Salut,

Si vous avez l'habitude de faire un tour sur le blog de temps en temps, vous avez peut-être vu le post que j'ai rédigé voici quelques jours et traitant de la nouvelle série de J.J. Abrams, à savoir Person of Interest (le showrunner en est Jonathan Nolan, je le précise). J'en parle, car l'heure d'un premier petit bilan est arrivé: nous en sommes en effet désormais à trois épisodes, et si la ligne directrice de l'intrigue se fait toujours attendre -car il y en a une, n'en doutons pas un instant-, la série prend doucement de l'ampleur. Que je vous le dise tout de suite: elle commence même à très sérieusement postuler pour une place dans le top 5 de mes TV Shows préférés.

Je me permets d'avertir tout de suite mon ami lecteur: pour étayer mon propos, je risque fort, à partir d'ici, de dévoiler certains éléments clé du scénario. Qui veut découvrir la série par lui-même fera donc bien de s'arrêter à la fin de cette phrase.

Je vous rappelle que le premier épisode de Person of Interest s'était conclu sur la construction d'une sorte de triangle relationnel à enjeux multiples. Reese, le héros en quête de rédemption, travaille donc désormais main dans la main avec Finch, le milliardaire qui ne veut surtout pas que l'on sache quoi que ce soit à son propos, pour sauver des quidams dont le numéro de sécurité sociale est sorti du logiciel qui permet d'anticiper les crimes. Le troisième personnage principal n'est autre que la flic qui s'est mise en tête d'identifier et interpeller ce justicier qui traverse hors des clous.

C'est ce trio qui fait pour l'heure progresser l'intrigue. Car outre s'intéresser -pour l'heure assez discrètement- à la question du droit à l'anonymat dans une société post-11 Septembre, Person of Interest semble s'acheminer vers une formule qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais qui me semble porter de belles promesses de densité: la composante thriller de la série est généralement assez rapidement expédiée pour permettre à l'épisode de prendre une véritable dimension dramatique, en s'intéressant à des trajectoires humaines tout en se penchant progressivement sur le passé des personnages principaux.

A ce titre, le troisième opus constitue pour moi la première véritable réussite du show: sur fond de banale affaire de braqueurs de banques, Reese fouille le passé de sa cible et en déterre tout le paradoxe américain de l'après twin-towers. Le titulaire du numéro de sécurité sociale, cette fois, n'est autre, en effet, qu'un ancien d'Afghanistan. Revenu du combat au bout de six ans, il n'a rien trouvé pour l'attendre, si ce n'est une compagne fidèle. Le pays l'a oublié, et c'est cette ingratitude qui l'a poussé à prendre pour cible les banques. La rancoeur est explicite, et expliquée. La discussion avec deux traders dans un bar, qui vient souligner tous les enjeux de l'épisode, porte en elle toutes les contradictions d'un peuple qui ne sait plus sur quel pied danser. Ce peuple qui réclama l'intervention au Moyen-Orient, avant de la condamner devant le sang versé, puis de tenir pour responsables ceux qui y avaient été envoyés. "Vous étiez volontaires, personne ne vous avait rien demandé", lâche l'un des traders. Avant de conclure: "Maintenant, il va falloir utiliser votre tête pour vous en sortir". Catharsis par la violence: c'est un coup de tête de Reese qui vient boucler la discussion. Comme si, à l'image du Vietnam, le sujet ne pouvait plus guère souffrir de discussion, tant règne l'incompréhension entre ceux qui sont restés, et ceux qui sont allés au front.

Evidemment, c'est à travers Reese que le scénariste crée une profonde empathie avec le braqueur désespéré. Même régiment, même trajectoire. Reese, dans le premier épisode, avait fini clochard. Adroitement, c'est l'occasion pour la série de dévoiler quelques bribes du passé de l'homme incarné magistralement par Jim Caviezel -il est plus convaincant à chaque épisode-, qui a accepté de sacrifier sa vie privée au profit de sa mission "for the greater good". On apprend au passage que la flic, elle aussi, a un passé militaire, ce qui pourrait signifier que les accointances entre les deux protagonistes pourraient bien être rapidement développées. Surtout, Person of Interest parvient à trouver un ton juste en s'aventurant dans le registre de l'émotion, en tentant de lever le voile sur les conséquences du 11-Septembre et sur le traumatisme dont a été victime la société américaine. Indirectement, l'on en revient au propos initial de la série, qui vise à parler d'Echelon, ce service de renseignements anti-terroriste high-tech bien réel, qui a été développé après l'effondrement des deux tours. A travers lui, le peuple a sacrifié sa liberté au profit de sa sécurité. Person of Interest prendra-t-il le parti d'expliquer, de cautionner ? De critiquer, voire de condamner? Ce qui est sûr, c'est qu'il y a là un champ de possibles assez vaste à explorer.

Vous l'aurez compris: au bout d'à peine trois épisodes, Person of Interest commence déjà à prendre de l'épaisseur, de la profondeur. Pour trois  rendez-vous construits en one-shots, c'est déjà remarquable. Ceci melaisse à penser qu'une fois la véritable trame de la série révélée, la création d'Abrams et Nolan pourrait bien atteindre une dimension supplémentaire et, pourquoi pas, être en mesure de rivaliser avec les meilleures productions du moment. Il y a le potentiel, assurément...