Stallone. Un nom qui a
forcément marqué toute une génération de désormais trentenaires.
Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, on ne peut nier qu'il est un de
ces repères de toute une époque. Celui qui a créé des
figures aussi mythiques que Rocky et Rambo. Comme deux facettes d'une
Amérique qui veut continuer à croire que tout est possible en son
sein (Rocky) et qui voudrait effacer de sa mémoire la défaite et le
traumatisme (Rambo). Des films marqués par leur époque et qui en
retour restent des symboles des années 80.

Mais Stallone, c'est
aussi beaucoup plus que ça. Certains ne gardent de lui qu'une
caricature souvent due à une voix française rauque éloignée de
l'originale, et véhiculée encore aujourd'hui par les Guignols. Et
il me semblait dommage de s'arrêter là. Stallone est en effet un
être attachant et profond. Un scénariste subtil et un réalisateur
solide. Nombre de ses oeuvres valent incontestablement d'etre
(re)découvertes. Un artiste complet, marqué par son origine
modestes, et par ses erreurs et ses errances. Une vie à
l'image des personnages qu'il s'est écrit quand personne ne voulait
le faire. Une vie arrachée au destin
.


ROCKY : LE REVE AMERICAIN

 


Les Rocky, c'est une saga
débutée en 1976 et terminée en 2006. Avec le recul, et une vision
d'adulte, il est tout simplement passionnant de suivre ce héros
américain pendant 30 ans, dans un parallèle troublant avec la
carrièrede Stallone. Du ruisseau aux étoiles. A la force des bras.


ROCKY : Le destin arraché

Rocky, c'est d'abord un
scénario de Sylvester Stallone, inspiré d'un combat de boxe auquel
il assiste en 1975 et opposant Mohamed Ali à un illustre inconnu,
Chuck Wepner. Ce dernier, boxeur amateur, va contre toute attente
tenir 15 rounds contre le célèbre Cassius Clay et y gagner
l'admiration du public.

Mais comme la brillante
accroche de Million Dollar Baby le clamait : « ceci n'est pas
un film de boxe ». En effet, réduire Rocky à un film de boxe
serait une erreur fondamentale. Rocky est bien plus que cela. La boxe n'est que le véhicule parfait pour un message plus profond.

Rocky, c'est d'abord une
ambiance. Philadelphie comme si on y était. Les lumières, les sons,
les années 70, la retranscription des quartiers populaires de la
ville est saisissante dès les premiers instants. On suit Rocky, un
ancien boxeur qui gagne difficilement sa vie en récupérant les
dettes du parrain local. Oh, on n'est pas chez Coppola. Le parrain en
question n'est pas bien méchant, ni bien riche. Et Rocky lui même
hésite à briser le pouce du mauvais payeur.

Ce qui marque
immédiatement, c'est que le personnage principal n'a rien du héros
attendu. C'est simplement un homme, un peu simple, qui a accepté son
destin. Celui d'être petit, d'être un raté. Il prend les coups et
choisit de les encaisser sans broncher. Jusqu'au jour où...

Jusqu'au jour où il
rencontre Adrian. Parce que Rocky, c'est surtout une histoire
d'amour. Incroyablement belle. Adrian travaille dans l'animalerie du
coin et n'est pas très jolie. Rocky y passe tous les soirs pour lui
raconter des blagues, mais elle ne répond pas. Et il se joue alors
ce qui sera le moteur de toute la saga : Rocky va décider d'arracher
son destin. Il va forcer leur histoire. L'écrire lui même puisque
personne ne semble y croire, pas même celle qu'il aime déjà sans
la connaître.

"I wanna kiss ya. You don't have to kiss me back if ya don't wanna. I wanna kiss you."

Doucement, pas à pas,
Rocky va réussir à convaincre Adrian, à lui ouvrir les yeux. Avec
une subtilité qu'on aurait du mal à soupçonner, cette histoire
donne lieu aux plus belles scènes du film. Les maladresses de Rocky,
la timidité d'Adrian et ces deux coeurs perdus et solitaires qui
s'étreignent sont finalement ce qui reste et ce qui importe quand
l'écran s'éteint.

Ces deux là sont seuls,
moqués, incompris, mais leur amour va leur donner la force de se
choisir leur chemin, bien loin de celui qui leur semble écrit. Bien
loin des rires moqueurs qu'ils subissent tous deux. Ils vont saisir
leur chance et s'y agripper jusqu'au bout.

La chance, c'est Apollo
Creed, l'équivalent fictif de Mohamed Ali, qui va organiser un
combat contre Rocky Balboa, ce petit boxeur un peu fatigué qu'il est
sûr d'écraser comme une mouche. Mais voilà, Rocky va se battre,
comme un beau diable. Mais pas pour la victoire. Juste pour le
respect, pour rester debout à la fin. Encaisser et refuser de tomber, ultime métaphore de sa vie. Se battre contre les a priori (il
n'est pas qu'un simplet fatigué), contre le destin (qui devrait être
de perdre ce combat) et surtout pour être respecté. Ce qu'il fera,
puisque malgré une défaite aux points, Rocky ne pliera pas,
martyrisé par son adversaire qui lui glissera à l'oreille qu'il ne
veut pas de match retour. Rocky est groggy, boursouflé, abîmé mais
vivant et acclamé. Il a arraché SA victoire et peut hurler de toute
sa gorge son fameux « Adriaannnn! » souvent moqué.
Pourtant, comment ne pas être ému devant cet homme qui ne pense
qu'à celle qu'il aime au moment où les autres le regardent enfin.
Ce moment où l'on comprend qu'il n'a pas fait ces sacrifices pour lui,
mais pour elle. Pour lui prouver qu'il pouvait être quelqu'un.


"Who am I kiddin'? I ain't even in the guy's league...It don't matter, 'cause I was nobody before...I was nobody. That don't matter either, ya know...It really don't matter if I lose this fight. It really don't matter if this guy opens my head, either. 'Cause all I wanna do is go the distance. Nobody's ever gone the distance with Creed. And if I can go that distance, ya see, and that bell rings, ya know, and I'm still standin', I'm gonna know for the first time in my life, ya see, that I weren't just another bum from the neighborhood."


Quand on sort de Rocky,
on garde finalement en mémoire toutes ces petites scènes de la vie
de tous les jours dans ce quartier difficile. Ces personnages souvent
méchants par maladresse. Tous ces petits riens qui font une
ambiance. La performance de tous les acteurs est mémorable, et on
s'étonne en le revoyant aujourd'hui qu'on oublie souvent de quoi est
capable Stallone

On se souvient aussi de
Rocky qui grimpe les marches du musée de Philadelphie, symbole de
son parcours. Image définitivement ancrée dans la culture
américaine, comme l'illustration ultime et indépassable du rêve
américain.

 


Et on ne peut alors
s'empêcher d'y voir un miroir étonnant reflétant la vie de son
créateur. Stallone, cet acteur raté dont personne ne voulait. Son
scénario intéressait, mais on aurait préféré Robert Redford. Et
pourtant, Sly va refuser de le vendre, malgré les sommes qui lui
sont proposées et qui devaient à l'époque lui paraître des
fortunes. Il va se battre pour avoir le rôle titre. Contre vents et
marée, il a arraché son destin, pour finalement être nommé pour l'Oscar du meilleur scénario, et obtenir (entre autres) celui du
meilleur film.

Quand réalité et
fiction se mêlent, le film en devient d'autant plus fascinant. 

 

 

 

Rocky: I say you'
re very shy by nature, ya know?
Adrian: I suppose.
Rocky: ...Ya know, some people think that bein' shy is a disease, ya know, but it don't bother me none, ya know.
Adrian: It don't bother me either.
Rocky: Then why did I bother bringin' it up, huh? 'Cause I'm dumb, that's why. I think we make a real sharp couple of coconuts. I'm dumb an' you're shy, whaddya think, huh?