Test réalisé à partir d'une version commercial d'import japonaise.

Des sensations japanim' pures

Queen's Gate pourrait se résumer à ce High-Concept de fou : "un tactical-RPG où l'on finit par déchirer les vêtements des guerrières que l'on affronte". Le fétiche du bustier arraché, de la fille soumise dans la défaite est aussi vieux que l'érotisme et le jeu vidéo a aussi eu droit à ses petits instants cultes. Il y a eu les classiques, tout juste évocateurs, comme Jessica la fille d'Haggar retenue en otage au début de Final Fight ou encore King, la "Lady Oscar" du coup de pied sauté d'Art of Fighting. Puis il y a la nouvelle garde de la friponnerie comme Galgun et son extasy shot à faire vibrer toutes les filles ou encore les prisonnières de Criminal Girls dont le level va monter au fur et à mesure des fessées. Sexy (préférablement) ou pas, les demoiselles en détresse figurent dans la matrice du jeu vidéo depuis Super Mario Bros et pourtant aujourd'hui, des petits malins japonais repoussent la décence jusqu'au "barely legal".

"Clique, Sa*$#e !"

Et des demoiselles en difficulté, il y en a des wagons entiers ici, toutes assez sexy et court-vêtues. En fait, les coquins de Banpresto n'en sont pas à leur coup d'essai. Adapté d'un dessin animé, lui-même issu d'un manga qui lui-même s'inspirait d'un livre-dont-vous-êtes-le-héros, Queen's Gate est un prétexte à ce que différentes héroïnes de galaxies totalement séparées s'unissent contre un seul et même oppresseur. En mettant de côté les quelques monstres du bestiaire, ce tactical-RPG est à 99% féminin. L'autre particularité qui a fait la légende auprès des otakus, c'est son système d'attaques localisées à certains points du corps. A force de frapper aux mêmes endroits fragilisés, l'armure de l'ennemie finira par se briser, laissant apparaitre de jolies images de filles vaincues. Il ne sera jamais question de nudité, les morceaux de tissus et bouts d'armures bloqueront toujours harmonieusement les tétons que l'on ne saurait voir. Déshabiller des filles. Sauver le monde. Vaste programme.

Le dernier opus de Queen's Gate est, stricto sensu, un tactical très solide. Il s'agit d'un véritable Super Robot Taisen quasi entièrement féminin, et dont la mécanique sèche est intensifiée par des aires de combat plus petites, comme si le jeu voulait nous inciter à dessaper les nanas encore plus vite. On retrouve presque le confort du cousin robotique désormais vingtenaire, avec des petites attentions comme la possibilité d'abréger les magnifiques séquences d'animation. Car bien que délirantes et très bien réalisés (Banpresto doit être un des meilleurs producteurs de 2D à l'ancienne avec Vanillaware), on finira fatalement par les esquiver, surtout pour accélérer encore plus le rythme des combats. Poussant l'hommage aux robots jusqu'au bout, Queen's Gate propose aussi de suivre plusieurs itinéraires scénaristiques ce qui obligera le fan à faire quelques sauvegardes stratégiques pour ne pas se refaire intégralement la cinquantaine de missions pour tout découvrir. Et pour vaincre les pics de difficulté, il sera heureusement possible de se faire librement quelques missions pour remettre à niveau les retardataires. On est devant un clone assumé qui ira jusqu'à copier l'habillage et la typo des menus.

Star-Fucker

Mais les fans le savent, pour réussir un Super Robot, il faut un bon casting, des personnages et des machines qui se mélangent harmonieusement. C'est peut être parce qu'ils ont senti que le jeu allait faire son ramdam que de nombreux éditeurs ont prêté leur personnage féminin chéri dont certains sont devenus au fil des années des icones pop. La plus connue est sans doute Mai Shiranui venue tout droit de la galaxie King of Fighter / Fatal Fury avec l'élasticité mammaire légendaire qu'on lui a toujours connu. Du même SNK débarquent Iroha et Cham Cham qui ont fait leurs preuves dans Samurai Spirits. De la bande à Arc System Works, on aura Dizzy de Guilty Gear et Noel Vermillion de Blazblue tandis qu'Ivy, Wonder Momo et Lili de SoulCal et Tekken représenteront la grâce made in Namco. Ne cherchez pas une logique, il n'y en a pas plus que pour les robots géants de la Terre qui s'unissent contre les tyrans de l'univers. Pas plus, non plus, que chez Modok qui tabasserait de ses petits bras Galactus dans Marvel Vs Capcom 3.

Mais il souffle ce petit parfum de scandale sur le portail de nos reines. En fait, Banpresto s'est fait frapper très fort les doigts : l'éditeur avait en effet essayé de minimiser la portée érotique de son jeu. Certes, on n'y trouve pas de nudité "full frontal" mais certains personnages ne sont clairement pas en âge de commander une bière. Ou de conduire une voiture. Eventuellement de passer le brevet des collèges. Ou alors, c'est qu'elles paraissent jeunes, par le truchement de la biologie elfique, du progrès de la science ou simplement les traits d'un dessinateur (peu ?) scrupuleux. Un véritable jeu de dupe, pris la main dans le pot de confiture. Le CERO, l'organisme d'évaluation et de classification des jeux vidéo nippons, a décidé de basculer Queen's Gate en catégorie D, soit "17 ans et plus", un sort un peu analogue à Meruru no Atelier, repassé en "12 et plus" pour ses nudités tout juste dissimulées par la fumée des bains publics. C'est tout le paradoxe d'une société totalement libérale mais où les fans hurlent à la mort à la moindre divulgation de clichés compromettants d'une comédienne de doublage qu'ils croyaient virginale. L'objet du scandale, ici, c'est ce "lait magique" qui se répand onctueusement sur les vaincues, pour peu que l'on ait réussi une victoire parfaite. Ce qui veut dire : avoir équipé un item bien spécifique sur le seul bonhomme du jeu, avoir explosé l'armure de l'adversaire en entier et enfin avoir donné le coup de grâce suivi d'un QTE avec ce même héros. C'est trop de contraintes pour que ce gag gluant ne se déclenche par hasard. Mais internet a bien fait son œuvre en relayant quelques images indécentes, suffisamment tapageuses pour décourager certains média amis de parler de ce Tactical-RPG tendancieux. A l'heure où commence une bataille pour la censure des mangas au Japon (et plus spécifiquement à Tokyo), la feinte cracra de Queen's Blade apparait surtout comme un délire d'ado. Et c'est rarement de cette période de la vie dont on est le plus fier.

"Got milk ?"

Il serait logique de ranger Queen's Gate dans le bac des bouffonneries aussi surement que les films érotiques rigolos qui égayaient les dimanches soirs des plus âgés. Mais c'est sans doute quand on l'attend le moins que vient la véritable subversion. Tout d'abord, il y a ce paradoxe où voir une de ses combattantes dans une position délicate signifie qu'on est en train de perdre la bataille. Et puis il y a Jean, ce héros improbable et seul référent masculin qui devait permettre une certaine identification. C'est un obsédé, certes, et c'est sans doute son plus gros point commun avec le joueur. Il est plutôt costaud mais bouge si peu sur la carte du wargame qu'il en devient inefficace. Avec son charisme d'endive moite, il est l'exact opposé de cet Alpha Male dont la disparition obsède tant Eric Zemmour. Et les filles ? Quand elles ne sauvent pas la mise en débarquant comme la cavalerie quand il ne reste plus aucun espoir, elles suivent un itinéraire "shonen" classique, à savoir le cycle : défaite, prise de conscience puis union sacrée. Queen's Gate serait un véritable itinéraire de revenge movie où, comme une ultime provocation, ce sont finalement elles qui sauvent les continuums. "Les filles ne se laissent pas faire."

Même avec une mécanique de jeu bien rodée empruntée aux meilleurs, à trop jouer avec ses puissantes métaphores laitières, Queen's Gate est quasi indéfendable. Mais au-delà de sa surenchère de grivoiserie se cache une image inhabituelle de para-féminisme où les femmes en détresse se rebiffent comme dans un revenge movie , où les plus fortes compagnonnes de lutte débarquent en renversant complètement le cours de la guerre contre le mal(e). Et pour les autres chenapans apolitiques, il reste le plaisir de se cacher pour jouer avec sa PSP, comme lorsqu'on se planquait pour découvrir les premières joies de l'érotisme, sur papier ou sur écran. Pas de quoi rendre sourd.