Bien avant l'ère des "animés", il y avait la folie des années 80. De ces jouets d'une solidité à toute épreuve, on a créé une guerre entre deux camps, avec tellement d'idées qui partent dans tous les sens, dans un "cartoon" comme on disait alors. Chaque robot avait sa propre fonction, dictée par sa transformation. Soundwave est un radiocassette (hé, c'est les 80's) qui balance des cassettes-espions. Le microscope est un savant. Tandis que la fusée géante est un transporteur. Puis on élabore : il y aura des traitres comme des froussards et fort heureusement, très peu d'humains. Et puis au sommet de cette société robotique, le clash : l'affrontement de ses deux chefs charismatiques, Optimus Prime et Megatron. Avant les films, avant les trucs en images de synthèse, celle que l'on appelle affectueusement Generation One est une série géniale. Si j'en parle, c'est que c'est que c'est en elle que vient puiser La Chute de Cybertron.

Les contes de Grimlock

Je suis toujours rassuré de voir quand un jeu reprend l'univers de la série TV plutôt que les films dont les adaptations sont au mieux médiocres sinon complètement nulles (à mon avis). Et en même temps, comment faire quelque chose de correct tiré de films où un mini-chien robot se masturbe sur la jambe de Megan Fox ? Le casting de la série est si riche qu'Activision et High Moon Studios n'ont qu'à se pencher pour piocher dans le vivier incroyable de Transformers pour trouver qui sera au casting de cet épisode. Alors en plus de Metroplex, la ville-robot grande comme 100 fois le Forum des Halles, ce sera Grimlock, le robot tyrannosaure aussi stupide qu'il est puissant, la vraie star américaine de l'aventure. Il est surtout plus rigolo à regarder que la totalité des comédies françaises depuis 20 ans.

Il n'arrive qu'à la fin d'une aventure qui pourrait simplement se résumer par "des gentils robots affrontent des méchants robots sur leur planète mourante". Le temps du chapitre et demi où il est dans l'arène, à tout casser sur son chemin, il fait dérailler le jeu de son itinéraire de "Warfare Moderne".

"Schnell ! Schnell !"

L'essentiel du temps, Fall of Cybertron n'est qu'un TPS, un shooter tuné de robots des années 80 qu'on aurait repeints d'un vernis SF très 2010. Comme dans les films de Michael Bay, entre les explosions, les tirs et les roulé-boulés au ralenti, tout finit par se confondre dans un grand et répétitif merdier de métal. Tout se ressemble tellement qu'on se demande parfois où il faut aller et surtout qui sont les méchants. Dans un shooter de guerre, l'uniforme et parfois la langue étaient de bons moyens pour s'y repérer, avec une très large préférence pour Call of Duty 3 : quand tu entends "Schnell ! Achtung ! Achtung !", tu peux être certain que c'est là qu'il faut tirer ta bastos. Les Decepticons ont beau être les meilleurs némesis de jeux vidéo depuis les Nazis (d'ailleurs l'un d'eux se révèle être un cyber-Mengele !), le rendu n'est pas toujours du meilleur goût, surtout quand on va bugger dans les scripts du décor ou quand c'est carrément le script suivant qui nous lâche, bloquant ainsi le déroulement de l'histoire. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, le style "Call of", gun à la main, ne requiert pas vraiment de se transformer, ce qui est regrettable quand on s'appelle Transformers.

Call of Robotics

Fall of Cybertron ne se donne pas vraiment la peine de changer de routine par rapport aux "Call of", une structure déjà passablement recyclée dans le jeu Transformers précédent, La Guerre pour Cybertron. Et on replonge dans un monde avec un curseur à suivre dans des niveaux-couloirs, souvent aux côtés d'un partenaire-tutoriel permanent dictant la marche à suivre. Le style TPS se colle toujours de manière un peu absurde sur les robots qui finissent par avoir exactement les mêmes armes qui se ressemblent à peu près toutes. Et que dire d'Optimus Prime qui achète des armes supplémentaires dans les bornes Teletran comme on passerait au distrib automatique pour récupérer des billets... c'est un peu ça, l'absurdité d'une formule TPS qui joue les décalcos sans s'encombrer de s'adapter à tout avec un minimum de cohérence. En lieu et place des vrais ennemis de la série, on passe des segments entiers de couloirs à butter des centaines d'anony-bots sans aucune importance. Et à ramasser des "Audio Log" qui n'amuseront que les collectionneurs de succès. C'est fou ce qu'il y a comme trucs inutiles qui trainent dans les TPS génériques.

"Why so serious ?"

Bizarrement pour un jeu en ligne qui applique aussi avec méthode la skin Transformers sur ce qui revient à du Call of Duty, il ne manque que le mode Campagne en coop à l'arsenal de La Chute de Cybertron. Car pour tout ceux qui auraient envie d'aller se faire humilier en ligne... c'est.. La. Même. Chose. A tel point qu'on finit par se demander pourquoi préférer ce mode en ligne-là plutôt qu'un autre déjà sorti. C'est réjouissant, le fracas de métal, la customisation, d'imaginer ses stratégies, gérer son argent gagné au cours d'une partie. Mais il y a tellement de jeux en ligne sur le marché qu'on peut se demander si la différence "Transformers" va fidéliser les adeptes de grosses bastons qui crient et qui tâchent.

"Me Grimlock, bash brains !"

Malgré son jeu en ligne calibré, il ne faut pas s'y tromper, on joue à Transformers pour son histoire, pour la personnalité de ses robots. Chacun des niveaux propose une approche différente, suivant celui que l'on incarne. Infiltration, poursuites aériennes, escalade au grappin ou gros bourrin comme Bruticus, ces niveaux évitent la répétition tandis que le drame de Cybertron se poursuit. La Chute de Cybertron a parfois des allures de fanfic, se rapprochant très franchement des comics qui sortent en ce moment chez IDW. Un jeu pour fans, fait par les fans désireux de se faire plaisir. Les clins d'œil maboules s'enchainent, les dialogues font mouche, servis par Peter Cullen, "LA" voix officielle d'Optimus, et accompagné ici de l'hilarante prestation de Greg Beger, le comédien historique de Grimlock, qui porte littéralement le jeu, même quand il n'est pas là. Un jeu à gros budget pour fans, c'est rare par les temps qui courent.

C'est toujours une idée étrange que de marier le style roi des ventes de fins d'année avec n'importe quoi. Ici, une licence de dessins animés bientôt trentenaire. Et c'est précisément quand les robots ne reprennent pas les rails assez limités du FPS classico que les niveaux en deviennent meilleurs. Plus que dans les autres jeux Transformers, il y a dans La Chute de Cybertron ce petit côté de bac à jouets, quand tout gamin, on plongeait sa main dans ses figurines et ses robots pour leur inventer des histoires. En 2012, les références hallucinantes arracheront sans doute quelques larmes de nostalgie complice à ces gosses qui ont reçu un de ces jouets pour leur anniversaire comme à ceux qui scrutaient les diffusions erratiques en finissant leur dernier Benco. Comme si Grimlock pouvait encore exister aujourd'hui, dans un monde passé au filtre explosif et abrutissant des films de Michael Bay. Et tandis que le T-Rex robot casse tout à mesure que la planète sombre, arc-bouté sur un tas de métal, Optimus Prime scrute l'horizon. Il faut arrêter Megatron, quel qu'en soit le prix.