Difficile de ne pas aborder les relations chaotiques entre ce studio et Nintendo. Porté par les succès répétés de ses titres en Occident, Rare caressait la volonté de s'affranchir de l'emprise du géant japonais. Fini les univers sucrés et bon enfant, le studio anglais souhaitait explorer d'autres thématiques. Mais Nintendo faisait bloc, propriétaire à hauteur de 25% du capital de Rareware, aucune initiative en dehors des limites de la ligne éditoriale imposée ne lui était accordée.
 
C'est en trainant les pieds que le développeur se lance dans la production d'un clone du hit Banjoe and Kazzoie, Conker's Quest. Démotivé, le studio anglais joue la montre. Le jeu est à de multiples reprises renommé, la relation de travail n'est plus au beau fixe et tourne rapidement au marivaudage entre Rare et Nintendo, le donneur d'ordre. Les jeux Rare ont surtout brillé par l'économie de leurs moyens et la puissance de leurs effets, dotés, ce qui ne gâche rien, d'un visuel attractif. Le studio vedette respectera le cahier des charges (univers naïf), mais sera dans la forme aux antipodes de l'idéologie première de Nintendo.
 
La métamorphose morale du personnage central (le gentil écureuil passe du personnage de cours de récré à un énergumène grossier assumé) choque l'état major américain du géant de l'édition. Le militantisme de Rare déplaît en haut lieu, les méventes de Conker's Bad Fur Days leur donnera du grain à moudre. Il sera sabordé par Nintendo of America qui a refusé de le distribuer et de le soutenir commercialement par une campagne marketing adéquate, ce titre faisant tache dans le portfolio du constructeur.
 
Une campagne de dénigrement sera mise en place en interne. Rare est de moins en moins sollicité, sa productivité passe à 9,5% en 2001 et sombre à 1,5% l'année suivante. Des voix s'élèvent pour se débarrasser d'un studio ingérable et coûteux d'autant que la montée en puissance de Retro Studios, Left Field isole le petit génie anglais. Finalement, Rare sera cédé à Microsoft pour la bagatelle de 375 millions de dollars le 25 septembre 2002 sans manquer de critiquer publiquement son ancien dauphin dans le but de mieux faire accepter cette séparation.