Hello tous,

Quand j'étais gamin, les Amiga, je les ai vus passer de loin. Parce qu'à la maison, on tournait déjà sur des PC. Le mien, je l'ai eu quand j'avais moins d'une dizaine d'années. Un Olivetti, je l'ai jamais oublié.

Je ne vous raconte même pas la fête que ça a été quand mon paternel est revenu du boulot avec l'informaticien de sa boite et l'ordinateur sous le bras. La "bête", un modèle M24 précisément, était un monstre pour l'époque. Un processeur i8086 à 8Mhz, un lecteur de disquettes 5.1/4 pouces, et un disque dur de 20 MO! La grande force du M24, c'était son affichage en 320*200 pixels en CGA (4 couleurs). A l'époque, début 1984, la plupart des ordinateurs compatibles PC tournaient encore en monochrome. Cela a rapidement changé, avec l'arrivée du standard EGA (16 couleurs) puis du VGA (256 couleurs). Bon, autant vous dire que le luxe visuel d'un Indy IV and the fate of Atlantis, c'est chez les copains que j'en ai profité. C'est ça aussi, d'arriver en premier sur de telles technologies. Ca, et le risque de faire de grosses bêtises. Comme prendre pour argent comptant la réponse d'un informaticien taquin quant à l'intérêt de lancer la fonction "format" depuis le MS-Dos. Il m'avait répondu, à l'époque, "t'as qu'à essayer". Chouette résultat à la clé.

Les Amiga, j'en ai entendu parler comme ça, à l'époque. Quelques copains de classe ont commencé à en posséder à partir de 1987-1988, lorsque l'Amiga 500 a débarqué dans l'hexagone. Les pécéistes regardaient ça avec un peu de condescendance, au départ. Puis il y a eu de la jalousie. Là où sur PC il fallait aligner un budget conséquent pour obtenir 256 couleurs et un son autre que les "bip" de la carte mère - les premières cartes son Adlib et Soundblaster étaient un véritable luxe -, l'Amiga avait tout pour lui : le redoutable processeur 68000 de Motorola, 4096 couleurs affichables simultanément grâce au système "HAM" fondé sur la luminance, et surtout un rendu sonore stéréo qui écrasait littéralement le PC. Pour 5000 francs (sans écran), l'A500 démontait la concurrence, et notamment ce faux-frère que constituait l'Atari 520ST, sorti quelques mois plus tôt au terme de péripéties juridiques pas piquées des hannetons.

 

La petite digression

Petit rappel rapide des faits, tiens, pour expliquer cette fameuse concurrence Atari-Amiga. Tout commença en 1979 lorsque le créateur de l'Amiga, Jay Miner, quitta Atari et s'éloigna durant un  bon moment de la conception de hardwares. Il avait été échaudé par l'expérience Atari, puisqu'il voulait déjà, à l'époque, monter une machine autour de l'architecture proc 68000 de Motorola. C'est le refus d'Atari qui le fit démissionner.

En 1982, Miner fut recontacté par un autre transfuge d'Atari, Larry Kaplan (fondateur d'Activision), pour développer une nouvelle machine. La société Hi-Toro vit le jour très rapidement, et commença à plancher sur un hardware capable de concurrencer le PC. Hi-Toro ne garda pas son nom bien longtemps : elle devint AMIGA avant la fin de l'année.

La machine qui fut ainsi conçue reposait sur le 68000 de Motorola, mais ce processeur était épaulé par trois circuits imprimés spécifiques, distinguant de fait nettement l'architecture de l'Amiga de celle d'un PC. Les circuits imprimés, baptisés initialement Agnus, Daphne et Portia, géraient chacun une partie spécifique du hardware. Agnus faisait le générateur d'adresses, Daphne se chargeait de l'affichage et Portia des ports et de l'audio. Les circuits furent renommés rapidement Agnès, Denise et Paula : il s'agissait de limiter les risques d'espionnage téléphonique de la concurrence.

Les choses se compliquèrent en 1984 lorsqu'Amiga présenta de sérieux soucis de trésorerie. Atari vint à la rescousse avec un chèque de 500 000 dollars. Mais à quel prix: en contrepartie de cette somme, un accord devait être trouvé pour un partage technologique. En cas d'absence de solution négociée, Amiga pouvait soit opérer le remboursement de la somme dans le mois, soit céder les droits sur son système, à l'époque Appelé Lorraine ou Amiga PC. L'accord envisagé prit la forme d'actions cédées à Atari, mais la firme américaine, profitant de la position de faiblesse d'Amiga, tenta de faire évaluer à la baisse ces actions. Mauvaise pioche puisque David Morse, le président d'Amiga (choisi par les fondateurs), obtint un accord nettement plus avantageux in extremis auprès de Commodore.

Ce rendez-vous manqué est à l'origine des inimitiés entre les deux marques. Atari sortit dans la foulée, dès 1985, son propre hardware basé sur le 68000 de Motorola. Commodore suivit quelques semaines plus tard avec sa propre machine, l'Amiga 1000, en ayant déjà un sérieux concurrent sur le terrain. L'Amiga 500, lui, fit son apparition en 1987. Une machine que Commodore voulait d'entrée de gamme, pour un rendez-vous avec l'histoire : il s'agit de la machine la mieux vendue de la marque (plus d'un million) et d'un hardware qui continue aujourd'hui encore à faire référence chez tous les adeptes de jeux vidéo, certains des titres les plus cultes ayant vu le jour sur ce support (Nord et Sud, Kick Off, Shadow of the Beast, Populous, Dune, Saint Dragon, sans compter les LucasArts...). Et ceci malgré des limites techniques gênantes pour l'époque, notamment en termes de gestion des sprites au-delà d'une certaine taille de ces derniers.

De plus, les successeurs du 500, grâce à leur architecture hyper-évolutive, ont trouvé grâce auprès de nombre de passionnés (sur la demo-scene, notamment) jusqu'au milieu des années 2000, et même auprès des constructeurs et des développeurs qui se sont penchés sur leur cas jusqu'en 2004. Si Amiga et Commodore ont progressivement décliné au fil des années 1990, et surtout à partir de 1994 (faillite de Commodore), on n'a jamais fait mieux, en termes de longévité pour un hardware.

 

La bête de jeu

Bref. Revenons à nos moutons. Je disais donc un peu plus haut que je n'ai à l'époque profité de l'Amiga que chez mes petits camarades. Mais chaque fois que j'ai pu l'approcher, j'ai été conquis. World Cup Italia est resté dans mes souvenirs comme l'un des premiers jeux de foot réellement convaincants (je n'ai jamais été un grand fan de Kick Off et Sensible Soccer), à mille kilomètres au-dessus de ce que le PC et les consoles avaient à l'époque à proposer. Saint Dragon, BAT, Forgotten Worlds, Maupiti Island, Croisière pour un cadavre... J'ai vu ces titres passer avec envie. De mon écran CGA, j'ai bavé devant les versions magnifiques des Indiana Jones de LucasArts. Un peu plus tard, j'ai regardé non sans intérêt quelques amis faire leurs premiers pas sur la demoscene et le hacking, profitant des possibilités offertes par le support. L'Amiga était un graal de geek boutonneux avant l'heure.

Forcément, il fallait que ça arrive. 26 ans après son apparition sur le marché, j'ai finalement craqué. Depuis vendredi soir, un Amiga 500 et un moniteur 1083s trônent fièrement à côté de mon PC. Première réaction de ma douce : "Mais c'est quoi ce truc tout jaune" qui salit ton bureau". Pardonnons-la, elle ne sait pas ce qu'elle dit. Le gars qui m'a vendu la machine, pour une petite soixantaine d'euros, a certes  offert pas mal de vécu à sa machine. Mais l'Amiga fonctionne bien, tout comme son écran. Mieux encore, toute une connectique était présente dans le colis qu'une amie a accompagné dans son trajet TGV entre Paris et Strasbourg : cables de branchement vers un moniteur PC, vers un écran TV à prise péritel, deuxième souris, joysticks, extension RAM à 1MO, lecteur de disquettes externe. De quoi me lancer comme il faut dans ce nouvel univers. Quelques manuels sont également présents pour m'accompagner, charmante attention s'il en est. Et, surtout, il y a ces disquettes en vrac, qui occupaient à elles seules un colis d'une bonne trentaine de kilos. J'en ai partout, à ne plus savoir qu'en faire. Des jeux, des utilitaires... Pas trop de virus (le fléau du support), j'espère...

Depuis vendredi soir, je m'emploie à choyer la machine. Je lui ai donné un petit coup de polish pour la nettoyer, c'était effectivement nécessaire. Depuis, je teste le software. Certaines disquettes ont rendu l'âme, d'autres fonctionnent à merveille. Suffisamment en tout cas pour me convaincre une nouvelle fois du statut unique de cette machine : animation sans faille de la 2D des jeux de plate-forme, quadruple canal huit bits sonore qui envoie du bois encore mieux que dans mes souvenirs... L'A500 est définitivement une machine à part, et trouve toute sa place aux côtés du reste de ma collection. Mon unique ordinateur vintage, avec un vieil Atari 800 XL qui m'a également donné pas mal de bonheur quand j'étais gosse. La réconciliation, dans mon bureau, n'est pas un vain mot...

 

Sources utilisées pour préciser certaines infos de ce papier :

https://beta.system-cfg.com/detail.php?ident=694

https://fr.wikipedia.org/wiki/Amiga#Processeurs

https://obligement.free.fr/articles/amiga_histoire_1994.php

https://www.gamopat.com/categorie-26638.html