Si les graphismes de Darksiders ne caracolent pas au niveau des dernières grosses productions, ses créateurs ont eu la bonne idée de ne pas surcharger ses décors, et de laisser à sa patte graphique le soin de charmer les joueurs (probablement gênés par des soucis de rafraichissement de l'image récurrents mais pas insurmontables). Cet univers post-apocalyptique chatoyant est en effet singulier. Baroque, brutale, bling-bling tout à la fois... la direction artistique de Joe Madureira ne laisse pas indifférent. On aime ou on déteste, notamment ses personnages aux courbes outrancières tant dans la représentation d'une rare féminité fantasmée que d'une virilité obligatoirement musculeuse. Guerre, son héros, est aussi large qu'une rame de métro. Ses grosses mains, sa grosse épée, et sa grosse voix parachèvent ce message que tout son être tend à nous délivrer : "Je suis Puissance". Une brute épaisse, un monstre au sens littéral du terme, conçu dans le seul but de semer la destruction sur son passage.

I am War !

D'ailleurs Darksiders débute par des affrontements stylisés à l'américaine, où les ralentis mettent en valeur la puissance brute et les gerbes de sang. Doté de sa seule épée au début de son périple, Guerre voit son arsenal augmenté de deux armes lourdes qui lui permettent de s'adapter à différents cas de figure : la faux défouraille tout autour de lui, le gant fracasse et projette ses adversaires. Chacun de ces instruments de mort dispose d'un emplacement pour une amélioration spécifique, et gagne en puissance d'attaque selon sa fréquence d'utilisation. Comme notre cavalier trahi n'est que colère, il dispose de Pouvoirs de Courroux, des capacités redoutables en mêlée. Au final, on est moins face à une logique de combos libres et fluides qu'à un choix stratégique de l'arme à préférer en fonction de la situation. Enfin, vient s'ajouter la quincaillerie nécessaire à la progression dans les donjons, très efficace comme arme d'appoint tel le Wararang à mi-chemin entre le boomerang et le shuriken géant.

Inspirations légendaires

Chaque apport à votre inventaire est comme un cadeau de noël trash découvert par un Link plus musclé et hétéro. Un coffre, un gros coup de poing ("Viril" on a dit !) et un thème de victoire tout en percussion et baryton. Boom ! Voici un boomerang doté d'une fonction déchiqueteuse, indispensable pour déclencher des interrupteurs jusqu'alors inaccessibles, ou enflammer des bombes à retardement purulentes. Les donjons ne dépaysent donc pas. Des énigmes à base d'interrupteurs, de plateformes, de bombes, des salles verrouillées jusqu'à la fin d'un affrontement... toute l'essence d'un Zelda a été captée et réutilisée à bon escient. On pense aussi à Soul Reaver pour le coté architectural-décadent des puzzles à blocs, les belles ailes mortes de Guerre et l'ambiance assez sombre (le scénario par contre n'est pas comparable au travail d'Amy Hennig). Mis à part un souci d'inertie de Guerre qui se retrouve aussi attiré par le vide qu'un chevalier Jedi, la progression se fait avec un plaisir rarement démenti. Darksiders n'est pas d'une simplicité niaise, mais il ne se base pas non plus sur la frustration.

La taille compte

Seuls les boss et de manière générale quelques adversaires nouveaux donneront du fil à retordre. Saisir dans leur intégralité leur schéma d'action assurera la victoire, de même que l'utilisation de l'accessoire obtenu dans le donjon correspondant jouera un rôle essentiel dans nombre de ces combats titanesques ou la maxime "Plus c'est gros plus c'est beau" fait office de philosophie. Et il faut bien à Guerre toute sa confiance en ses qualités de prédateur pour s'attaquer à des proies aux dimensions et aux attributs abominables. Les finals monumentaux de violence exagérée quoiqu'atténués par l'aspect Comics ne s'adressent clairement pas aux âmes sensibles. De même, le rythme échevelé de Darksiders met les nerfs à rude épreuve, tant l'action s'enchaine dans une accélération et une surenchère ininterrompues mais jouissive, de taille, de nombre, de puissance et de volume d'hémoglobine. Non dénué d'un certain humour et même de sentiments (amitié virile, respect chevalin...) le titre coup de poing de Vigil Games n'a décidément peur de rien !

Si Darksiders reprend tous les éléments cultes de ses sources d'inspiration (les Zelda et Soul Reaver en tête), il les utilise à bon escient pour se créer une personnalité propre, entre orient et occident. Il n'a pas pris de risque me direz-vous, mais en termes de gameplay son bon goût mérite d'être salué. Son style inimitable, le plaisir immédiat qu'il procure, sa montée en puissance exemplaire, en font un excellent titre de référence dans la catégorie action-aventure. Le niveau vient de monter d'un cran.