) s'est retrouvé happé dans cet univers désolé, en voulant, une fois de plus, jouer à l'apprenti sorcier. Poussé par la curiosité suscitée par sa lecture de De l'autre côté du miroir de Lewis Caroll, Mickey Mouse va enjamber le reflet du miroir qui fait face à son lit. Retrouvant alors Yen Sid, le puissant magicien de Fantasia, en train de manier un pinceau magique, Mickey va profiter de son absence pour s'essayer lui aussi à la magie, au dessus d'une représentation miniature du Monde de la Désolation, et par ce fait, créer le chaos dans ce dernier.

Mélangeant sans distinction peinture et dissolvant, Mickey va alors donner naissance à un monstre visqueux, qui va l'entraîner avec lui dans ce monde inquiétant, créé de toutes pièces par Oswald, le mal-nommé Lapin Chanceux. Car en effet, si Mickey ne se rappelle pas de ses anciens comparses, les résidents des limbes et en particulier Oswald le lapin, création originale de Walt Disney et prédécesseur de Mickey, se souviennent eux très bien de la souris qui a piqué la place du lapin... Car Oswald considère que Mickey lui aurait tout simplement volé sa vie. Le lapin s'efforce depuis de reproduire pour les personnages oubliés de tous, un monde à l'image de celui dans lequel Mickey a connu un tel succès : Main Street y est devenue Mean Street, une montagne constituée de produits dérivés, de toutes époques, à l'effigie de Mickey, fait office de repère sinistre pour Oswald, et ce n'est pas la célèbre souris, qui tient la main de son créateur en statue, sur la place de la ville, mais bien le lapin oublié... Il se dégage de cette histoire et donc de cet univers, un sentiment tout particulier, de mystère et de magie bien sûr mais aussi de nostalgie, voir même de tristesse. De celle que l'on peut ressentir face à ces personnages imaginaires désormais oubliés, comme de vieux jouets d'enfance que l'on a tant aimés, avant de les remiser au grenier.

Bon samaritain ou diablotin ?

Mickey, arrivé contre son gré dans le Monde de la Désolation, va devoir trouver un moyen de rentrer dans son propre univers mais également de remettre un peu d'ordre dans ce monde qu'il a dévasté... Enfin, ça, c'est selon le bon vouloir du joueur... Mickey rencontre dès le début de son aventure Gus, un gremlin. Rien à voir avec ceux imaginés par Joe Dante, Gus (qui vole en battant très fort des pieds) fera office de guide pour vos premiers pas dans l'aventure. Ensuite, vous rencontrerez bon nombre de ses congénères qui vous donneront des missions, que vous déciderez d'accepter ou non et surtout que vous déciderez de réussir selon votre convenance ou selon la leur... Par exemple, un de ces gremlins vous demandera de réparer un manège et pour cela vous devrez, au choix, remplir un réservoir de dissolvant ou de peinture. Vous êtes préalablement averti par le gnome que la peinture devrait réparer sans problèmes le manège alors que le dissolvant provoquera sûrement quelques effets inattendus...

Au fil de votre aventure, vos choix entraîneront des répercussions. Telle manière d'agir vous permettra d'obtenir une myriade de tickets mais pas un badge Disney par exemple (les deux servant à débloquer différentes choses). Car oui, la collectionnite a bien cours dans Disney Epic Mickey et les tickets rouges font office de monnaie pour vous procurer des badges, des artworks, des bonus. Récupérer des bobines lors des phases 2D vous permettra de collectionner les superbes cinématiques en dessin animé du jeu.

Gameplay rétro pour cartoons d'époque

Disney Epic Mickey est un jeu d'aventure et le plus souvent vous évoluerez avec votre pinceau magique, pressant un des boutons du Nunchuck pour envoyer du dissolvant et ainsi faire disparaître éléments du décor et ennemis, comme si vous projetiez de la Trempette tirée de Roger Rabbit. Ou bien vous appuierez sur la gâchette de votre Wiimote pour peindre, et ainsi faire apparaître des objets et rendre vos ennemis pacifiques. Mais entre les différentes zones des environnements, vous aurez comme passage obligé des phases de plate-forme à l'ancienne sur un plan 2D, et l'univers de ces niveaux est toujours en rapport avec un célèbre cartoon ancien de la souris (Steambot Willy pour citer le plus illustre). Ces phases de plate-forme seront l'occasion de prouver votre habileté au maniement du double saut mais surtout de ramasser tickets et bobines.

La jouabilité, sur un plan 2D ou en 3D, est bien pensée, le pointage de l'écran pour diriger le flux du pinceau est réglé au poil. Le seul défaut, malheureusement majeur, du gameplay de Disney Epic Mickey, c'est sa gestion des caméras. Si on peut replacer la caméra derrière la souris avec le bouton C ou l'orienter avec la croix de la Wiimote, celle-ci a souvent le don de se placer dans un angle où on ne peut pas apprécier correctement les perspectives ! Malgré ces quelques problèmes au niveau de la vue, Disney Epic Mickey est une réussite d'un point vue graphique, porté qu'il est par une direction artistique inspirée. Ses thèmes musicaux sont également très bons et plongent un peu plus encore le joueur dans cette aventure empreinte de mélancolie, au rythme équilibré, aux quêtes variées et aux mécaniques ingénieuses. De plus, toujours dans cette notion de choix, sachez que le titre propose quatre fins différentes, que vous atteindrez en une petite dizaine d'heures si vous tracez sans vous investir dans le titre, et en une bonne grosse quinzaine, si vous décidez de prendre bien tout le temps d'explorer. On ne saurait que vous le conseiller, Disney Epic Mickey regorge de secrets.

Warren Spector et son équipe ont relevé leur défi avec brio : Mickey a retrouvé ses lettres de noblesses vidéoludiques. Si quelques problèmes de caméra viennent un peu ternir le titre, la variété de ce qu'il propose (les quêtes soumises au choix du joueur, la "récréation" des phases 2D), ses mécaniques de jeu ingénieuses, sa direction artistique originale, ses musiques de grande qualité, le placent tout droit dans la lignée d'excellence que l'on connaissait avec les titres Mickey, à l'époque 16-bits. Disney Epic Mickey envoûte par son univers empreint d'une grande mélancolie et est un ravissement pour ceux que l'univers Disney et plus largement, l'histoire de l'animation, passionne. De par toutes ces qualités, Disney Epic Mickey s'impose comme un titre incontournable de la Wii.