Sauf si vous vivez dans une grotte, et que malgré votre connexion Internet improbable, vous n'avez pas lu les impressions sur le jeu, vous connaissez les grandes nouveautés de cet opus : des cases hexagonales remplacent les carrées, et il est désormais impossible d'empiler des unités d'un même type sur une seule case. Aurons-nous droit à un schisme entre les carréistes et les hexagonalistes ? Chaque nouvelle édition de Civilization est en effet l'occasion pour les indécrottables puristes (de mon espèce, je l'admets) de dire que "c'était mieux avant". Mais cette fois, il faut bien reconnaitre que le changement est globalement un franc succès.

Visuellement tout d'abord, la refonte du système est des plus appréciable : jolie découpe des continents, rivières et chaines montagneuses, différents environnements en fonction de la zone géographique, tout est rendu avec bon goût, et moult transitions entre les cases. On peut zoomer à loisir depuis la vue globale, jusqu'à pouvoir observer de près les nombreuses unités, qui sont détaillées et bien animées. Les pressés pourront d'ailleurs désactiver les animations de combat, mais ce serait néanmoins dommage car le moteur du jeu - compatible DirectX 11 - propose, dès que l'on progresse un peu dans le temps, des explosions chatoyantes. On regrettera cependant l'absence de différenciation visuelle d'un empire à l'autre, hormis les unités propres à chaque leader : pas de différentes couleurs de peau ou de tenues spécifiques.

Machiavel au Canada

Je l'avoue tout de suite, la diplomatie n'est pas mon fort. Sans quoi je n'aurais pas choisi une carrière d'informaticien barbu derrière un écran, mais passons. Heureusement, une grande partie de Civilization V se joue sur la conquête militaire, et si vous pouvez tout de même jouer au pacifiste et tenter la victoire scientifique ou diplomatique, écraser ses ennemis d'une main de fer dans un gant de fer sera souvent une nécessité. Mais donc, finies les "piles de la mort", de dizaines d'unités sur une même case, envoyées tout détruire sur leur progression inexorable. Maintenant, il faut planifier ses déplacements, comme dans tout wargame bien senti. L'assaut des villes se doit donc d'être bien organisé : celles-ci possèdent leur propre score de défense, et peuvent bombarder les assaillants. A vous d'envoyer un front terrestre solide, qui mènera l'assaut et l'ultime prise de la cité, pendant que des unités à distance, plus vulnérables, ou encore des avions ou des navires, pilonneront des cases plus éloignées.

Un système de combat agréable en pratique, mais qui n'est pas sans quelques anicroches : souvent, l'organisation d'une attaque va ressembler à une partie de taquin et on passera plus de temps à interchanger des troupes qu'à vraiment se déplacer. De plus, l'absence d'une commande "annuler" se fait cruellement sentir, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai juste cliqué avec la mauvaise unité sur celle d'à côté, me faisant perdre un tour pour les deux...

En parallèle de l'aspect militaire, on continue de faire évoluer sa civilisation en sélectionnant ses recherches dans un arbre de connaissances, qui débloquent des technologies, ressources, unités ou merveilles, et permettent d'atteindre finalement l'ère futuriste, afin de construire un vaisseau spatial à lancer vers l'inconnu. Ici, pas de changement fondamental, même si la course aux merveilles semble être un chemin de victoire moins facile d'accès qu'avant.

Le Calife honni

Principalement un jeu solitaire, l'IA est une part très importante de Civilization V. Entièrement revue, elle ne m'a toutefois pas toujours semblé d'une subtilité exemplaire. Déjà, il est notable de constater qu'il n'y a plus d'indicateur de l'état des rapports avec les autres leaders, autres que "hostile" ou "en guerre". Impossible donc de tester l'effet de chaque négociation de façon numérique ! Ensuite, même si j'ai pu rencontrer quelques cas sournois de retournement de veste, les relations sont souvent assez expéditives. "Bonjour, soyons amis, ouvrons nos frontières !" alors qu'on vient de rencontrer la nation, ça peut surprendre, de même que le "Tu cherches la guerre, à masser tes troupes comme ça à ma frontière ?" alors qu'on a juste un pauvre scout perdu en reconnaissance...

De plus, l'absence des religions dans cette nouvelle mouture de Civilization supprime un motif d'alliances ou de conflits du jeu. Remplacées par le nouveau système d'arbre de "politiques sociales" qu'on peut débloquer au cours du jeu, il est dommage de constater que celles-ci n'entrainent pas d'affinités ou d'antipathies. Votre régime totalitaire s'entendra très bien avec votre voisin prônant la liberté, tant que les échanges de biens précieux seront nécessaires.

Néanmoins, l'IA fait son office plus qu'honnêtement. Un chef-d'état agressif saura négocier la paix à fort prix après s'être mangé les dents dans votre défense impénétrable, ou au contraire tirer partie de votre faiblesse dans un conflit pour en ajouter une couche. Et si vous massez des troupes - comme le tout nouveau "Robot Géant de la Mort" - en sifflotant près d'une frontière voisine, en revanche, ne comptez pas sur votre future cible pour tomber des nues. Tous les leaders sont modélisés et doublés de façon sympathique, et ont leur propre personnalité, assez bien retranscrite. Vous aurez d'ailleurs vraiment envie de baffer certains qui viendront vous narguer (surtout les reines, d'ailleurs, qui sont particulièrement bitchy).

Un Romain d'amitié

Civilization V est un jeu tellement riche qu'il serait impossible d'en parler in extenso sans en faire une tartine de dizaines de pages, alors autant écourter pour revenir sur un dernier point sympathique, dans les nouveautés : les Cités-États. Totalement indépendantes, les interactions avec elles sont souvent la clef du succès dans une partie. Contrairement aux autres civs, vous pouvez juger de votre entente avec elles via une jauge. Pour remplir la jauge, vous pouvez leur donner de l'or ou des unités, ou encore accepter les missions qu'elles proposent (attaquer une autre cité, construire une route, détruire le camp de barbares le plus proche...). Vous deviendrez alors amis, puis alliés. Dans ce cas, vous pourrez alors profiter des ressources en leur possession, et aurez également droit régulièrement à des dons d'unités.

Bien sur, rien ne vous empêche d'épancher votre soif de conquête territoriale et de les annexer sauvagement si vous préférez. Mais en fait, les avantages qu'on gagne à les avoir comme alliées dépassent généralement le gain brut de la capture de leur zone. Toutefois, l'influence acquise diminue inexorablement au fil des tours, il ne faudra donc pas oublier de graisser la patte de nos amis pour pouvoir continuer à profiter de leur soutien !

Il me reste encore à parler en vrac d'autres améliorations bienvenues. La gestion centralisée des mods, au sein même du jeu, permettra à l'importante communauté d'amateurs de Civ d'apporter tout son lot de modifications plus simplement, et même si à l'heure du test seuls de modules de démo sont disponibles, d'ici peu de temps tout un chacun pourra trouver son bonheur de personnalisation. On notera aussi le fait de pouvoir acheter les cases adjacentes à une cité pour accélérer son expansion démographique, et les nouveaux pactes "secrets" contre un ennemi commun.

Au niveau des regrets, en plus de ceux déjà évoqués, des tous petits riens, pour chipoter : impossible de nommer les villes librement, et pas de multijoueur "hot seat" sur une seule machine : le multi est uniquement possible via le net ou en réseau local. D'ailleurs en l'absence de plusieurs clefs, et de joueurs en ligne, nous n'avons hélas pas pu le tester, il faudra donc attendre vendredi pour s'y mettre ! (Petite correction, effectivement dans cette version finale un très discret lien permet de renommer les villes !)

On peut donc dire que Firaxis a réussi son coup. Facile à prendre en main même pour le débutant le plus absolu, et tout de même riche de multiples systèmes de jeu, Civilization V devrait séduire sans problème les fans de stratégie. L'absence des religions sera peut-être comblée dans une future extension, mais même en l'état, c'est un must en son genre. Prévoyez donc vos nuits blanches, et une machine pas trop antique pour le faire tourner... hé ! Oui : c'est aussi ça l'évolution !